La première vidéo en cause dans cette affaire
Pour comprendre le point de départ de cette affaire, il faut revenir au compte Instagram de la victime, compte sur lequel elle est très active. À l'occasion d'une discussion avec ses abonnés, elle discute de son orientation sexuelle et répond à une abonnée, elle aussi lesbienne, qui dit ne pas être attirée par les femmes arabes. Mila répond alors qu'il en est de même pour elle. Un internaute, à la suite de ces propos, lui fait des avances qu'elle rejettera. C'est à partir de ce refus de la part de la victime que celle-ci est accusée de racisme ; elle recevra également des insultes à la fois misogynes et homophobes.
Lors de cet échange, la religion intervient rapidement. Elle déclare rejeter l'ensemble des religions et, comme l'indique Le Monde, elle insiste sur le fait qu'elle ne peut être raciste dans la mesure où « on ne peut pas être raciste envers une religion ». Elle publiera également une story sur son compte Instagram dans laquelle elle a proféré des insultes à l'encontre de l'islam, story dans laquelle elle précise que rien ne pourra la faire regretter au sujet des propos qu'elle a tenus.
Cette vidéo prend rapidement de l'ampleur au point que la jeune femme fera l'objet de dizaines de milliers de messages à la fois misogynes et homophobes - la vidéo sera visionnée plus de 35 millions de fois ; de nombreux internautes appelleront par ailleurs à la violence contre Mila, voire au meurtre ou au viol. Face aux menaces grandissantes à son encontre, cette dernière est placée sous protection judiciaire et se voit contrainte d'être déscolarisée, mais aussi isolée à son domicile. Il convient également de relever que des informations personnelles de la victime ont été dévoilées sur internet.
Les suites de cette vidéo virale
Dès le lendemain de la publication de cette vidéo, la jeune femme répond aux questions de différents journalistes. À l'occasion de ces échanges, elle répond qu'elle n'a menacé ni même appelé à la violence contre aucune personne, aucun groupe ou aucune religion contrairement aux propos dont elle a effectivement fait l'objet ; Le Monde rapportera qu'elle a précisé que ce qu'elle a fait « c'est du blasphème, c'est une critique générale des religions, et rien d'autre ».
Deux enquêtes seront diligentées après que cette vidéo soit devenue l'objet de réactions diverses au sein du monde politique, médiatique et religieux, relançant ainsi l'occasion de prôner le droit au blasphème et la liberté d'expression pour certains, la lutte contre l'islamophobie pour d'autres. La première enquête est menée contre Mila qui était accusée d'incitation à la haine raciale : cette enquête sera classée sans suite. La seconde enquête intéresse le harcèlement et les menaces de mort à l'encontre de l'adolescente : cette enquête constitue le point de départ du procès qui s'est ouvert le jeudi 3 juin 2021.
Dans une nouvelle vidéo publiée par la jeune femme en novembre 2020, celle-ci se voit à nouveau menacée de mort après avoir à nouveau vivement critiqué l'islam.
Une faille de l'État dans cette affaire ?
Comme précisé ci-dessus, la jeune femme a été contrainte d'être déscolarisée. Les parents de cette dernière ont par ailleurs demandé à ce qu'elle puisse changer d'établissement. Néanmoins, les établissements publics situés dans le secteur géographique de son domicile ont refusé son inscription, affirmant qu'ils ne peuvent tout mettre en oeuvre afin de la protéger efficacement.
L'avocat des parents de Mila, Richard Malka, s'est prononcé à ce sujet et a affirmé que l'affaire dont est victime sa cliente « illustre le renoncement général, en particulier de l'Éducation nationale, à enseigner la liberté d'opinion et d'expression » avant d'ajouter que l'on « tolère l'intolérable pour ne pas faire de vague » et que les victimes sont contraintes au silence afin de ne blesser personne.
Les conséquences judiciaires de l'affaire Mila
Deux plaintes furent déposées par la victime elle-même, et deux enquêtes distinctes furent ouvertes. La première est diligentée contre la jeune femme pour appel à la haine raciale tandis que la seconde est orchestrée pour les appels au meurtre dont elle a effectivement fait l'objet.
La première sera classée sans suite en ce qu'il a été conclu que les propos tenus par la victime « [exprimaient] une opinion personnelle à l'égard d'une religion » et que celle-ci n'appelait pas à la haine ou bien à la violence contre des individus (soit en raison de leur origine, soit encore en raison de leur appartenance religieuse).
Plusieurs condamnations ont été prononcées contre des auteurs des appels à la violence et au meurtre de la jeune femme. L'un de ces auteurs, un adolescent assure d'ailleurs qu'il assume complètement ses propos et qu'en absence de réponse des forces de l'ordre et de la justice, celui-ci se devait d'agir lui-même. De même, deux adolescents seront mis en examen pour avoir participé au vol et à la publication de données personnelles de la victime.
Après la publication de la nouvelle vidéo de la jeune femme, 13 personnes seront placées en garde à vue ; ces dernières sont accusées de cyberharcèlement et de menaces de mort.
Le procès s'est ouvert le jeudi 3 juin 2021 au Tribunal correctionnel de Paris. Le prononcé des peines était attendu dans la journée ; toutefois, les avocats de la défense ayant fait mention d'incidents de procédure, une nouvelle audience aura lieu le 21 juin prochain cette fois afin de juger le fond de l'affaire en question.
Sources :
- L'affaire Mila expliquée : insultes contre l’islam, menaces contre une lycéenne et réaction politique « maladroite » - Le MondeConsulté le 06/06/2021, URL : https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/01/29/affaire-mila-la-ministre-de-la-justice-accusee-de-vouloir-legitimer-le-blaspheme_6027715_3224.html
- Affaire Mila: le procès pour cyberharcèlement de 13 personnes s'est ouvert à Paris - La CroixConsulté le 06/06/2021, URL : https://www.la-croix.com/Affaire-Mila-proces-cyberharcelement-13-personnes-ouvert-Paris-2021-06-03-1301159124
- Affaire Mila : "Jamais dans l'histoire de ce pays, une jeune fille n’a reçu 100 000 messages haineux", souligne son avocat Richard Malka - France TV InfoConsulté le 06/06/2021, URL : https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/religion-laicite/affaire-mila-jamais-dans-l-histoire-de-ce-pays-une-jeune-fille-na-recu-100000-messages-haineux-temoigne-son-avocat-richard-malka_4647831.html