Quels sont les faits de l’espèce ?

C’est en 2021 que tout commença lorsque les services de renseignement belges procédaient à des enquêtes à l’encontre de certaines personnalités du Parlement européen. Celles-ci intéressaient plus spécifiquement des soupçons de corruptions orchestrées par des agents marocains. Ce ne sera qu’à l’occasion de ces enquêtes que le Qatar sera également mis en cause. En fait, il était reproché à des personnalités politiques, ainsi que des personnes les entourant dans leur vie politique, d’avoir reçu des sommes d’argent afin de voter telle ou telle décision en faveur du Maroc et du Qatar. D’importantes sommes d’argent liquide furent saisies le 9 décembre 2022, soit environ 1,5 million d’euros.

Qu’est-il donc reproché au Qatar dans cette affaire ?

Ce n’est en vérité pas uniquement le Qatar qui fut seul accusé dans cette affaire puisqu’il est également reproché les mêmes faits au Maroc. Il leur est principalement reproché d’avoir influé certains membres du Parlement européen et leur entourage.

Il apparait intéressant de relever quelques éléments d’information relatifs à cette influence d’un Etat tiers au sein de l’institution européenne.

Ainsi, l’on peut, entre autres, s’intéresser à la question des conditions de travail sur les chantiers de qui deviendront les lieux emblématiques de la Coupe du Monde de football 2022. En effet, lors des travaux de la sous-commission des droits de l’homme au sein du Parlement européen, réunie le 14 novembre 2022, afin d’aborder l’épineuse question des conditions de travail des ouvriers sur les différents chantiers au Qatar en amont de la Coupe du Monde, les réponses du ministre du travail du Qatar de l’époque avaient été préparées par des membres de l’institution européenne mais également par certains membres de leur entourage politique afin de contrecarrer au mieux les polémiques qui enflaient depuis plusieurs mois à l’échelle européenne (et internationale) à cet égard particulier.

Le Qatargate : une question de lobbying ?

Il est important, pour nous dans le cadre de ce développement, de noter que ce scandale qui a éclaté à la fin de l’année 2022 et qui a durement touché l’institution européenne n’est pas uniquement inhérent à la question même du lobbying. Ce qui doit aussi être soulevé, le concernant, réside surtout dans le fait que les règles qui existaient bel et bien en matière d’influence et même encore de transparence, étaient somme toute révisables, perfectibles.

Comme nous avons pu l’évoquer dans un précédent article, la question du lobbying est tout particulièrement gouverné par le registre de transparence.

Pour rappel, il s’agit en vérité d’une base de données exhaustive créée en 2011, et qui intéresse également, outre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne ainsi que la Commission européenne. Cette base de données comprend l’ensemble des entités qui désirent mener, au sein des institutions de l’Union européenne, des activités particulières de lobbying. Il existait déjà un premier défaut et non des moindres en ce qu’il était prévu que l’inscription était en fait purement facultative même si, en théorie uniquement, cette inscription devait revêtir un caractère strictement obligatoire au regard d’activités prédéterminées (citons, entre autres, concernant ces activités, l’obtention de l’accréditation au sein du Parlement européen).

Le hic est le suivant : en 2022, alors même qu’éclate ce scandale dans la presse belge puis dans la presse européenne, l’obligation en question reste lettre morte, aucun contrôle ou presque n’étant en effet prévu ou effectivement mené sous ce rapport. Cette absence de contrôle fut le terreau fertile des influences de l’ONG Fight Impunity qui avait pu, à de nombreuses reprises, entrer au sein du Parlement européen. Certains représentants, d’Etats tiers à l’Union européenne, mais aussi d’anciens députés européens avaient alors été en mesure d’y mener de telles actions sans pour autant être contrôlés.

La réforme du Parlement européen qui a suivi ce scandale

Fort de cette expérience bien désagréable et qui n’a pas manqué d’écorner l’image de transparence de l’institution européenne, le Parlement européen décida alors de procéder à l’adoption de nouvelles règles en la matière et, en septembre 2023, le code de conduite des parlementaires européens et de l’institution fut revu et renforcé afin de pallier toute intrusion, toute ingérence de la sorte dans le futur. Parmi les nouvelles règles édictées et entrées en vigueur depuis lors, nous pouvons relever l’obligation devant être respectée par tous les députés européens de déclarer leur patrimoine que soit en début ou en fin de mandat, ou bien encore leur obligation de publier l’ensemble des rendez-vous qu’ils ont avec de tels représentants d’intérêts.


A l’égard de ces nouvelles règles, et s’il est mis au jour un ou des conflits d’intérêts, l’on peut aussi relever qu’il existe une évaluation a posteriori effectuée par une commission. Ici, néanmoins, il nous faut retenir que la commission est composée de députés européens. La composition de cette commission prête donc le flan à la critique car ces représentants du peuple européen n’ont que peu tendance à sanctionner les comportements de leurs collègues concernés, en tout cas de manière officielle. Si ces règles nouvelles sont bien entrées en vigueur, reste véritablement à savoir si elles seront suivies d’effet et par conséquent mises en œuvre dans la pratique.

Il peut sûrement être attendu que ces différentes règles, bien que louables sur le papier, doivent tout de même être perfectionnées afin d’éviter véritablement tout nouveau scandale de ce type à l’avenir…