Que s’est-il passé dans les faits ?

C’est en date du 23 janvier dernier que Jordan Bardella, député européen Rassemblement National, a été raillé par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux alors qu’il a pris la parole devant le Parlement européen. 

Que s’est-il passé exactement ? Cette question est importante dans la mesure où il nous faut en effet revenir sur les origines des moqueries qui ont résulté de la prise de parle du Président du groupe Patriotes pour l’Europe. Dans un souhait de réaction face à des propos qui ont été tenus récemment par Ursula von der Leyen, l’actuelle présidente de la Commission européenne, Jordan Bardella a effectué un rappel express au règlement intérieur du Parlement européen. Plus exactement, celui-ci cita son article 133. Néanmoins, ses propos furent interrompus par Sabine Verheyen, vice-présidente de cette institution européenne, et alors présidente de la séance pendant laquelle a eu lieu l’incident. A l’appui de son interruption, cette dernière a considéré que l’article susmentionné ne peut être cité dans le contexte en cause. Qu’à cela ne tienne, Jordan Bardella décida de continuer ses déclarations en faisant fi des rappels à l’ordre de cette dernière. 


Toutefois, ces rappels à l’ordre n’ont pas été du gout du député européen ni même du Rassemblement National. En effet, suite à cette prise de parole qui, pour le moins, n’est pas passée inaperçue dans la presse et sur les réseaux sociaux, Jordan Bardella avec l’appui du RN ont réagi et ont considéré que ce qui s’était passé n’était rien d’autre qu’un « grave incident ». Celui-ci décida également de publier une lettre ouverte à la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, publiée sur son compte X. Au travers de cette lettre ouverte, ce dernier a considéré qu’il avait été victime d’une forme de censure de la part de l’institution. Celui-ci a en effet publié que des membres de la gauche au sein du Parlement européen ont été en mesure de « librement s’exprimer sur la situation à Gaza », ce qui ne fut pas son compte ni celui d’« un collègue du groupe ECR Fidanza Carlo ». Pour le député européen concerné, il n’a pas été en mesure d’« évoquer les dérives de la Commission européenne en censurant [leurs] prises de parole ». Et ce dernier d’ajouter que « censure », « sur le fond d’un banal rappel au règlement » provenait d’une députée européenne « proche d’Ursula von der Leyen ». 

Le député européen français critique en vérité un rappel au règlement qui avait pourtant été effectué le 24 janvier 2025 par João Oliveira, du groupe de la Gauche.

Jordan Bardella : réellement victime d’une censure de la part du Parlement européen ?

Pour apporter des éléments de réponse à cette question, il nous faut nous intéresser aux dispositions contenues au sein de l’article 133 susmentionné. Ces dispositions autorisent un ou plusieurs députés européens à demander à la Commission européenne aussi bien des renseignements que des détails concernant des décisions, ou encore des déclarations, qui ont été effectuées à l’occasion de réunions institutionnelles de la Commission. 

Dans le texte, il est prévu qu’il revient au Président du Parlement européen de demander au Président de la Commission européenne, ou bien au commissaire responsable des relations avec le Parlement, d’effectuer une déclaration devant les députés européens « après chacune des réunions de la Commission » dans l’objectif de mettre en avant « principales décisions prises ». Et ces dispositions d’ajouter que la déclaration en question est suivie d’un court débat au cours duquel les députés européens sont en mesure de « poser des questions brèves et précises ». 


Or ces dispositions sont totalement inopérantes en l’espèce en ce que le député européen demande des explications de la part de la présidente de la Commission européenne quant à des propos qu’elle a tenus…en dehors même des institutions. S’il fallait également se convaincre de l’inopérabilité de ces dispositions, retenons que l’article 196 du même règlement indique explicitement que la demande de parole pour un rappel au règlement se doit, nécessairement, de porter sur un point qui est inscrit à l’ordre du jour. En l’espèce, il n’en était rien. Le concernant, il ne saurait s’agir d’une quelconque forme de censure, mais simplement d’une application des dispositions du règlement, et rien d’autre. 

Dans sa lettre ouverte, Jordan Bardella mentionne le fait qu’il aurait été victime d’une différence de traitement par rapport à João Oliveira. Selon lui, le député européen portugais aurait été en mesure de mentionner cet article 133 aux fins de condamner la politique menée par Benjamin Netanyahu en Cisjordanie. Et celui-ci de préciser que les propos en question ont, eux aussi, été tenus en dehors des institutions européennes : l’utilisation des dispositions de cet article 133 du règlement devrait, par voie de conséquence, être exclue. Nous devons toutefois immédiatement souligner le fait que le député européen portugais n’a jamais invoqué ces dispositions lors de sa prise de parole, le 24 janvier. Il n’a pas mentionné l’article 133…mais l’article 123 du même texte qui permet la proposition d’une résolution qui condamne en effet une violation des droits de l’homme. Rien à voir, donc, avec le fond de notre affaire !

Références

https://x.com/AlertesInfos/status/1882481453587640350?mx=2

https://www.ouest-france.fr/politique/jordan-bardella/jordan-bardella-essuie-une-deconvenue-au-parlement-europeen-ffe33cd6-da4c-11ef-938b-906ad6a94e5c

https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/RULES-9-2021-09-13-RULE-133_FR.html

https://www.huffingtonpost.fr/politique/video/jordan-bardella-rate-son-coup-de-com-au-parlement-europeen-apres-un-rappel-au-reglement_245294.html