Cette question présente un intérêt théorique dans la mesure où il sera question dans l'analyse d'appréhender la liberté de réunion dans le cadre spécifique de la crise sanitaire.

Notre analyse consistera à montrer d'une part que la liberté de réunion bénéficie d'une jouissance constitutionnelle (I) et d'autre part une atteinte importante des libertés de réunion (II).

I. La liberté de réunion bénéficiant d'une valeur constitutionnelle dans le régime juridique français
II. Une atteinte importante des libertés de réunion en raison de la COVID-19

I. La liberté de réunion bénéficiant d'une valeur constitutionnelle dans le régime juridique français

La liberté de réunion est une des libertés fondamentales enracinées dans le système juridique français. Liberté également énoncée par les instruments internationaux, voire européens, qu'a ratifiés la France.

Et, quoique le régime exceptionnel de l' « urgence sanitaire » présente certaines restrictions nécessaires à la liberté de réunion, elles ne sont hors du cadre d'un contrôle judiciaire bien fondé pour en apprécier leurs légitimités. Ainsi, au regard de la jouissance constitutionnelle de la liberté de réunion, on assiste donc à sa consécration internationale (A) et son encadrement juridique (B).

A. La consécration internationale de la liberté de réunion

Dans le cadre du droit international, la consécration est plus apparente.

En effet, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des libertés fondamentales dispose en ces termes que : « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique ».

Et, le droit à la liberté de réunion pour la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) « est un droit fondamental dans une société démocratique » (CEDH, 5 mars 2009, Barraco c. France). De même que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dans son article 21 : « le droit de réunion pacifique est reconnu ». Ces textes sont donc en harmonie sur la consécration de cette liberté.

Par ailleurs s'ensuit son encadrement juridique (B)

B. L'encadrement juridique du terme liberté de réunion

Le Conseil d'État dans l'arrêt Benjamin (CE, 19 mai 1933, Benjamin), a donné une définition de la liberté de réunion lorsqu'il a déclaré que « la réunion est un groupement momentané (ce qui la distingue de l'association, qui suppose un lien durable) qui est organisé (ce qui la différencie des ''attroupements'' spontanés) dans un lieu déterminé en vue d'entendre l'exposé d'idées et d'opinions, ou de se concerter pour la défense d'intérêts (ce qui la démarque, d'une part, des manifestations où l'écoute d'un discours et les prises de parole sont accessoires et, d'autre part, des spectacles, dont l'objet est de distraire le public) ». De ce fait, un distinguo se présente quand il s'agit des réunions privées et des réunions publiques.

Concernant les réunions privées, l'on peut dire que les personnes y participant sont invitées de façon nominative. Lesquelles réunions se tiennent dans un endroit fixé ou un local clos, qu'il s'agisse ou non d'une salle communale (CE,19 août 2002, Front National) et supposent-elles la présence physique des personnes.

En outre, les réunions sont publiques lorsque des personnes qui y participent le font de façon impersonnelle et anonyme. Ainsi, la réunion est qualifiée de réunion publique, et ce, qu'il s'agisse ou non d'un domicile privé (Crim., 9 janvier 1869, Larcy). Et, ces réunions sont par principe réputée « libres » et « peuvent avoir lieu sans autorisation préalable » (article 1er de la loi du 30 juin 1881) voire « sans déclaration préalable » (article 1er de la loi du 28 mars 1907).

Par ailleurs, les réunions, qu'elles soient publiques ou privées, bénéficient d'une protection. Ce qui voudrait dire que ces réunions ont un statut protecteur. Toutefois, la loi du 9 août 1849 portant sur l'état de siège et la loi n 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent aux autorités compétentes de suspendre le droit de réunion quand il y a des situations d'exceptions (décision 2016-535 QPC du 18 février 2016, Ligue des droits de l'homme).

Quid de l'atteinte importante des libertés de réunion ? (II)

II. Une atteinte importante des libertés de réunion en raison de la COVID-19

L'atteinte importante des libertés fondamentales en raison de la COVID-19 laisse entrevoir non seulement l'impact de l'état d'urgence sur les libertés de réunion (A) et aussi l'impact de la COVID-19 sur la conformité du dispositif de l'urgence sanitaire relatif à la liberté de réunion (B).


A. L'impact de l'état d'urgence sur les libertés de réunion

L'état d'urgence est en principe régi par la loi du 3 avril 1955 et s'est vu appliquer à maintes reprises.

