L'interdiction de principe de poursuites judiciaires au bénéfice des parlementaires
Le texte constitutionnel est clair en la matière. En effet, il nous faut nous reporter au contenu de l'article 26 de la Constitution. Celui-ci dispose que tout parlementaire français ne peut valablement être « poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé » dès lors que celui-ci émet soit des opinions, soit des votes alors qu'il « [exerce] ses fonctions. » Cet article prévoit de ce fait une irresponsabilité absolue au profit des parlementaires et plus exactement ce dernier prévoit le principe selon lequel l'expression des députés est absolue à l'Assemblée nationale. Par voie de conséquence, il faut comprendre de ces dispositions constitutionnelles qu'aucune poursuite judiciaire n'est permise contre les parlementaires, peu importe la nature des propos effectivement tenus.
Pourquoi le texte constitutionnel suprême prévoit-il ainsi ? En vérité, il est nécessaire, pour comprendre le sens et la portée de ces dispositions, de remonter dans l'histoire constitutionnelle française et plus exactement à la période de la Révolution française (1789-1799). En effet, cette irresponsabilité, cette véritable immunité attribuée aux parlementaires français fut élaborée en 1791 de façon à ce que leur liberté de parole, leur liberté d'expression au sein du Parlement, soit protégée. Cette protection vise principalement les deux autres pouvoirs : le pouvoir exécutif, et le pouvoir judiciaire.
En ce sens, l'absence totale de poursuite judiciaire contre le député RN, auteur des propos racistes, se comprend à l'aune de ces dispositions de nature constitutionnelle. Aucune juridiction ne pourra alors connaître de ces propos.
Une immunité parlementaire uniquement applicable dans l'hémicycle
Il est immédiatement nécessaire pour nous de relever que l'immunité parlementaire dont nous avons fait l'exposé dans le paragraphe précédent ne trouve à s'appliquer qu'au sein de l'hémicycle. Cela signifie, en d'autres termes, qu'en dehors de l'Assemblée nationale l'ensemble des députés français demeurent, comme tout un chacun, des justiciables comme les autres. Ces derniers peuvent donc, de manière absolument envisageable, être poursuivis devant les juridictions pénales compétentes pour des propos qu'ils pourraient en effet tenir.
Toutefois, les sanctions dont ces derniers peuvent faire l'objet sont-elles exactement les mêmes que les autres justiciables français ? Il s'agit ici d'une question très intéressante dans la mesure où, en effet, les sanctions pouvant être prononcées à leur encontre sont les mêmes, à une différence près : au sens des dispositions contenues au sein de l'article 26 de la Constitution, le Bureau de l'Assemblée nationale devra nécessairement autoriser à ce qu'un député fasse l'objet d'une mesure privative ou d'une mesure restrictive de liberté. Il s'agira d'une demande d'autorisation de levée d'immunité parlementaire dont la procédure est expressément prévue par l'article 9, bis, de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n°58-1100).
Immunité parlementaire et devoir de réserve
Il est important de souligner le fait que bien qu'il existe une telle immunité parlementaire, il n'en demeure pas moins que les parlementaires français sont débiteurs d'un devoir de réserve. C'est par application de ce devoir, absolument méconnu par l'auteur de ces propos, que ce dernier a pu faire l'objet d'une sanction par la présidence de l'Assemblée nationale. En effet, au regard d'une situation particulière, à savoir : « l'excès de langage », il est prévu des peines de nature disciplinaire alors que ces propos sont tenus à l'occasion d'une séance.
Selon les dispositions contenues au sein de l'article 52, al. 2, du Règlement de l'Assemblée nationale, il revient à sa présidente d'exercer le pouvoir de police au nom de l'hémicycle. Sont prévues par ce règlement un panel de sanctions pouvant être effectivement prononcées. Attention, le prononcé de ces sanctions disciplinaires sont fonction des faits reprochés au(x) député(s) concerné(s). Nous pouvons citer, de la sanction la plus grave à la sanction la plus faible : la censure avec exclusion temporaire ; la censure ; le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal ; et enfin, le rappel à l'ordre.
La sanction la plus intéressante pour nous, dans le cadre de cet article, réside dans la censure avec exclusion temporaire. C'est cette sanction qui fut en effet prononcée à l'encontre de Grégoire de Fournas pour une durée de 15 jours. En quoi consiste plus spécifiquement cette sanction ?
La censure avec exclusion temporaire : qu'est-ce que c'est ?
Cette sanction particulière, la plus lourde au demeurant, interdit au député concerné de participer aux travaux à l'Assemblée nationale, mais aussi, et surtout elle lui interdit de reparaître au sein de l'hémicycle avant l'expiration du délai du quinzième jour de séance suivant le jour où la sanction fut en effet prononcée.
Il est ici également opportun de relever une autre hypothèse possible. De la sorte et au sens des dispositions contenues au sein de l'article 77 du Règlement de l'Assemblée nationale, le prononcé de cette sanction et son exécution peuvent impliquer la privation de la moitié de l'indemnité parlementaire pendant une durée maximale ne pouvant dépasser six mois, si le député se rend responsable d'une « agression contre un ou plusieurs [de ses] collègues. »
Dans notre cas d'espèce, outre la censure avec exclusion temporaire effectivement prononcée à l'encontre du député RN, ce dernier se voit privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant une durée de deux mois. La qualification d'agression au sens des dispositions susmentionnées ne fut cependant pas retenue en dépit de la gravité desdits propos.
Sources : Assemblée nationale, Les Surligneurs, Le Point, Courrier international