En effet le Conseil d’Etat, après avoir expressément évoqué les règles inhérentes à l’équité de temps de parole au sein des médias pendant les périodes électorales, a retenu qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale à l’encontre d’une liberté fondamentale avait été portée par l’ARCOM lorsque celle-ci décida de refuser d’enjoindre à la chaine TF1 d’inviter Les Républicains au débat organisé le soir même. Plus spécifiquement, pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il décidé ainsi ? Décryptage.
Quels sont les faits de l’espèce ?
Un débat politique a été organisé le mardi 25 juin 2024, à quelques jours du premier tour des élections législatives, par TF1 : y étaient exclusivement invités Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard. Mécontents de cette décision de la chaine, Les Républicains (ci-après LR) ont décidé de saisir l’ARCOM, en date du 20 juin, pour que soit mise en demeure TF1 d’inviter un représentant LR au débat en cause. Pour sa part, l’ARCOM décida de donner raison à TF1, à tout le moins a décidé de ne pas répondre favorablement à la demande formulée par LR. Ces derniers décidèrent alors de saisir le Conseil d’Etat en référé.
Quels étaient les griefs des Républicains ?
Il est intéressant de relever les griefs portés par Les Républicains concernant la décision de l’ARCOM. Selon eux, le fait qu’aucun représentant LR ne puisse participer au débat est « hautement préjudiciable. » En vérité, pour Les Républicains, c’est bien la composition finale des courants politiques présents à ce débat qui posait question, du fait de cette « singulière célérité » de la campagne électorale qui, en application des dispositions constitutionnelles de l’article 12 prévoyant le mécanisme de la dissolution de la Chambre basse du Parlement, ne laisse que très peu de temps pour les différentes formations politiques et partis politiques de s’organiser utilement.
Les Républicains, qui rappellent expressément le nombre total de députés remportés à l’occasion des précédentes élections législatives, critiquent la décision de TF1 de ne pas les avoir invités à y participer alors même que ce débat constitue l’apogée de cette campagne du premier tour des nouvelles élections législatives anticipées, soulignant à nouveau le caractère urgent du contexte mais aussi l’heure à laquelle est diffusé ce débat sur une chaine aussi importante en termes d’audimat que TF1. Pour le parti politique, le fait que l’ARCOM ait tout simplement refusé d’accéder à leur requête n’est constitutif de rien d’autre qu’une « atteinte au respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’option », expressément par le fait que l’ensemble des partis ou des formations politiques ne seront pas représentés lors de ce débat, à tout le moins une formation politique représentative comme la leur.
Finalement, pour les requérants, l’ARCOM, en décidant de la sorte, ne s’est pas conformée aux obligations qui sont les siennes, et a ainsi « commis une erreur de droit », et a méconnu gravement et de manière manifestement illégale une liberté fondamentale.
Qu’a décidé le Conseil d’Etat et pourquoi a-t-il donc décidé ainsi ?
Le mardi 25 juin, au matin, l’audience eut lieu au Conseil d’Etat qui rendit sa décision dans l’après-midi. Le constat est clair : le Conseil d’Etat a également rejeté la demande formulée par Les Républicains. Pourquoi a-t-il décidé de la sorte ?
Le Conseil d’Etat dans son ordonnance du 25 juin a considéré que l’ARCOM n’a porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et plus spécifiquement « au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ».
Pour conclure ainsi, le Conseil d’Etat a tout d’abord précisé que l’ARCOM a apprécié l’équité des temps de paroles de ces formations politiques de manière générale sur la période concernée, et non uniquement sur « un évènement particulier », même si ce dernier est en mesure de résulter sur un retentissement qualifié par l’autorité de « certain ». En fait, l’ARCOM s’est fondée sur différents critères pour apprécier la représentativité desdits candidats ou des formations politiques découlant par exemple sur des résultats finaux des dernières élections législatives de 2022 ou encore découlant des indices des sondages d’opinion effectués.
En fin de compte, sous ce rapport, dans le paragraphe 12 de l’ordonnance, le Conseil d’Etat dresse un bilan des suffrages exprimés à l’occasion du premier tour des précédentes élections législatives, et, retient que les candidats qui avaient été soutenus par LR à l’époque ont remporté 10,4% de ces suffrages, qu’ils ont remporté 61 sièges au sein de l’Assemblée nationale, et que Valérie Pécresse qui représentait le parti LR lors de la précédente élection présidentielle n’avait obtenu qu’un peu moins de 5% des voix, ne lui permettant pas de se hisser au second tour. Le Conseil d’Etat s’est aussi penché sur les résultats obtenus par la liste menée par François-Xavier Bellamy lors du dernier scrutin européen et retient que 7% des suffrages lui été revenus. Reprenant finalement les sondages effectués dans le cadre des prochaines élections législatives, le Conseil d’Etat relève qu’il est attendu de cette formation politique de décrocher entre 7% et 10% des voix.
Ces constatations ayant été opérées, le Conseil d’Etat balaye d’un revers de main le bien-fondé de LR qui affirmait qu’en ayant décidé de ne pas mettre en demeure la chaine de l’inviter au débat organisé le 25 juin 2024, l’ARCOM aurait porté une telle atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, compte tenu de « la ligne politique » que le parti représente et compte tenu de ce que le parti aurait donc pu apporter « au débat électoral ».
Finalement, pour les requérants, l’ARCOM, en décidant de la sorte, ne s’est pas conformée aux obligations qui sont les siennes, et a ainsi « commis une erreur de droit », et a méconnu gravement et de manière manifestement illégale une liberté fondamentale.