Ce texte nouvellement adopté comprend des mesures sans précédent venant notamment contraindre les industriels. Entre autres, celui-ci prévoit le renforcement du marché carbone, la fin des quotas gratuits attribués aux industriels, la mise en place d’une taxe carbone aux frontières et la création d’un Fonds social pour le climat qui doit permettre la compensation du coût de la transition environnementale pour les citoyens européens. En quoi ce vote est-il remarquable ? Décryptage.  


Pourquoi un premier rejet du Parlement européen ?

Début juin 2022, le Parlement européen avait initialement refusé le projet de réforme du marché carbone faute d’accord unanime. Ce projet constitue pourtant un point primordial dans les ambitions climatiques de l’Union européenne pour les années à venir. Les eurodéputés verts ainsi que la gauche avaient en effet incriminé les libéraux et plus généralement la droite européenne d’avoir appauvri le texte soumis au vote. A noter tout de même que les eurodéputés avaient voté en faveur de la fin des voitures thermiques d’ici à 2035 au sein de l’Union européenne.
Finalement après ce rebondissement, une nouvelle discussion du texte en commission fut organisée et le vote fut finalement acté le 22 juin dernier. Il constitue le résultat de la présentation par la Commission européenne, en juillet 2021, d’un ensemble législatif ayant pour objectif principal, d’ici 2030 environ, la réduction d’au moins 55% des émissions nettes de gaz à effet de serre des Etats membres de l’Union européenne comparées à celles de 1990.


Adoption en séance plénière d’un plan climat sans précédent

Le projet de réforme du marché du carbone et la création d’une taxe carbone aux frontières furent votées par le Parlement européen, en séance plénière, à une très forte majorité avec 479 voix pour.
Initialement toutefois, les eurodéputés n’étaient pas d’accord sur le délai inhérent à l’extinction des quotas gratuits dont bénéficient actuellement les industriels européens. Ces derniers constituent un mécanisme qui a été instauré en 2005 et qui permet d’attribuer aux grands sites industriels européens, chaque année, de tels quotas d’émission. Ils représentent par ailleurs 40% des émissions totales de CO2 au sein de l’Union européenne. En d’autres termes il pourrait être considéré que ces quotas revêtent la nature de permis de polluer.
Le choix de la suppression de ces quotas constitue vraisemblablement la décision la plus symbolique et la plus importante de la politique climatique telle que voulue par l’Union européenne.
De ce point de vue particulier, à terme, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières s’y substituera. Ce mécanisme ambitionne de taxer les importations de secteurs considérés comme polluants au sein de l’Union européenne. De même, sa création s’inscrit dans une volonté de limiter les délocalisations des entreprises européennes à l’étranger, dans des Etats moins regardant sur les émissions de CO2 et disposant par conséquent de législations beaucoup plus souples en la matière.
En d’autres termes, l’objectif principal de ce mécanisme est de limiter les fuites de carbone d’entreprises et d’industriels européens qui s’implanteraient dans ces Etats disposant d’une législation moins contraignante et exigeante. De même, ce mécanisme vise à protéger l’Union européenne et ses industries de concurrences déloyales de la part des différentes industries étrangères et qui ne doivent pas respecter de telles mesures. Ainsi ces entreprises et industries étrangères exportant leurs productions au sein de l’Union européenne seront de fait soumises aux mêmes contraintes et aux mêmes règles que celles implantées sur le territoire européen. Il faudra toutefois attendre 2027 pour que cette taxe soit mise en œuvre de manière progressive. Enfin, le montant de ces taxes sera calculé et arrêté sur la base du prix du CO2 européen pour ces produits découlant de secteurs polluants comme, entre autres, les secteurs de l’acier ou encore des engrais.  
Il est intéressant de noter que le nouveau calendrier, tel qu’acté par le Parlement européen lors de son vote, est plus ambitieux que la proposition initialement partagée par la Commission européenne puisqu’il a été fixé entre 2027 et 2032. Pour sa part, cette dernière tablait en effet sur un calendrier 2025-2035. Le choix de ce calendrier plus court constitue en vérité un réel compromis, une main tendue en direction de la gauche présente au sein du Parlement européen de manière à ne pas bloquer à nouveau le processus décisionnel.
En contrepartie de quoi, la droite européenne put obtenir une suppression de ces permis gratuits de manière graduelle à partir de 2027 passant effectivement pour cette année-là de 7% des permis gratuits supprimés à 25% en 2031 et 2032. Celle-ci craignait en effet que l’effort exigé et demandé aux entreprises européennes ne soit trop abrupt sur un délai si raccourci.
L’extension du marché carbone sera également appliqué aux secteurs maritime, aérien, aux poids lourds et aux bâtiments à usage professionnel.


Quid du fonds social pour le climat ?

A l’occasion de ce vote, le Parlement européen s’est montré favorable à la création d’un fonds social pour le climat. Cette instauration s’explique d’abord par le caractère beaucoup plus exigeant de la réglementation climatique qui sera appliquée au sein de l’Union européenne mais surtout par le fait que celle-ci aura nécessairement des conséquences sociales, des effets sociaux sur une grande partie de la population européenne.
Dans la pratique, il est prévu que ce fonds sera financé par une partie des recettes des ventes de quotas d’émission, et aura pour mission principale de contrebalancer ces effets sociaux, notamment pour les moins favorisés qui seront nécessairement plus impactés lorsque ces différentes mesures du paquet climat prendront effet.
Cela démontre en fin de compte la possibilité de trouver un véritable compromis parmi les eurodéputés, issus de partis et de doctrines parfois totalement opposées, dans le but de voter un projet qui se veut remarquable et ambitieux sur le plan climatique. Reste pour le moment à attendre les prises de positions respectives des Etats membres en la matière…


Références
https://www.touteleurope.eu/environnement/paquet-climat-le-parlement-europeen-vote-finalement-la-reforme-du-marche-carbone/
https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-reforme-du-marche-du-carbone-coince-au-parlement-europeen-1411990
https://www.usinenouvelle.com/article/le-parlement-europeen-finit-par-s-entendre-sur-le-paquet-climat.N2018447
https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/