En effet, cette loi a été mise en oeuvre dans les années 1955, 1958 puis lors de troubles en Nouvelle-Calédonie (1985) et aussi lors d'émeutes dans les banlieues (2005). L'état d'urgence s'est vu réapparaître lors des attentats du 14 novembre 2015 et reformé par la loi du 20 novembre 2015 avec d'autres ajustements. Ainsi, ladite loi du 3 avril 1955 dispose que « l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

L'état d'urgence est déclaré par décret du président de la République en Conseil des ministres, qui en fixe le cadre d'application sur le territoire. Le Conseil d'État reconnaît au président de la République un « pouvoir d'appréciation étendu » pour la mise en oeuvre de l'état d'urgence et en fixer l'étendue (CE, 14 novembre 2005). Il est aussi d'actualité que le refus de mettre un terme à l'état d'urgence peut être contesté (CE, 9 décembre 2005, Allouache). Cependant, le Conseil d'État considère que le président de la République dispose « d'un large pouvoir d'appréciation pour faire ou non usage de la faculté qui lui est reconnue par la loi de mettre fin à l'état d'urgence avant l'expiration du délai de trois mois prévu par celle-ci » (CE, 27 janvier 2016, Ligue des droits de l'homme). Il ne peut pas être prolongé au-delà de douze jours que par la loi qui doit en fixer la durée définitive.

Après quoi, la loi oblige l'État à informer « des mesures prises et des motifs qui les ont inspirés ». Notification permettant à l'État de déroger à certains droits et libertés conventionnellement protégés.

Ainsi, les autorités compétentes voient leurs pouvoirs élargis. De plus, la loi autorise l'habilité à « ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature » (article 8, alinéa 1 de la loi de 1955) ; de même qu'elle autorise en son second alinéa l'interdiction « à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre ».

Les rudiments de notre analyse nous conduisent donc à voir l'impact de la COVID-19 sur la conformité du dispositif de l'urgence sanitaire sur la liberté de réunion (B).

B. L'impact de la COVID-19 sur la conformité du dispositif de l'urgence sanitaire relatif à la liberté de réunion

À titre interrogatif, l'on se questionnerait sur la conformité et les bases des mesures restrictives prises par le pouvoir exécutif au regard de son atteinte aux droits fondamentaux dont la liberté de réunion en fait partie. L'apparition globalisée du confinement, apparition à laquelle la population se voit restreindre non seulement les libertés d'aller et de venir voire d'entreprendre, mais aussi une plus importante c'est celle de réunion.

Il faut préciser que ces libertés ont des bases constitutionnelles et de ce fait doivent être respectées. Il faut rappeler qu'elles sont protégées par la CEDH. La liberté, elle, constitue la règle et l'état d'urgence sanitaire la restreint et s'autodétermine en constituant l'exception. Quoi qu'il en soit, il est autant primordial de préserver l'état de droit.

De prime à bord, les mesures de restrictions au regard d'une situation d'urgence ont une base juridique dont la plupart sont perceptibles dans l'article L.3131-1 du Code de la santé publique. Pourtant, ledit code ne fixe pas de limite de durée. C'est ce qui justifie la consolidation du contexte légal tant à l'adoption des mesures d'urgence sanitaire ; processus fait par la loi n2020-290 du 23 mars 2020 « d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19 ».

La modification de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence autorisant notamment la proclamation de l'état d'urgence pouvait mettre fin à un tel cataclysme public, en y incluant des mesures proportionnelles pour résoudre cette situation de crise sanitaire. Ceci pourrait ouvrir un cadre plus légal et renforcer le respect des droits fondamentaux dont la liberté de réunion, en dépit de la situation de crise.

Par ailleurs, un expert indépendant de l'ONU a « appelé les États à ne pas utiliser les déclarations d'état d'urgence pendant la crise de la COVID-19 pour imposer des mesures de restrictions massives à la liberté de réunion » (Clément Nyaletsossi Voule).

Les restrictions dues à la COVID-19 ne doivent pas empêcher la liberté de réunion selon lui. In fine, que devons-nous retenir de ces propos, qui, un tant soit peu, paraissent rassurants ? Il est peut-être trop tôt pour tirer des conclusions hâtives. L'avancée de la situation nous le dira certainement.

Sources :

- Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. 16).
- Loi du 9 août 1849 sur l'état de siège.
- Loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence.
- La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.
- Code de la santé publique.