Le choix du Premier ministre : un pouvoir absolu du Chef de l’Etat 

Bien que l’été ait été marqué par les Jeux Olympiques et Paralympiques, la question du choix du Premier ministre n’a cessé de faire les unes de la presse tant nationale que régionale. Notons pour débuter que le Premier ministre, contraire au Chef de l’Etat, ne dispose pas d’un titre qui lui est spécifiquement dédié dans la Constitution. Il est en fait mentionné dans deux titres principaux, à savoir : le titre II qui traite du Chef de l’Etat puis le titre III qui traite, pour sa part, du Gouvernement. Selon l’article 8, al. 1er, du texte constitutionnel, le Premier ministre est nommé par le Chef de l’Etat : ce choix est strictement discrétionnaire et il est impossible de contester le décret de nomination devant le Conseil d’Etat. En effet, cette décision fait partie intégrante des actes de gouvernement qui, pour rappel, en droit administratif constituent des décisions qui ne peuvent faire l’objet d’un quelconque recours, faisant partie des rapports entre les pouvoirs constitutionnels français. Il convient aussi de retenir que ce choix en particulier est en partie dicté par la nécessité d’une parenté avec le groupe majoritaire au sein de l’Assemblée nationale, à tout le moins une coalition en son sein. Ceci s’explique par le fait qu’il faut éviter que le gouvernement ne soit finalement renversé par une majorité de députés. 

S’il est juridiquement libre de nommer son Premier ministre, politiquement parlant, le Chef de l’Etat doit tenir compte des couleurs politiques en place dans la Chambre basse du Parlement. Aussi, le Président de la République n’est aucunement tenu de respecter un quelconque délai pour le nommer (et nous l’avons vu cet été) ; la nomination d’un nouveau Premier ministre ne peut intervenir qu’après la démission de l’ancien Premier ministre, le Chef de l’Etat ne pouvant pas le destituer de ses fonctions sans qu’il n’en donne son accord.


Quelles sont les fonctions qui reviennent au Premier ministre ?

Le Premier ministre détient un rôle important même en absence d’un titre spécifique qui lui est dédié au sein de la Constitution. Celui-ci détient, une compétence générale au sens de l’article 21 du texte constitutionnel : il « dirige l’action du gouvernement ». Retenons ici qu’il n’est en rien le supérieur hiérarchique des ministres formant le gouvernement. 

Le Premier ministre est aussi le responsable de la Défense nationale, plus spécifiquement le responsable de l’organisation de la défense nationale (ici, le Chef de l’Etat détient une autre compétence, celle de la direction opérationnelle de la Défense nationale en ce qu’il est fonctionnellement le Chef des armées). 

Il lui revient aussi d’assurer l’exécution des lois et, en ce sens, il doit prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour que les lois votées par les deux chambres du Parlement soient rendues applicables. Il s’agit dans ce cas d’une obligation d’exécution : si un manquement est constaté, alors la responsabilité de l’Etat pourra être utilement engagée (cf. CE, arrêt d’assemblée, 27/11/1964, Ministre des Finances et des Affaires économiques, n° 59068). 

Le Premier ministre détient également le pouvoir réglementaire général. Il détient le pouvoir réglementaire conformément aux dispositions de l’article 21, al. 1er, susmentionné. Il lui revient de déterminer les différentes attributions des ministres au sens de l’alinéa suivant de ce même article.


Peut-il nommer aux emplois civils et militaires ? S’il est enseigné qu’il revient au Chef de l’Etat de nommer à de tels emplois, il n’en demeure pas moins que, par décision du Président de la République, celui-ci peut nommer à ces emplois (cf. ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État, art. 3).

Il est possible pour le Premier ministre de se substituer au Chef de l’Etat dans deux cas : dans le cadre d’une présidence d’un conseil ou d’un comité supérieur de la Défense nationale ; dans le cadre de la présence d’un conseil des ministres s’il en a reçu délégation et si un ordre du jour spécifique a été arrêté. 

Soulignons que même si le fait majoritaire impacte la relation entre les deux figures constitutionnelles, le Premier ministre étant davantage sous la coupe du Chef de l’Etat, la période de cohabitation permet paradoxalement un retour à la lettre du texte constitutionnel. Ceci s’illustre principalement par le nécessaire contreseing du Premier ministre ou de certains ministres concernant les décisions prises par le Chef de l’Etat. 


Quid enfin des pouvoirs du Chef de l’Etat ?

La lecture du texte constitutionnel suprême nous renseigne sur l’hégémonie du Chef de l’Etat. Mentionné à 32 reprises (contre 22 pour le Premier ministre), le Président de la République est directement visé par les dispositions du Titre II. Si quelques actes lui sont spécifiquement réservés, il n’en reste pas moins qu’il influe souvent dans les choix des ministres qui composeront le gouvernement et qui traiteront de sujets particuliers pour lesquels il souhaite suivre assidûment les projets (typiquement la défense nationale ou encore les affaires étrangères).

Conformément aux dispositions de l’article 19 de la Constitution, certains actes pris par le Chef de l’Etat sont contresignés au choix par le Premier ministre ou bien les ministres dits « responsables », tandis que d’autres ne le pas (à l’image non exhaustive de l’article 8, al. 1er, concernant la nomination du Premier ministre ; l’article 12 sur la dissolution de l’Assemblée nationale ; l’article 16 au regard du recours aux pouvoirs exceptionnels ; ou bien encore, l’article 61 qui lui permet de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi adoptée mais non encore promulguées). 

L’on voit donc bien que la relation entre ces deux figures doit être amiable en ce qu’ils doivent signer la majorité, si ce n’est la quasi-totalité, des actes afin que l’Etat puisse fonctionnement correctement…