L'article 49, al. 3, de la Constitution : de quoi parle-t-on exactement ?

Avant de se pencher sur les critiques apportées contre l'utilisation de cette arme aux mains de l'exécutif, il est intéressant de revenir en quelques mots sur le contenu de cet article tant décrié pour comprendre ce à quoi il correspond exactement.

Certains observateurs ont pu par le passé qualifier cet article de « dissuasion nucléaire » eu égard à la procédure parlementaire. Selon les dispositions contenues au sein de l'article 49, al. 3, de la Constitution, la Première ministre, avant de pouvoir mettre en mouvement cette procédure, doit obtenir l'autorisation du Conseil des ministres ainsi que du Chef de l'État. Si c'est chose faite, et nul doute qu'elle n'obtienne pas cet accord si nécessaire, surtout parce qu'elle ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale, s'ensuit un cheminement procédural extrêmement précis, mais toujours, à coup sûr, fortement critiqué par les membres de l'opposition au sein de l'Assemblée nationale, et dans certains cas par les membres de la majorité présidentielle elle-même qui peut se sentir tenaillée.

Dans tous les cas, voici comment les choses se présentent : depuis l'entrée en vigueur de la modification de la Constitution en 2008, l'article 49, al. 3, prévoit que le projet de loi concerné par cette procédure est adopté sans aucun vote formalisé, sauf à imaginer qu'une motion de censure soit effectivement déposée, dans un délai prédéterminé et fixé à vingt-quatre heures, et finalement voté par les députés. En vérité, le projet de loi est adopté si aucune motion de cette nature n'est déposée ou si celle-ci ne passe pas l'étape du vote ultime par les députés. Pour le cas si particulier du vote effectif d'une motion de censure, qui nécessite tout de même que la majorité des parlementaires au sein de l'Hémicycle vote en sa faveur, le Gouvernement est alors contraint à la démission. En contrepartie de quoi, le Chef de l'État est en mesure de dissoudre l'Assemblée nationale…

La gauche, vent debout contre l'utilisation de cet article

Si le groupe La France Insoumise a fait preuve d'une réelle volonté de se battre face aux très nombreuses utilisations de cet article par la Première ministre, celui-ci a trouvé chez les socialistes un appui important.  

Pourtant, si l'on regarde leur position relative à l'utilisation de cet article sous le quinquennat de François Hollande, l'on s'aperçoit qu'ils avaient apporté leur soutien à…son utilisation. De manière surprenante encore, ces derniers en avaient même souhaité la suppression lors des discussions relatives à la modification de la Constitution en 2008. Le musèlement du Parlement, comme il est souvent question dans les médias, fut pourtant chose importante pour les socialistes fut un temps. François Hollande avait même pu déclarer que cet article, auquel Emmanuel Valls, l'un de ses Premiers ministres, avait ensuite eu recours à plusieurs reprises, était « un déni de démocratie » ainsi qu'une « violation des droits du Parlement ».

Critiques et arguments en faveur de l'article 49, al. 3

Les critiques fusent depuis que la Première ministre a décidé d'user pour la neuvième fois de cet article. Certains opposants à l'utilisation de cet article ont pu réclamer, par le passé, la tenue d'un référendum afin d'appeler les citoyens français, et donc le peuple souverain, à trancher en faveur ou non de tel ou tel projet de loi. Damien Roussel, député PCF, a pu déclarer que « par nature, [cet article] est une anomalie démocratique (…) mise à la disposition de l'exécutif pour museler [la procédure législative]. »

Il existerait toutefois un argument en faveur de l'utilisation de cet article. Philippe Blacher, Professeur de Droit public, considère que l'utilisation des articles 11 et 38, respectivement relatifs au référendum législatif ainsi qu'aux ordonnances, est beaucoup plus radicale que l'utilisation de l'article 49, al. 3, tant décrié. Il ajoute sous ce rapport que dans ces deux articles, les parlementaires sont purement et simplement écartés de l'élaboration, la rédaction et du vote de la loi en devenir, ces différentes étapes si importantes dans le début de la vie juridique d'une loi étant confiées à d'autres pouvoirs constitutionnels que le Parlement (le peuple souverain ainsi que le Gouvernement interviennent dans ces deux articles). Philippe Blancher ajoute que dans le cadre de cet article 49, al. 3, le projet de loi concerné est en mesure d'être examiné en commissions, mais aussi en séance plénière avant que celui-ci ne soit finalement adopté sans vote formalisé. Principalement, son propos en faveur de cet article réside dans le fait que celui-ci ne trouve à s'appliquer que devant les députés et que la procédure législative continue son cheminement devant les parlementaires du Palais du Luxembourg. Ici, les sénateurs bénéficient toujours de leurs propres prérogatives concernant la discussion du texte. De ce fait, selon lui, le fait de recourir à l'utilisation de l'article 49, al. 3, de la Constitution ne constitue pas réellement un court-circuitage du Parlement dans son ensemble, d'autant plus que le Gouvernement pourrait, s'il dispose d'une certaine majorité, en seconde lecture du texte, décider de ne pas user de ces dispositions constitutionnelles.

Force est ainsi de constater que cet article semble ne laisser personne indifférent, tant les contradicteurs que les défenseurs de son contenu et de sa force juridique finale. Reste que, pour l'heure, les critiques continuent d'affluer contre le Gouvernement Borne et son utilisation semblant symptomatique de cet article…