Quels étaient les faits de l’espèce ? 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre sociale de la Cour de cassation, il s’agissait spécifiquement d’une salariée, initialement engagée en tant que caissière sous contrat à durée déterminée. Celle-ci fut, par la suite, embauchée sous contrat à durée indéterminée. Quelques années plus tard, elle fut licenciée pour faute grave, tandis qu’elle était enceinte

Mécontente d’avoir fait l’objet d’un licenciement, cette dernière décida de saisir le Conseil des prud’hommes afin d’en obtenir la réparation, arguant notamment de la nullité du licenciement compte tenu de la protection légale dont elle bénéfice du fait de sa situation. 

Dans la décision rendue par la Cour d’appel de Douai, les juges du second degré retirent que l’employeur connaissait en effet l’état de grossesse dans lequel se trouvait la salariée évincée, et que ce dernier ne pouvait justifier d’une faute grave. De fait, ils retirent la nullité du licenciement en cause. Et les juges d’appel de condamner l’employeur au versement des salaires que la salariée évincée aurait en effet dû percevoir à l’occasion de la période protégée par la nullité du licenciement, et donc, l’entièreté des périodes de suspension dudit contrat de travail auxquelles elle a effectivement droit, les congés payés pris à l’issue du congé de maternité, de même, enfin, que les dix semaines suivant l’expiration desdites périodes, conformément aux dispositions contenues au sein de l’article L.1225-71 du Code du travail.

Mécontent de cette décision, son employeur décida de se pourvoir en cassation. 

Qu’a retenu la Chambre sociale de la Cour de cassation en l’espèce ? 

Dans notre cas d’espèce, la Chambre sociale de la Cour de cassation relève que l’employeur argue que depuis une ordonnance de 2017, il n’est plus possible pour une salariée, renonçant à sa réintégration, d’obtenir le paiement cumulatif des salaires (période de nullité du licenciement ainsi que l’indemnité de rupture de six mois de salaires). Pour l’employeur, les juges du second degré ont à la fois méconnu les dispositions de l’article L.1225-71 et de l’article L.1235-3-1 du Code du travail.

A travers cette décision, la Cour de cassation décide de rejeter le pourvoi ainsi formé. En vérité, celle-ci s’appuie non seulement sur des dispositions internes mais aussi sur des dispositions européennes. Ce faisant, la Cour de cassation souhaite à nouveau appuyer l’effectivité des droits des salariées, notamment celles-ci en état de grossesse. 

En effet, elle fonde sa décision sur les dispositions de l’article L.1225-71 et de l’article L.1235-3-1 du Code du travail et plus exactement sur leur interprétation faite respectivement à l’aune des articles 10 et 18 des directives 92/85/CEE et 2006/54/CE. Elle retient donc que la salariée en état de grossesse et qui est licenciée de manière illicite, à l’occasion des périodes en effet protégées, dispose d’un droit à indemnisation pour la réparation utile des préjudices qu’elle a subis, mais aussi aux salaires que celle-ci aurait perçus à l’occasion de la période couverte par la nullité, comprenant notamment les congés payés. 

Ici, les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation retiennent que l’employeur, mis en cause en l’espèce, n’est pas parvenu à la démonstration de l’existence d’une faute grave et que ce dernier ne pouvait pas non plus apporter la justification d’une quelconque impossibilité de maintenir le contrat de la salariée évincée et ce, pour un motif étranger à sa situation personnelle, exceptions pour lesquelles le licenciement est bien envisageable, mais aussi et surtout autorisé. 

Partant, ceux-ci décidèrent que le licenciement est nul et que l’employeur doit être condamné au versement des salaires dus à la salariée concernant la période de protection légale. 

Que comprendre finalement de cette décision ?

L’on doit comprendre de cette décision la nécessaire imbrication existante entre les normes de droit interne et les normes de droit de l’Union européenne eu égard à la protection des salariées en situation de grossesse. En effet, les juges de la Cour de cassation s’inspirent directement de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et les directives susmentionnées afin de garantir le principe de l’égalité de traitement concernant les licenciements discriminatoires permettant notamment une réparation intégrale (cf. affaire du 17/12/2015, C-407/14). Ainsi, la Cour de cassation retient que l’employeur est dans l’obligation de réparer le préjudice subi par la salariée évincée de manière intégrale, soit par le versement d’une indemnisation adéquate, soit par la réintégration de cette dernière. 

Pour la Cour de cassation, la salariée évincée doit bénéficier des indemnités de rupture, de nature légale ou conventionnelle, mais aussi d’une indemnité de six mois de salaire minimum et qui couvre le préjudice subi par elle, découlant directement de la nullité du licenciement dont elle fit l’objet. Conformément au droit européen, cette indemnité, qu’il nous faut ne pas confondre avec les dommages-intérêts dits classiques, doit avoir pour objet de dissuader les licenciements discriminatoires. L’objectif est donc de permettre une entière réparation du licenciement nul. Le cumul mis en œuvre ici permet in fine de garantir l’efficacité de la protection accordée à toute salariée en situation de grossesse face aux discriminations dont elles peuvent faire l’objet.

Références

https://www.courdecassation.fr/decision/672b412a60ce3608285f4b3d

https://www.actu-juridique.fr/breves/social/protection-de-la-grossesse-consequence-dune-discrimination-interdite/

https://www.capstan.fr/articles/2521-nullite-du-licenciement-de-la-salariee-enceinte-quelle-indemnisation

https://open.lefebvre-dalloz.fr/actualites/droit-social/semaine-jurisprudence-sociale-cour-cassation_f1500458b-9b98-454a-9f64-301460bbc80a