Une approbation des parlementaires de justesse
C’est grâce à l’abstention du Rassemblement national que l’approbation de la candidature de Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel a été permise. Son nom, proposé par le Chef de l’Etat, a été approuvé par un vote des parlementaires, réunis dans les commissions des deux chambres formant le Parlement. Ce vote eut lieu le 19 février 2025 au profit de Richard Ferrand, fidèle du Président de la République. Les chiffres sont toutefois parlant et démontrent une méfiance certaine de leur part car l’on a décompté 39 voix pour et 58 contre. Si ces chiffres peuvent étonner, il conviendra de noter que pour que sa candidature ne passe pas l’épreuve du vote, il aurait fallu une 59e voix contre et ainsi atteindre les 3/5e des suffrages exprimés. Cette ultime voix ayant fait défaut, elle n’a pu empêcher sa nomination.
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Une approbation qui fait débat
Rapidement, parlementaires de gauche et parlementaires de droite se sont émus de cette nomination validée à une voix près.
La gauche a ainsi demandé au Chef de l’Etat de ne pas nommer en effet Richard Ferrand, et à ce dernier de ne pas l’accepter en effet.
De même, rapidement, certains députés et sénateurs se sont interrogés sur l’existence d’une entente entre le pouvoir exécutif et le Rassemblement National. Ces derniers n’ont cependant pas avancé de preuve à ce sujet. En ce sens, Mathilde Panot, cheffe de file des députés Insoumis, s’est demandé en quoi consiste réellement l’accord secret entre eux et considère Richard Ferrand comme étant un candidat « parrainé » par le Rassemblement National.
C’est également à l’occasion d’une entrevue accordée à LCP que l’ancien président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, a déclaré qu’il s’agissait là d’un « deal secret » entre Emmanuel Macron et la cheffe de file du Rassemblement National Marine Le Pen. Et celui-ci d’ajouter et de qualifier l’abstention totale des députés du groupe de « totalement incompréhensible ». Il considère, après s’être posé la question de pourquoi un tel choix de sa part, qu’il ne faut pas perdre de vue les décisions qui seront prochainement rendues par le Conseil constitutionnel : une question prioritaire de constitutionnalité sera bientôt répondue et intéresse personnellement Marine Le Pen car il s’agira de savoir si celle-ci est ou non inéligible.
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Une réelle alliance entre le Chef de l’Etat et Marine Le Pen ?
Il nous faut comprendre l’agenda politique et judiciaire à venir afin de mieux appréhender ces accusations qui pèsent sur le Chef de l’Etat et le groupe du Rassemblement National.
Comme nous avons déjà pu en discuter à l’occasion d’un précédent article, le verdict du procès organisé dans le cadre des assistants parlementaires du Front National est attendu le 31 mars 2025. Pour rappel, il fut requis contre Marine Le Pen 5 ans de prison (dont 3 ans avec sursis et qui est aménageable) ; 300 000 euros d’amende ; ainsi que 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire.
Toutefois il nous faut aussi rappeler qu’en parallèle de ce jugement attendu, et qui pourrait compromettre les ambitions politiques et présidentielles de Marine Le Pen, une autre décision est elle aussi attendue. Il s’agit en effet de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un élu mahorais devant le Conseil constitutionnel et qui avait été condamné à une peine d’inéligibilité à titre provisoire. La décision en question est attendue avant début avril. La question que les juges du Conseil constitutionnel sont amenés à répondre est celle de savoir si oui ou non l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité est conforme à la constitution. Dans la positive, qu’adviendra-t-il de Marine Le Pen et son souhait de se présenter à l’élection présidentielle de 2027 ?
Cette décision devrait figurer parmi les premières qui seront rendus par le Conseil constitutionnel doté d’un nouveau président. Ici, sans préjuger d’une quelque décision dans un sens ou dans un autre, il apparaît clair pour certains commentateurs qu’une décision du Conseil constitutionnel, qui considérerait l’inéligibilité avec exécution provisoire comme contraire à la norme constitutionnelle suprême, serait un cadeau en faveur du Rassemblement National suite à leur abstention remarquable à l’occasion de la nomination du nouveau président…
Toutefois il est à noter que chaque parti impliqué dément catégoriquement avoir passé un pacte avec l’autre. Un cadre du RN a également pu déclarer que la gauche « verse dans le complotisme ». Et celui-ci d’ajouter que la candidature de Richard Ferrand constituait finalement « [la] moins pire parmi tous les noms qui circulaient. » En outre le nouveau président du Conseil constitutionnel a pu rassurer les membres du Rassemblement National en ce que ce dernier « s’est engagé en expliquant qu’il ne devait pas y avoir de ‘gouvernement des juges’ ».
Le clan du Chef de l’Etat n’est pas non plus resté silencieux. En ce sens, nous pouvons relever les déclarations de François Patriat, sénateur, qui a critiqué les propos d’Olivier Marleix. Il décide, pour ce faire, de rappeler que celui-ci avait soutenu François Bayrou et son gouvernement. Rappelant d’ailleurs le « socle commun », auquel appartient le parti Les Républicains, celui-ci juge que les propos ainsi tenus « ne manifestent pas vraiment son adhésion profonde. » Il rajoute enfin qu’il s’agit plutôt là « d’une forme de rancoeur et de haine » à l’occasion d’une entrevue accordée à Public Sénat. Il conclut sur le fait que l’intégrité et l’autonomie du nouveau président du Conseil constitutionnel ne doivent en aucun cas être remis en cause.
Références
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051223470
https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/20/le-conseil-constitutionnel-affaibli-au-pire-moment_6555730_3232.html
https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/conseil-constitutionnel-richard-ferrand-nomme-a-la-tete-des-sages-promet-independance-et-impartialite_246501.html
https://www.actu-juridique.fr/breves/constitutionnel/nominations-de-richard-ferrand-philippe-bas-et-laurence-vichnievsky-au-conseil-constitutionnel/