Que contient cette « loi immigration » ?
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, comprend un certain nombre de matières inhérentes à l’asile, à l’intégration, à l’éloignement, au travail ou encore à la question du contentieux des étrangers. Nous allons nous intéresser à quelques mesures de cette loi.
Quid du travail des étrangers ?
Les travailleurs qui ne disposent pas de papiers mais qui exercent des métiers dits en tension, à l’image du BTP, pourront de manière exceptionnelle se voir délivrer une carte de séjour (travailleur temporaire ou salarié), sans avoir à en référer à leur employeur pour la sollicitation. Cependant il est attendu qu’ils justifient avoir travaillé a minima 12 mois (peu importe qu’ils aient travaillé 12 mois consécutifs ou pas) lors des deux dernières années ; qu’ils sont intégrés et enfin qu’ils résident sur le territoire français depuis trois ans. A ce titre, les préfets bénéficieront d’un pouvoir discrétionnaire dans l’accord ou non de ce titre.
Qu’en est-il de l’intégration et des titres de séjour ?
Pour les demandeurs d’une première carte de séjour pluriannuelle, ces derniers devront prouver qu’ils disposent du niveau A2 en langue française. Sous ce rapport, les employeurs sont maintenant débiteurs d’obligations accrues dans le cadre de la formation de leurs salariés étrangers au français. Aussi, notons que les demandeurs d’une carte de résident ou demandant à être naturalisés doivent démontrer qu’ils maitrisent les niveaux B1 et B2 en langue française.
Contrairement aux règles précédemment en vigueur au regard des étrangers demandant un document de séjour, il est maintenant prévu que ceux-ci devront s’engager à respecter les principes de la République française en signant un nouveau contrat. En cas de désaccord du demandeur, les préfets pourront soit refuser l’attribution du titre de séjour, soit le retirer ou bien encore décider de ne pas le renouveler.
Que prévoit la loi concernant les mesures d’éloignement ?
Il est prévu dans ces dispositions législatives que l’éloignement des étrangers présentant une menace grave à l’encontre de l’ordre public doit être facilité. Celle-ci doit notamment permettre d’expulser des étrangers même en situation régulière sur le territoire (peu importe qu’ils y soient depuis longtemps ou qu’ils aient des liens familiaux ou personnels en France) lorsqu’ils sont condamnés pour certains crimes ou des délits, selon leur situation, ou lorsqu’ils sont impliqués dans des violences perpétrées à l’encontre d’agents publics ou d’élus.
Sont finalement supprimées les protections au profit de certains étrangers en situation irrégulière (par exemple lors que l’étranger est arrivé en France avant qu’il n’atteigne l’âge de 13 ans) contre une OQTF, l’obligations de quitter le territoire français. Cette obligation pourra être prise par le Préfet après qu’une vérification du droit au séjour ait été effectuée. Toutefois il est à noter que cette OQTF n’est pas possible contre un mineur étranger qui continue ainsi d’être protégé. D’après des réserves formulées par le Conseil constitutionnel, lorsqu’un étranger est visé par une OQTF, et qu’il lui est impossible de quitter le territoire français (si son pays d’origine est en guerre par exemple), alors l’assignation à résidence de celui-ci pourra être portée à trois ans maximum, contre un an actuellement.
De même, et de manière à simplifier les exécutions de ces mesures d’éloignement, cette nouvelle loi permet le conditionnement de l’attribution des visas à la délivrance de laissez-passer consulaires émis par les pays étrangers.
Quid enfin de l’asile ?
Il est prévu par la loi que des pôles territoriaux, appelés « France asile », soient créés afin de concentrer en un lieu commun l’enregistrement, l’ouverture de droits et enfin l’introduction de la demande pour les étrangers (respectivement par la préfecture, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides).
La Cour nationale du droit d’asile est modifiée quant à son organisation par l’instauration de chambres territoriales et surtout par l’abandon de la formation collégiale (sauf pour certaines affaires revêtant un caractère complexe) et l’instauration du juge unique.
Il est prévu certaines conditions visant à assigner à résidence ou bien à placer en rétention des demandeurs d’asiles qui pourraient présenter aussi bien un risque de fuite ou bien encore une menace à l’ordre public.
Qu’a décidé le Conseil constitutionnel ?
Saisi par le Chef de l’Etat mais également par la Présidente de l’Assemblée nationale et par un groupe de plus de 60 députés et 60 sénateurs en date des 26 et 27 décembre dernier, le Conseil constitutionnel rendit sa décision concernant la loi immigration le 25 janvier 2024.
Dans sa décision n°2023-863 DC, les Sages du Conseil constitutionnel se sont intéressés aux 86 articles contenus au sein de cette loi : un peu plus d’un tiers d’entre eux furent finalement censurés. Ainsi, 32 des articles initialement insérés dans cette loi ont été censuré pour motif de forme en ce qu’ils revêtaient la nature de cavaliers législatifs, à savoir : des articles qui ne disposaient pas de lien suffisant avec le texte initial soumis à l’examen ; 3 autres articles furent pour leur part censuré sur le fond, aussi bien en partie censurés qu’entièrement censurés. Notons que ces censures portent majoritairement sur des dispositions législatives introduites par les sénateurs.
Le Conseil constitutionnel est, entre autres, intervenu à l’effet de censurer les mesures suivantes : les conditions permettant d’accéder à la nationalité française pour un enfant né en France de parents étrangers ; le dépôt de ce qui était appelé « une caution re retour » pour les étudiants étrangers ; le renforcement du regroupement familial ou encore les limitations concernant l’accès au séjour des étrangers malades.