L’émission de mandats d’arrêt par la Cour pénale internationale
Dès le mois de mai 2024, il était souhaité par la CPI d’émettre de tels mandats mais les Etats-Unis avaient fait savoir que le Premier ministre israélien ne pouvait valablement être poursuivi en cas de mandat dont il ferait l’objet. Pourquoi ? Car même si Israël a bien signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, cette dernière ne l’a pas ratifié. De la sorte, les crimes visés par ce Statut ne peuvent être jugés la concernant. De son côté, la Palestine a adhéré au Statut de Rome.
Au sens des dispositions de l’article 12 de ce Statut, la Cour pénale internationale est en mesure de connaitre des crimes qui sont commis sur le territoire d’un Etat qui en a expressément accepté la compétence, de même qu’elle peut connaitre des infractions qu’elle prévoit et qui sont commises par le ressortissant d’un Etat partie audit Statut. L’on comprend donc de ces dispositions que la CPI est compétente pour l’ensemble des crimes qui sont commis sur le territoire de la Palestine ou bien encore par les ressortissants palestiniens en Israël.
Quid de la question de l’immunité ?
Cette question de l’immunité renvoie plus précisément aux règles juridiques relative à l’immunité personnelle des chefs d’Etat en exercice. Certains observateurs ont mis en avance cette notion pour objecter de la compétence de la Cour pénale internationale : cette objection ne peut (par principe) pas tenir dans la mesure où l’article 27 du Statut de Rome prévoit expressément que l’existence d’immunités ou bien de règles de procédure spéciales inhérentes à « la qualité officielle d’une personne », que celles-ci soient issues du droit national ou droit international, « n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence » à son égard. Pour Aude Brejoin, docteure en droit public, ces dispositions doivent résulter sur la mise à l’écart de « toute possibilité d’immunité pour un chef d’Etat ».
Cela implique que l’ensemble des Etats parties au Statut de Rome sont dans l’obligation de de procéder à l’arrestation et à la délivrance des personnes visées auprès de la Cour pénale internationale pour le cas où celles-ci se situent sur leur territoire. Cette règle s’inscrit, plus précisément, dans le contenu de l’article 89 du Statut de Rome.
Il nous faut immédiatement préciser que même si sur le plan strictement juridique, cette décision prise par la Cour pénale internationale se comprend, il n’en demeure pas moins que d’un point de vue politique, les choses dans la pratique sont certainement bien plus complexes. En effet, la remise d’un individu à la CPI demeure tributaire d’un ensemble de négociations.
- Cour Pénale Internationale, mandat d'arrêt international et Vladimir Poutine
- William Bourdon, la Cour pénale internationale - le statut de Rome
Des règles non respectées par la position de la France ?
Il apparait néanmoins utile de noter que la position adoptée dernièrement par la France n’est pas sans poser certaines questions. En effet, la signature du cessez-le-feu au Liban aurait été permise par une intervention active de la diplomatie française qui, en échange, n’appliquerait pas le mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien.
Dès la publication de la décision de la CPI, l’Etat français fit savoir que ses obligations tenues du droit international seraient respectées mais n’a pas précisé ses volontés pour le cas où le Premier ministre israélien se trouverait sur le territoire national. En réponse à ce choix, Benjamin Netanyahu aurait donc menacé d’exclure la France des négociations du cessez-le-feu tandis que le Liban souhaitait vivement sa participation. A cela, le Premier ministre israélien aurait donc profité pour préciser son exigence et ainsi obtenir de la France l’immunité tant décriée.
En vérité, les dispositions de l’article 98 du Statut de Rome susmentionnées ouvre la porte à différentes interprétations. C’est en ce sens précisément que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a fait mention de potentielles « questions d’immunité » à l’égard de certains dirigeants faisant l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale. Peu de temps après cette déclaration, la nouvelle fut confirmée par la diplomatie française qui précisa que Benjamin Netanyahu fait bien partie des dirigeants qui bénéficient de cette immunité et que ce bénéfice devra inévitablement être pris en compte pour le cas où la Cour pénale internationale demande son arrestation d’une part, sa remise aux autorités d’autre part. Ces déclarations qui confirment une nouvelle interprétation de la part de la France à ce sujet ont fait vivement réagir la gauche mais aussi des associations ou ONG.
Au vu de ces différentes constatations et présentations des textes de nature conventionnelle en vigueur concernant les mandats d’arrêt internationaux émis par la Cour pénale internationale, nous pouvons aisément comprendre que sur le plan strictement juridique les décisions prises par les juges se comprennent, mais que la diplomatie et la politique interviennent nécessairement, parfois, comme tel est le cas ici, au détriment du droit international.
Reste à observer ce qu’il pourra advenir du respect de ces mandats d’arrêt pour le cas où le Premier ministre israélien se déplace sur le territoire d’un Etat partie…
Références
https://www.courrierinternational.com/article/analyse-mandats-d-arret-de-la-cpi-les-petits-arrangements-de-la-france-avec-la-diplomatie-israelienne_225057
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/israel-territoires-palestiniens/article/israel-cour-penale-internationale-27-11-24
https://www.huffingtonpost.fr/international/article/immunite-de-netanyahu-contre-cessez-le-feu-au-liban-l-echange-de-faveurs-entre-la-france-et-israel_242840.html
https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf