Nouvelle utilisation de l'article 49, al. 3, et énième motion de censure

Le dimanche 11 décembre 2022, la Première ministre, Élisabeth Borne, a décidé d'utiliser la procédure de l'article 49, al. 3, de la Constitution afin que soit adoptée, sans aucun vote, à l'Assemblée nationale les dépenses ainsi que l'intégralité du projet de budget de l'État pour l'année 2023.

Malgré le fait d'avoir réitéré sa volonté « de bâtir des compromis » au sein du Parlement français, la Première ministre a tout de même décidé d'utiliser la procédure de l'article 49, al.3, de la Constitution qui lui permet d'engager la responsabilité du Gouvernement. Certaines mesures qui avaient été retenues par le Sénat ont par ailleurs été reprises, à l'image de la lutte contre l'habitat indigne en Outre-mer.

Qu'à cela ne tienne, les députés de La France Insoumise ont immédiatement riposté en décidant de déposer une neuvième motion de censure à l'encontre du Gouvernement Borne. La gauche critique de nouveau l'absence de limite de ce gouvernement et son « autoritarisme ».

Que s'est-il passé plus exactement ce dimanche à l'Assemblée nationale ? La partie recettes du budget fut à peine adoptée en nouvelle lecture, la motion de censure précédemment déposée par La France Insoumise ayant été rejetée, que la Première ministre enclencha ce qui semble être son arme constitutionnelle favorite concernant l'autre partie du budget, les dépenses, ainsi que l'intégralité du projet de loi de finances.

La gauche, notamment sous l'égide d'Eric Coquerel de La France Insoumise a rappelé l'absence de majorité absolue au bénéfice du Gouvernement et a considéré que cette minorité numérique était l'excuse pour l'utilisation de la procédure de l'article 49, al. 3. Celui-ci a en effet déclaré « vous supprimez le vote ». Il faut bien comprendre ici que cette neuvième utilisation de l'arme constitutionnelle qu'est l'article 49, al. 3, de la Constitution permet notamment de ne pas organiser de débats ni de votes alors même que certaines parties du projet, notamment les impôts locaux, s'annoncent houleuses au sein de l'Hémicycle. La Première ministre, de son côté, a déclaré que le texte en question avait été agrémenté de contributions provenant des oppositions, par exemple sur les carburants alternatifs.

Si la gauche s'est montrée très critique à l'égard d'Élisabeth Borne, la droite n'a pas non plus demandé son reste. En effet, nous pouvons reprendre les déclarations de la députée Véronique Louwagie, des Républicains, qui a considéré que le budget 2023 était « manifestement insincère » compte tenu des prévisions de croissance annoncées pour l'année à venir. Celle-ci a même ajouté que jusqu'à présent, Les Républicains ont « fait preuve de bienveillance et [de] patience dans l'intérêt du pays », mais qu'il est envisageable que le groupe politique dépose finalement une motion de censure. Il est important de noter que cette motion pourrait avoir la chance de renverser le Gouvernement, étant donné le nombre de voix qu'elle pourrait obtenir…

Mais comment exactement fonctionne la motion de censure ?

La motion de censure : qu'est-ce que c'est ?

Il est tout d'abord opportun de noter qu'il n'existe pas qu'une seule motion de censure, mais bien deux motions de censure, qui découlent du même article : le très célèbre article 49 de la Constitution. Dans les deux cas, la motion de censure constitue l'outil nécessaire pour l'Assemblée nationale - et uniquement pour celle-ci - d'exercer son contrôle sur l'exécutif, et plus spécifiquement sur le Gouvernement.

Il existe donc deux motions de censure : la motion de censure provoquée, qui réside dans les dispositions du troisième alinéa de l'article 49, celui-ci dont on entend parler depuis plusieurs mois maintenant, faute de majorité absolue en soutien au Gouvernement ; la motion de censure spontanée, qui réside dans les dispositions de l'article 49, al. 2, de la Constitution. C'est de ce second alinéa dont il est en vérité question lorsque l'on évoque les motions de censure déposées par divers groupes politiques. Cette motion est dite spontanée dans la mesure où elle résulte de la seule volonté, de la seule initiative d'un ou de plusieurs groupes, étant précisé ici que deux voire plusieurs autres motions peuvent être déposées en même temps sur un même texte par plusieurs groupes.

Notons cependant que la procédure entourant la motion de censure aboutit dans des cas très rares, les conditions de validité de celle-ci étant restrictives et difficiles à atteindre dans la pratique parlementaire. Si la première condition, qui nécessite la signature de la motion par un dixième des députés, soit 58 députés au total, n'est pas difficile à remplir, que la seconde condition qui est le respect d'un délai de quarante-huit heures pour éviter toute précipitation ne présente aucune difficulté, c'est bien la troisième condition qui est problématique pour les députés souhaitant renverser le Gouvernement. En effet, cette troisième étape qui prend la forme du vote final de cette motion à l'Assemblée nationale est rarement atteinte. Pourquoi ? Il faut que la majorité absolue des membres qui composent l'Hémicycle vote en faveur de cette motion, soit un total de 289 députés.

Or gauche et droite doivent s'accorder pour ce vote et l'on sait qu'il est parfois difficile pour les politiques de s'entendre surtout si une telle initiative qui peut avoir des conséquences immenses en cas de vote favorable n'est pas de leur propre initiative. Politiquement, si la démission du Gouvernement n'est pas votée, ce dernier pourrait être conforté dans une certaine capacité à agir et diriger le pays. C'est pourtant à cette seule condition, le vote de la majorité absolue des députés en faveur de la motion de censure, que l'Assemblée nationale pourrait sortir gagnante. Enfin si la motion est votée et adoptée, alors le Gouvernement serait, selon l'article 50 du texte suprême, contraint à la démission.

 

Sources : Public Sénat, TF1 Info