La niche parlementaire : de quoi parle-t-on ?  

Les différents groupes de l'opposition, mais aussi les groupes dits minoritaires, à l'Assemblée nationale et au Sénat sont en mesure, une fois par mois, d'inscrire à l'ordre du jour les textes qu'ils souhaitent porter. C'est précisément ce qu'avait effectué La France Insoumise fin novembre lorsqu'elle avait inscrit à l'ordre du jour la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse.  

Cette possibilité attribuée aux groupes d'opposition revêt, depuis les élections législatives et l'avènement d'une majorité relative pour le clan présidentiel au sein du Palais Bourbon, le caractère d'une proportion politique somme toute notable et particulière. 

La niche parlementaire est en vérité un objet politique particulier pouvant revêtir diverses dénominations : on entend en effet également parler de journée réservée aux groupes d'opposition, ou encore de séance dite d'initiative parlementaire. Cette notion de « niche », pouvant revêtir de par sa dénomination un caractère relativement négatif, s'explique par son caractère réduit au sein de l'agenda législatif en application au Parlement.

Ce qui, en tout état de cause, est utile à noter concernant cette notion de « niche parlementaire » réside dans le fait que la Constitution du 4 octobre 1958 ne contenait, à l'origine, aucune mention relative à cette notion et à son mécanisme. En effet, celle-ci a fait son apparition dans le texte constitutionnel suprême suite à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Plus précisément, celle-ci a fait son apparition au sein de l'article 48, alinéa 5, de la Constitution qui dispose dorénavant que « un jour de séance par mois est réservé à l'ordre du jour arrêté (…) à l'initiative des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée [Assemblée nationale ou Sénat] ainsi qu'à celle des groupes minoritaires. »

La niche parlementaire : dans la pratique, ça donne quoi ?

Dans la pratique, la niche parlementaire appliquée au sein du Palais Bourbon permet à chacun des groupes politiques présents dans cette assemblée de bénéficier d'un temps particulier, propre.
Plus spécifiquement, ce moment réservé intervient une journée par mois, pendant les neuf mois que dure la session ordinaire ; ce moment leur permet d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale les sujets qui les intéressent (ou les préoccupent) le plus alors que la fixation de l'ordre du jour revient habituellement, et en quasi-totalité, au Gouvernement ou encore au bureau de l'Assemblée nationale.  

Ces textes expressément choisis par chacun des groupes de l'opposition à l'Assemblée nationale, y compris les groupes minoritaires, sont de ce fait débattus par les parlementaires pendant cette journée qui leur est réservée. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il s'agit pour ces groupes de bénéficier d'une certaine prise d'initiative au regard des textes que l'Hémicycle est amené à connaître et sur lesquels les députés se prononcent en effet. Il s'agit ici sûrement d'une véritable bouffée d'air frais pour les oppositions parlementaires qui sont, pour rappel et du fait de la Constitution et des règles que celle-ci prévoit en la matière, en partie muselées. Les niches parlementaires constituent, par voie de conséquence, une sorte de moyen de pression qu'ils sont amenés à utiliser afin de contraindre le Gouvernement et sa majorité à s'intéresser à d'autres sujets que ceux qu'ils portent habituellement et face auxquels ces derniers ne désireraient pas entendre parler ni encore débattre pour diverses raisons (opportunité politique, sujets délicats, ou autre).

Les niches parlementaires : un objectif principal fort au profit de l'opposition

En période classique de concordance des majorités, mais surtout lorsque le gouvernement bénéficie d'une véritable majorité absolue au sein de l'Assemblée nationale, il est très important de noter que, malgré l'existence des niches parlementaires, il existe relativement peu de probabilités que les textes portés à l'ordre du jour par l'opposition puissent aboutir en effet. De la sorte, les niches parlementaires, en pareil cas, sont davantage l'occasion pour les oppositions et groupes minoritaires de mettre l'accent sur la façon dont réagit le gouvernement, et sa majorité, eu égard à un ou plusieurs sujets précis.

Toutefois, la période actuelle et spécialement la composition du Palais Bourbon est intéressante à relever. En effet depuis les élections législatives qui se sont tenues l'été dernier, le Gouvernement ne dispose plus d'une majorité absolue comme tel était le cas lors du précédent quinquennat. Le Chef de l'État, Emmanuel Macron, n'est en effet plus soutenu que par une majorité relative de députés. Les niches parlementaires retrouveraient alors, en pareilles circonstances, tout leur sens et toute leur portée. Elles seraient en effet alors pleinement applicables et appliquées par l'opposition. Cette dernière dispose, à l'occasion d'une majorité relative, d'une véritable arme afin que certains des textes qu'elle porte à la connaissance de tout l'Hémicycle puissent être finalement adoptés. Tel a précisément été le cas dernièrement, le 24 novembre 2022, lorsque le groupe d'opposition de La France Insoumise était parvenue à faire adopter la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse. La majorité relative du Président de la République, ici, était intervenue en faveur de ce texte.

Toutefois, toutes les propositions avancées ne passent pas l'étape du vote et de l'adoption finale. En effet, une autre proposition qui visait à obtenir la réintégration des soignants non vaccinés dans les services, proposition de nouveau présentée par La France Insoumise, n'avait pu obtenir le soutien nécessaire à son adoption.

Pour clore, il est intéressant de noter que chacun des groupes d'opposition et groupes minoritaires bénéficieront de différentes journées pour présenter les textes qu'ils jugent le plus à propos jusqu'à la fin de la session 2022-2023. Il convient enfin de noter que la majorité à l'Assemblée nationale dispose d'une semaine afin de débattre de ces textes et, peut-être, voter en faveur de l'un ou plusieurs d'entre eux.

Ces niches parlementaires qui, jusqu'à maintenant, n'avaient que peu d'impacts dans le travail législatif deviendront-elles le moment privilégié pour le vote de texte novateur ? L'avenir parlementaire nous le dira.

 

Sources : Radio France, Libération, La Nouvelle République, Légifrance