Prévu pour une durée initiale de deux mois, puis prolongé à six reprises, l'état d'urgence sanitaire est prolongé jusqu'au 1er juin 2021. Cette prolongation, votée le 9 février dernier, s'est vue justifiée par la découverte de nouveaux variants. Or cet état d'urgence sanitaire restreint les libertés et apparait pour beaucoup, malgré sa nature de « régime d'exception », devenir la règle. Qu'en est-il ?
L'État de droit bafoué par les règles d'exceptions édictées ?
Au printemps dernier, la Commission nationale consultative des droits de l'homme s'inquiétait des mesures prises par le gouvernement pour faire face à l'expansion des contaminations dues à la Covid-19. Cette commission avait notamment rappelé que s'il est possible pour le pouvoir en place de restreindre les libertés, cette restriction doit néanmoins respecter divers principes de nécessité, d'adaptation et de proportionnalité.
Par ailleurs, depuis lors, de nombreuses décisions furent rendues par le juge des référés qui a pu annuler certaines décisions prises par des préfets (ou leur demander de revoir leur copie) et qui aggravaient les décisions prises sur le plan national, appliquant alors les règles découlant notamment de la décision Benjamin du Conseil d'Etat de 1933 sur le contrôle des mesures de police administrative.
On le voit donc, s'il est indéniable que les mesures prises jusqu'à présent afin d'endiguer la propagation du virus sur le territoire, ou à tout le moins de la limiter, ont restreint les droits et les libertés fondamentales, le juge administratif a pu jouer un rôle particulier pour les faire respecter dans certains cas.
Quid des prolongations successives de l'état d'urgence sanitaire ?
Le 3 mai 2020, peu de jours avant l'instauration d'un déconfinement progressif dont le processus avait été confié à Jean Castex, l'actuel Premier ministre, le Défenseur des droits avait adressé une lettre au président de l'Assemblée nationale, du Sénat et des commissions des lois au sein de ces deux assemblées. Ce dernier préconisait notamment une certaine préoccupation au regard des atteintes aux droits et aux libertés fondamentales qui découleraient nécessairement d'une prolongation de l'état d'urgence. Pour lui, il était nécessaire de s'attacher à une limitation temporelle des mesures restrictives de libertés. Il considérait ainsi que ces mesures de police administrative, par nature attentatoires aux droits et aux libertés fondamentales, ne devaient pas être inscrites dans le droit commun à l'expiration de ce régime d'exception.
À ce jour, force est de constater que l'état d'urgence sanitaire n'est toujours pas levé et que les préoccupations qui étaient exprimées alors sont toujours d'actualité. La question est maintenant de savoir quand il sera mis fin à ce régime d'exception et quel sera donc l'état du droit ?
Sources : Vie publique, Le Monde