Différentes procédures lancées contre des géants américains

Les procédures lancées par la Commission européenne à l’encontre de ces sociétés américaines de l’internet constituent les toutes premières procédures mises en œuvre dans le cadre du règlement européen sur les marchés numériques (le DMA) entré en vigueur il y a tout juste un mois. Ce qui est également intéressant à noter les concernant réside dans le fait que l’Union européenne avait déjà entamé des discussions avec ces sociétés depuis plusieurs mois à l’égard de leur mise en conformité avec les règles de la concurrence européenne maintenant entrées en vigueur. Cette entrée en vigueur revêt certainement la nature d’une arme somme toute puissante pour la Commission européenne en ce que l’Union européenne est in fine dotée de règles fortes et dissuasives à l’encontre des géants de l’internet, ce dont elle manquait cruellement par le passé.

Thierry Breton, l’actuel commissaire européen au numérique, s’est félicité de changements visibles sur le marché mais a tout de même précisé que l’exécutif européen n’est pas totalement « [convaincu] par les solutions proposées par [les sociétés visées] » en ce qu’elles ne respecteraient pas nécessairement leurs obligations. Les ambitions de l’Union européenne, par l’adoption puis l’entrée en vigueur du DMA, sont grandes en ce que l’organisation internationale désire vivement ouvrir les marchés numériques, mais aussi assurer la protection de l’émergence et de la croissance des start-ups européens, mais aussi et cette ambition n’est pas des moindres : optimiser les choix permis aux utilisateurs européens.

En vérité, il est opportun de noter que l’ouverture de ces procédures ne constitue pas réellement une nouveauté en ce que les griefs portés à l’encontre de ces trois sociétés ne sont pas nouveaux. Dans tous les cas, avec ce nouveau règlement, l’Union européenne souhaite que ces procédures soient réglées d’ici le printemps 2025.

Quel est plus précisément le contenu de ces procédures ?

La Commission européenne a fait savoir que l’enquête mise en œuvre à l’encontre d’Alphabet (Google) intéresse spécifiquement des suspicions contre cette société d’avoir exploité le quasi-monopole de son célèbre moteur de recherche pour que soient finalement avantagés ses services de comparateurs de prix au préjudice certain des concurrents. Notons sous ce rapport que Google avait déjà fait l’objet d’une amende de 2,4 milliards d’euros en 2017 pour les mêmes griefs.

Les choses ne s’arrêtent pas là pour Alphabet puisqu’il lui est reproché, ainsi qu’à Apple, de restreindre la possibilité attribuée aux développeurs d’applications non seulement de « communiquer [mais aussi de] promouvoir librement leurs offres et [conclure] directement des contrats » avec les utilisateurs desdites applications, au sein de leurs magasins d’applications respectifs. En effet, des frais de diverses natures leur sont appliqués. Ce n’est pas non plus la première fois qu’Apple est visée par une telle procédure, l’entreprise ayant été condamnée au début du mois de mars 2024 au versement d’une amende d’un montant de 1,8 milliards d’euros, suite à une plainte déposée par Spotify à l’été 2020.
La mise en route de ces procédures a été vivement critiquée par la Computer & Communication Industry Association (la CCIA), célèbre lobby de la tech, celle-ci considérant que l’Union européenne faisait preuve de « précipitation » mais s’inquiète surtout du contenu des enquêtes.

Une parenthèse est ici nécessaire : en effet, ces procédures européennes interviennent quelques jours seulement après l’assignation d’Apple en justice du fait de ses pratiques monopolistiques supposées à l’égard des développeurs d’applications ensuite mises en vente et téléchargeables par les utilisateurs. L’exécutif européen a aussi ouvert une enquête à l’encontre du géant américain au regard d’une possible infraction à l’obligation d’attribuer aux utilisateurs la possibilité de désinstaller les applications par défaut sur le système d’exploitation iOS, notamment à l’égard de difficultés inhérentes à des alternatives à Safari dont sont équipés ses smartphones. Au surplus, toujours concernant Apple, l’exécutif européen a fait savoir qu’il allait s’intéresser de près au système de tarification proposé par Apple et qui, sans surprise, pourrait contrevenir aux règles du droit de l’Union européenne en la matière, à savoir : que les utilisateurs puissent télécharger des applicables sur des boutiques alternatives à son magasin d’applications, App Store.


Quid de Meta ?

Meta a également été visée par les procédures lancées par l’Union européenne le 25 mars 2024. Il est ainsi reproché à cette société d’avoir méconnu la règle selon laquelle il lui est obligatoire de demander le consentement des utilisateurs de ses applications pour être en mesure de rassembler des données personnelles de ses utilisateurs à des fins de profilage publicitaire. Vous l’avez sûrement remarqué, Meta avait proposé à ses utilisateurs de souscrire à un abonnement payant qui permet in fine de ne pas être ciblé par de la publicité ; les autres utilisateurs qui ne désiraient pas souscrire un tel abonnement ont été contraints de donner leur consentement pour que leurs données personnelles soient livrées. Cependant cette proposition n’a pas été jugée convenable par l’Union européenne en ce que le choix final qui en découle (c’est-à-dire payer ou consentir) ne saurait constituer une alternative opportune spécifiquement pour la situation personnelle des utilisateurs qui auraient décliné donner leur consentement.

Pour clore, ce DMA devrait constituer une arme redoutable dans les mains de la Commission européenne en ce qu’il lui permettra, par l’actionnement de procédures identiques à celles déjà en cours, de restreindre les abus de position dominante suspectées et/ou constatées par les géants de l’internet parce que leurs obligations et les interdictions auxquelles ils doivent se soumettre sont prédéterminées. Finalement, il est intéressant de noter que le montant des amendes possiblement décidées a été réhaussé. Effectivement, ce montant pourra correspondre à 20% du chiffre d’affaires mondial contre 10% jusqu’à maintenant pour le cas où ces géants auraient contrevenu de manière grave et répétée à ces obligations.

Nul enfin doute que ces procédures mais aussi celles à venir n’auront pas fini de faire couler beaucoup d’encre…