Quels sont les faits de l’espèce ?
Il convient tout d’abord de noter que les faits de l’espèce sont très peu détaillés malgré l’important relais médiatique de cette affaire. Les faits se sont déroulés à Toulouse, dans la piscine d’une résidence privée. Après l’utilisation illégale de la piscine par un squatteur, devenu tétraplégique suite à une mauvaise réception, les 67 copropriétaires de la résidence sont tenus comme étant responsable de ses blessures. Dans les développements suivants, nous allons revenir sur la question des régimes juridiques qui pourraient s’appliquer dans notre cas d’espèce.
Relevons maintenant qu’une piscine revêt la nature d’un élément d’équipement commun de la copropriété (cf. Cass. 3e, 26/05/2016, n° 15-16.288) permettant, par hypothèse, la mise en mouvement des règles de la responsabilité civile spéciale de plein droit du syndicat des copropriétaires même s’il est envisageable que certaines règles du droit commun de la responsabilité puissent être ici utilisées.
Quid de la responsabilité spéciale de plein droit ?
S’il est prévu une telle responsabilité spéciale de plein droit du syndicat des copropriétaires, c’est parce qu’il dispose d’un pouvoir particulier, « exclusif », concernant la sauvegarde de tels équipements communs (cf. loi n° 65-557 du 10/07/1965, art. 14). Il est possible qu’il s’exonère de cette responsabilité par l’apport de la preuve d’une force majeure ou bien d’une faute de la victime ou d’un tiers « ayant causé l’entier dommage » (cf. Cass. 3e, 30/11/2023, n° 22-22.738). Concernant cette dernière décision de la Cour de cassation, il convient de noter qu’il n’est plus nécessaire pour la victime, pour la mise en cause de la responsabilité dudit syndicat, d’apporter la preuve que le dommage dont elle se plaint résulte d’un défaut d’entretien ou encore d’un vice de construction des parties communes. Il faut relever qu’il sera possible au syndicat de s’exonérer partiellement ou totalement de sa responsabilité pour le cas où la faute de la victime est à l’origine du préjudice dont elle se plaint (un partage de responsabilité peut être envisagé si la faute de la victime n’est pas entièrement à l’origine de son dommage : cf. Cour d’appel de Paris, 23/03/2022, n° 18/07647) ; ou bien encore pour le cas où la force majeure est retenue.
Quid maintenant de la responsabilité de droit commun ?
En vertu des célèbres dispositions contenues au sein de l’article 1242 du Code civil, chacun est responsable du dommage qu’il cause à autrui, que ce soit notamment « par son propre fait (…) ou des choses que l’on a sous sa garde. » Une réparation est donc attendue au bénéfice de la victime.
Même si l’article 14 de la loi susmentionnée du 10 juillet 1965 est d’application de plein droit, cette application n’empêche en rien l’application de l’article 1242 précité si la victime en fait le choix (cf. par exemple, Cass. 3e, 22/09/2009, n° 08-18.193).
La victime pourrait donc envisager d’user des dispositions de l’article 1242 du Code civil pour rechercher la responsabilité du syndicat des copropriétaires, ce dernier étant, en l’espèce, le gardien de la chose, à savoir : la piscine. Ces deux articles sont d’ailleurs proches en ce qu’ils n’obligent pas la victime à apporter la preuve qu’une faute a été commise. Précisons toutefois que la victime devra apporter la preuve du « fait actif » de la chose en question ou bien encore son caractère anormal si la chose est inerte.
Le syndicat des copropriétaires pourrait se dégager de sa responsabilité par le fait de la victime. Si ce dernier comprend les caractères d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, alors le gardien de la chose peut s’exonérer entièrement sa responsabilité, que le fait en question soit ou pas fautif. Il est question d’une faute « objective », c’est-à-dire un comportement qui n’aurait pas été celui du bon père de famille, de la personne diligente, dans les mêmes circonstances. La faute de la victime permettrait au syndicat de s’exonérer, mais il nous faut souligner immédiatement dans un premier temps que celle-ci doit présenter tous les caractères de la force majeure (cf. par exemple, Cass. 2e, 11/07/2002, n° 01-10.016), et dans un second temps que la conception de la force majeure par les juridictions compétente est restrictive (cf. Cass. 2e, 03/03/2016, n° 15-12.217)… Difficile donc pour les juridictions de reconnaitre dans la faute de la victime ces différents caractères cumulatifs (cf. par exemple, Cass. 2e, 16/12/2004, n° 03-18.860 ou encore Cass. 2e, 23/10/2003, n° 02-16.155).
Qu’on ne se méprenne pas, s’il est indéniable que les tribunaux sont exigeants à l’égard de tout gardien d’une chose, il n’en est pas moins vrai qu’il existe des décisions qui pourraient permettre au syndicat des copropriétaires dans notre espèce de s’exonérer de sa responsabilité, au mieux qu’il puisse bénéficier d’une exonération partielle de sa responsabilité (Cass. 2e, 29/03/2018, n° 17-15.918). Il pourra de même en être ainsi pour le cas particulier où la victime d’un dommage dont elle se plaint a en effet commis soit une faute d’imprudence, soit une faute d’inattention et qui a activement concouru à la réalisation de son préjudice (cf. Cass. 2e, 19/02/2004, n° 02-18.796).
En fin de compte et concernant notre cas d’espèce, dont les faits sont pour rappel relativement peu détaillé, nous pouvons conclure, naturellement sans certitude, que la condamnation totale du syndicat de copropriété n’est pas automatique, systématique (malgré les nombreuses prémonitions partagées dans la presse sans réels fondements par leurs commentateurs avides de sensations).