Un licenciement pour faute grave : éléments de compréhension sur cette notion
Avant de s’intéresser plus spécifiquement à cette affaire, il apparait intéressant de relever quelques éléments d’information et de compréhension sur la notion de licenciement pour faute grave. Cette notion renvoie à la commission d’une faute revêtant un caractère particulièrement important, et qui entraine la terminaison du contrat de travail liant le salarié à son employeur.
C’est bien la nature de cette faute qui, du fait même de son importance, « rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (cf. Cass. soc., 27/09/2007) ; notons également que cette rupture du contrat doit être immédiate afin que ce licenciement soit fondé pour l’employeur conformément aux dispositions contenues au sein de l’article L. 1234-1 du Code du travail.
Ces quelques éléments étant rappelés, il nous faut maintenant nous intéresser à la situation de Guillaume Meurice.
- Cour de cassation, chambre sociale, 6 février 2001, n98-46345 - L'obligation de loyauté du salarié
- Le licenciement pour motif personnel
Faute grave et propos réitérés par Guillaume Meurice
Le 11 juin 2024, l’humoriste Guillaume Meurice a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave par Radio France : il lui est en effet reproché d’avoir répété des propos concernant Benyamin Nétanyahou, l’actuel Premier ministre d’Israël. C’est ce dernier qui l’a personnellement indiqué à l’AFP (l’Agence France-Presse). Dans cette annonce, l’humoriste précise que Radio France a mis fin de manière « anticipée [à son] contrat pour faute grave. »
Il apparait ici utile de relever que l’humoriste de Radio France avait déjà fait l’objet d’une suspension au début du mois de mai 2024 alors que, quelques jours auparavant, et alors qu’il était à l’antenne, Guillaume Meurice avait répété ses propos à l’encontre du Premier ministre israélien. Lors de la séquence à l’occasion de laquelle il réitéra les propos qu’il avait tenu à l’automne 2023, l’humoriste précisa que, de sa blague, il pourrait en être faits des « mugs, des t-shirts » et que cette blague avait été « autorisée par la loi française ».
Pourquoi donc a-t-il précisé que celle-ci était autorisée par la loi ? Ici, Guillaume Meurice fait directement référence au classement sans suite de la plainte, par le parquet de Nanterre, et qui avait été initialement déposée à la suite de sa première blague, en novembre dernier, par l’Organisation juive européenne. L’organisation en question considérait en effet que la teneur de cette blague revêtait la nature d’une « provocation à la violence et à la haine antisémite » et qu’il s’agissait là également d’« injures publiques à caractère antisémite ». Le parquet considéra in fine que la plainte en question n’apparait pas caractérisée.
« Déloyauté répétée » : de quoi parle-t-on ?
Dans sa réaction auprès de l’AFP, Guillaume Meurice a énoncé que cette décision de licenciement pour faute grave ne constitue rien d’autre que « la fin d’un faux suspense ». Pour sa part, Sibyle Veil, actuelle présidente de Radio France, a considéré que le licenciement en cause est justifié au vu de « l’obstination » de Guillaume Meurice mais également considérant « sa déloyauté répétée ». Forte des vives critiques que cette décision a rapidement entrainé, la présidente de Radio France a tenu à préciser que la liberté d’expression ainsi que l’humour ne sont en rien en danger, fragilisés au sein de la radio. Selon cette dernière, l’humoriste s’est rendu coupable d’avoir « envenimé la polémique » depuis sa toute première blague. Et celle-ci de poursuivre que c’est précisément parce qu’il a renouvelé les mêmes propos, parce qu’il n’a pas su tirer les conséquences d’un premier avertissement qu’il a reçu de la part de la direction de la radio, et d’une mise en garde par le régulateur de l’audiovisuel français, l’Arcom, que l’humoriste a finalement dû être licencié pour faute grave. Il n’existait pas « d’autre choix » envisageable selon elle.
Cette annonce ne constituait pas une grande surprise pour l’humoriste, ce dernier ayant en effet été reçu en entretien préalable à un potentiel licenciement, puis entendu en commission de discipline à la fin du mois de mai. Il nous faut ensuite noter que Guillaume Meurice trouva un soutien parmi ses collègues de Radio France ; pour leur part, les syndicats avaient demandé à la direction de la radio de ne pas décider de licencier l’humoriste, arguant que la liberté d’expression en serait impactée négativement et que cette décision constituerait finalement un « précédent grave ». Et les syndicats également de rapporter que la commission d’une faute grave ne revient aucunement à Guillaume Meurice mais bien à la direction de la radio, faisant notamment référence à l’actualité institutionnelle bouillante et la tenue des prochaines élections législatives, le 30 juin et 7 juillet prochain. Pour le syndicat SUD, Radio France est fragilisée aussi bien par cette décision incompréhensible que par une possible arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Les suites de ce licenciement pour faute grave
Si cette décision fit rapidement couler beaucoup d’encre dans la presse, il n’en reste pas moins qu’elle connut un écho tout particulier pour d’autres chroniqueurs qui décidèrent de quitter l’émission de Radio France. Ce faisant, ces derniers ont décidé de lui apporter leur soutien.
Enfin, François Ruffin, député de la France insoumise, énonça sur X que la première mesure que prendra le « front populaire » s’il remporte les élections législatives anticipées, sera de réintégrer l’humoriste dans ses fonctions.