Détournements de fonds publics
Nous allons débuter notre développement par un bref rappel de ce en quoi consiste ce procès tant médiatisé depuis son ouverture, le 30 septembre dernier. Ce procès s’est en effet ouvert, près le tribunal correctionnel de Paris, à l’automne 2024 après une dizaine d’années d’enquête à l’égard des assistants parlementaires du FN. Plus spécifiquement, dans cette affaire, c’est bien Marine Le Pen et le RN qui sont directement mis en cause ; ils sont en effet accusés de s’être rendus responsables de détournement de fonds publics européens. Selon la justice européenne, par ailleurs, le préjudice estimé serait de 7 millions d’euros.
En quoi consistent les réquisitions du Procureur de la République ?
Suite aux réquisitions du Procureur de la République, prononcées le 13 novembre dernier, les réactions n’ont pas tardé se faire entendre dans la presse écrite et télévisée. Pour être exact, ce dernier a requis à l’encontre de Marine Le Pen, notamment ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2022, une peine de 5 ans d’emprisonnement, dont deux années fermes aménageables, mais surtout 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire.
En quoi consiste cette notion d’exécution provisoire ? Cette notion renvoie directement à l’immédiateté de l’application de la peine lorsque le tribunal correctionnel rend sa décision. Cela emporte également pour conséquence que même pour le cas où Marine Le Pen décidait d’interjeter appel de la décision ainsi rendue, si celle-ci est rendue en ce sens, ce dernier n’aurait pas d’effet sur l’application de la peine en cause. Il faut bien comprendre ici que, dans l’hypothèse où le 31 mars 2025, jour du jugement, le tribunal de Paris décidait de prononcer une telle peine, Marine Le Pen ne serait plus en mesure de se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2027. Précision faite que, dans notre hypothèse, et en cas d’appel, celle-ci demeurera bien présumée innocente jusqu’à ce que l’affaire la concernant soit connue par les juges du second degré.
Ces premières constatations étant effectuées, il est intéressant de revenir sur les soutiens obtenus par Marine Le Pen suite à ces réquisitions. En effet, celle-ci a reçu un ensemble de toute part, y compris de partis d’opposition. Ainsi, sans grande surprise, relevons les premiers soutiens de la part de députés du Rassemblement National, à l’image de Guillaume Bigot qui publia sur X que les procès de nature politique ne sauraient avoir « leur place dans une démocratie ». Aussi, l’ancien candidat à l’élection présidentielle de 2022 de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a publié sur X un soutien pour le moins étonnant à l’égard de Marine Le Pen, ce dernier souhaitant principalement que « l’inéligibilité, sans voie de recours » ne soit pas appliquée de manière immédiate, si telle était bien la décision du tribunal correctionnel.
Toutefois, à ces nombreuses réactions politiques, qui pour des raisons pratiques ne peuvent toutes être reportées ici, il est opportun de relever dans le dernier point de notre développement que la loi impose bel et bien ce type de peine.
Le nécessaire rappel au contenu de la loi
De la sorte, il convient de préciser ici que l’exécution provisoire de cette peine ne constitue en rien un automatisme dans la mesure où le juge est toujours en mesure de l’écarter s’il le décide ainsi, à condition de motiver sa décision en ce sens.
Quid aussi de la critique portant sur le présumé caractère d’une justice à double vitesse dans cette affaire ? Il n’en est en vérité rien puisque le mécanisme susmentionné est quotidiennement mis en œuvre par les juridictions français, comme tel est le cas, entre autres, des mandats de dépôt permettant l’incarcération d’un individu avant que le jugement dont il fait l’objet soit définitif.
Aussi, le Procureur de la République a requis de telles peines : or réquisitions ne signifient pas condamnation, décision de la part du tribunal. Les réquisitions en cause sont ici en conformité avec le contenu de la loi pénale, notamment des dispositions de l’article 131-26-2 du Code pénal qui prévoient explicitement que la peine complémentaire d’inéligibilité doit être obligatoirement prononcée pour le cas où un individu est reconnu coupable de détournement de fonds. Exception à ce principe : la juridiction concernée peut tout à fait décider de ne pas prononcer une telle peine, mais elle devra alors motiver la décision rendue. La peine encourue correspond par ailleurs au maximum autorisé par le droit pénal actuel.
Rappelons, s’il le fallait, que le Procureur de la République n’est pas juge, qu’il ne peut décider d’une peine : en d’autres termes, il ne fait que proposer une peine aux juridictions, peine qu’il considère être la plus à propos compte tenu de l’affaire concernée. Les juges sont donc les seuls décideurs et ne sont en rien tenus par les réquisitions.
De fait, l’on comprend que les réquisitions qui ont fait grand bruit dernièrement ne sauraient revêtir la nature d’un procès politique à l’encontre de l’ancienne candidate à l’élection présidentielle, les réquisitions tant décriés correspondant in fine à la simple application de la loi conformément à l’affaire visée, et rien d’autre. Notons en fin de compte que Marine Le Pen, bien que députée et possiblement candidate à la prochaine élection présidentielle, est ici jugée conformément au principe d’égalité des citoyens devant la loi…
Références
https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/le-rn-accuse-de-detournements-de-fonds-europeens
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/11/15/affaire-des-assistants-parlementaires-du-fn-tout-comprendre-aux-enjeux-du-proces-qui-menace-l-avenir-politique-de-marine-le-pen_6339923_4355771.html
https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/ce-mail-c-est-le-omar-m-a-tuer-du-dossier-l-avocat-de-marine-le-pen-tente-le-tout-pour-le-tout-a-son-proces
https://www.francetvinfo.fr/politique/front-national/affaire-des-assistants-fn-au-parlement-europeen/au-proces-des-assistants-parlementaires-europeens-du-fn-l-avocat-de-marine-le-pen-demande-a-la-justice-de-laisser-le-peuple-souverain-decider-de-son-avenir-politique_6922874.html