Propos introductifs sur cette loi 

Comme précisé ci-dessus, les membres du Conseil constitutionnel ont décidé de se prononcer en défaveur de près d’un tiers du contenu de ce texte, soumis à leur approbation constitutionnelle. Il est par ailleurs vraisemblablement utile de rappeler au lecteur que ce texte avait été voté à la va-vite avant que l’édition 2025 du salon de l’agriculture ne débute. Ce texte, dans sa version initiale, visait l’objectif suivant : répondre aux inquiétudes du monde agricole français. 

Au titre des articles censurés par le juge constitutionnel, l’on retrouve notamment le principe de « la souveraineté alimentaire » dont l’écho médiatique avait été conséquent. De plus, l’on peut retrouver, au titre des mesures proposées afin de calmer la colère et répondre aux griefs du monde agricole français et de ses représentants syndicaux, différentes règles inhérentes à l’allègement des contrôles mais aussi à l’allègement des normes auxquels sont en fin de compte soumis ses acteurs, au premier plan desquels l’on retrouve les agriculteurs. 

Ce texte de loi, voté au Parlement, était attendue de pied ferme dans la mesure où elle érigeait le principe de la « bonne foi » présumée des agriculteurs. Ce principe avait été érigée par le législateur national pour rassurer les agriculteurs lorsqu’ils feraient par la suite l’objet de contrôles de leurs activités. À cet égard l’on peut aussi rappeler que le constat que nous faisons a été maintes fois rappelé et déploré par la Coordination rurale, qui constitue le second syndicat agricole français. Au surplus, on peut relever le fait que ce syndicat demande l’OFB, l’Office français de la biodiversité, en d’autres termes la « police de l’environnement ». Qu’à cela ne tienne, les membres du Conseil constitutionnel ont décidé, suite à l’examen du texte et de cette proposition par rapport à la norme constitutionnelle suprême, que cette mesure ne devait pas subsister et l’a censurée. 

Qu’en est-il, en outre, du principe de la présomption de « non intentionnalité » ? Ce principe, cette présomption, avait elle aussi fait l’objet d’un écho médiatique important. Elle intéressait plus exactement des atteintes déterminées à l’encontre de l’environnement. Cette présomption n’a pu passer l’obstacle de son examen et le Conseil constitutionnel décida également d’en censurer le contenu. Il nous faut toutefois noter immédiatement que les membres du Conseil constitutionnel ont néanmoins accepté et validé le maintien de la dépénalisation d’atteintes à l’environnement, dès lors que lesdites atteintes ne sont pas commises « de manière intentionnelle ». Une amende administrative d’un montant de 450€ est érigé ; voire le suivi d’un stage de sensibilisation. Cela emporte pour conséquence qu’elles ne seront plus considérées comme étant constitutives d’infractions pénales et leur sanction résidera dans le paiement de cette amende ou de l’accomplissement de ce stage. 


Quid de la souveraineté alimentaire ?

Cette question est extrêmement importante et a été relayée avec ferveur depuis plusieurs mois maintenant. Au-delà de cette notion, il faut bien noter que le Conseil constitutionnel a balayé d’un revers de la main le principe très critique de « non régression de la souveraineté alimentaire ». Pour rappel, et sans entrer dans le détail, ce principe avait pour objectif principal la protection de la production nationale. Dans les faits, ce principe aurait permis de copier le modèle d’une autre non-régression, à savoir : la non-régression environnementale. Celle-ci a déjà été consacrée dans la mesure où la protection de l’environnement est inscrit au sein des dispositions constitutionnelles suprêmes. Or, il n’en est rien concernant précisément la souveraineté alimentaire. 

 

Une mesure phare n’a cependant pas été censurée. En effet, cette mesure demandée par la FNSA, le premier syndicat agricole national, réside dans « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture » et inscrite au rang non négligeable d’un « intérêt général majeur » et d’un « intérêt fondamental ».

Qu’en est-il des autres mesures annoncées ? 

Cette loi évinçait les bâtiments agricoles dans le cadre du décompte de l’artificialisation des sols, sous le prisme du dispositif « zéro artificialisation nette ». Ceci fut censuré par le Conseil constitutionnel dans la mesure où ce dernier a considéré l’article en question revêtait la nature d’un cavalier législatif, c’est-à-dire que celui-ci était dépourvu de tout lien suffisant avec le texte en question. 

De plus, qu’en est-il des normes réglementaires relatives à lagriculture ne pouvant aller au-delà des exigences minimales des normes européennes lorsque ces normes réglementaires n’engendraient pas de « concurrence déloyale » et sous certaines  ? Cette disposition avait été demandée par les syndicats, souhaitant qu’il soit mis un terme à la « surtransposition » des normes issues du droit de l’Union européenne, principalement concernant les produits phytosanitaires. 

De surcroît, nous pouvons noter que le Conseil constitutionnel a validé deux dispositions dont le contenu avait été vivement critiqué par la gauche. La première de ses dispositions concerne le fait de demander au gouvernement de ne pas interdire lusage de produits phytopharmaceutiques qui sont autorisés par le droit de lunion européenne lorsquil nexiste pas une ou plusieurs alternatives viables. Cela veut dire quil ne faut pas décider dune interdiction, sans quil y ait une alternative, une solution à cette interdiction. La seconde valide lurgence en cas de contentieux concernant la construction dune réserve deau et plus exactement une présomption durgence.

La satisfaction de la ministre de l’agriculture

Suite à la saisine du conseil constitutionnel et à sa décision subséquente, Annie Genevard, l’actuelle ministre, de lagriculture et de la souveraineté alimentaire  a  déclaré, que « l’essentiel du texte a été conservé » et celle-ci s’en félicite. Pour elle, ce qui importe réside principalement dans le travail effectué concernant la souveraineté alimentaire, ceci constituant d’ailleurs « l’objet des conférences de la souveraineté alimentaire [introduite] dans le texte » et qui, par ailleurs, n’ont pas été l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel. Les conférences en question visent à donner la parole au monde agricole afin que l’objectif de « reconquête de souveraineté alimentaire » soit atteint, ici avec le soutien plein et entier de l’Etat.

 

Références

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/2025876DC.htm

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051368091

https://www.leclubdesjuristes.com/en-bref/le-conseil-constitutionnel-censure-plusieurs-articles-de-la-loi-dorientation-agricole-9955/

https://agriculture.gouv.fr/presentation-en-conseil-des-ministres-du-projet-de-loi-dorientation-pour-la-souverainete-agricole