A titre préliminaire : CBD, THC, de quoi parle-t-on exactement ?
Au titre des éléments qui constitue le cannabis se retrouve notamment le cannabidiol (connu sous le sigle de CBD) et le tétrahydrocannabinol (pour sa part connu sous le sigle de THC). Ces deux éléments ou plus précisément ces deux substances ont des effets différents et ne sont pas concernés par les mêmes règles. En effet, la première substance dispose de vertus calmantes, tranquillisantes : sa vente n’est pas prohibée en France uniquement pour le cas où un taux de THC n’est pas atteint. Immédiatement, l’on voit par conséquent que les règles sont complexes. En effet, la seconde substance, le THC, dispose d’effets psychotropes et sa vente est pour sa part prohibée. Il est finalement intéressant de relever le fait qu’il n’est pas possible que le CBD ne contienne pas de traces éventuelles de THC dans la mesure où l’une et l’autre de ces substances sont malaisément isolables. Cela revient à dire que le fait de consommer du CBD signifie consommer également du THC en une très faible mesure. Pour le cas où un test de dépistage est réalisé sur un individu qui a en effet consommé du CBD, le résultat de ce dernier pourra être positif.La dépénalisation du cannabis en France
Quels sont les faits de l’espèce ?
Dans le cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 21 juin 2023, il ressort qu’un individu a été reconnu coupable, par un tribunal correctionnel, de conduite d’un véhicule terrestre à moteur alors qu’il avait fait usage de produits stupéfiants et était en excès de vitesse. Ce dernier avait en effet été condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, à six mois de suspension de permis de conduire ainsi qu’à une peine d’amende.Ce dernier, mécontent de la décision rendue en première instance, décida par conséquent d’interjeter appel de la décision. Il ressort de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen que le requérant est relaxé de ce chef de condamnation. En effet, pour justifier leur décision de relaxe du requérant, les juges du second degré, ont tout d’abord relevé que l’expertise toxicologique qui avait été effectuée ne relevait aucun taux de THC. Ensuite, ces derniers ont retenu qu’il n’est pas fait mention d’une quelconque recherche qui aurait permis de savoir si, oui ou non, le CBD que le requérant affirmait avoir effectivement consommé outrepassait la teneur en THC légalement admise. Pour justifier de leur décision, les juges de la Cour d’appel de Rouen se sont appuyés sur les dispositions contenues au sein de l’arrêté du 13 décembre 2016 qui prévoit explicitement les modalités devant être appliquées lors des dépistages de substances qui témoignent de l’usage de produits stupéfiants. Ces dispositions précisent en effet des règles et seuils distincts selon la nature de l’analyse effectuée. Ainsi, pour les analyses salivaires, et concernant les cannabiniques, le taux de THC doit être équivalent ou égal à 1 ng/ml de salive prélevée. Concernant les analyses sanguines, ce taux est porté à 0,5 ng/ml de sang prélevé. Mécontent de cette décision, le Procureur général de la Cour d’appel de Rouen décida de se pourvoir en cassation en arguant notamment du contenu des dispositions de l’article L. 235-1 du Code de la route.
Cas pratique corrigé en droit pénal - Tentative de meurtre et conduite sous l'emprise de stupéfiants
La conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants
Le pourvoi en cassation
Comme précisé ci-dessus, le Procureur général a argué des dispositions de l’article L. 235-1 du Code de la route qui prévoient que tout individu « qui conduit (…) alors qu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire » que ce dernier a effectivement fait usage de produits ou de « plantes classées comme stupéfiants » encourt une peine de deux ans d’emprisonnement ainsi que 4 500 euros d’amende.Celui-ci argue, à l’appui de ces dispositions, que la lecture effectuée de cet article est relativement aisée et qu’il ne contient aucun seuil afin d’emporter la reconnaissance de cette infraction (c’est-à-dire la conduite sous l’empire de produits stupéfiants). Sous le rapport des dispositions contenues dans l’arrêté du 13 décembre 2016 susmentionné, ce dernier considère que celles-ci ne s’intéressent qu’à la détection et partant, ne s’intéressent pas à l’incrimination.
Dans notre cas d’espèce, les juges de la Cour de cassation ont décidé de casser et annuler l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen en se fondant sur deux dispositions, l’article L.235-1 susmentionné mais aussi sur l’article L. 5132-7 du Code de la santé publique. Ces dernières dispositions attribuent notamment le THC en tant que substance stupéfiante.
Les juges ont ici relevé le contenu de l’article L. 235-1 du Code de la route. Ils ont rappelé que le fait, pour un individu, de conduire après avoir consommé des produits stupéfiants (dont la preuve est rapportée par une analyse salivaire ou sanguine) constitue une infraction peu importe par ailleurs le taux de produits stupéfiants relevé. Alors, selon ces derniers, il importe peu que le taux soit inférieur à ceux prévus dans l’arrêté susmentionné. Il convient immédiatement de préciser, une fois ces constatations effectuées, que les juges de la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne contestent en rien la légalité du CBD : ils énoncent tout bonnement que le fait que du THC soit détecté à l’issue d’une analyse emporte nécessairement, systématiquement l’exécution de cet article.
A la lecture de cet arrêt, force est malheureusement de constater que sont mises en exergues les difficultés pratiques qui découlent des règles légales en la matière. Faudrait-il une prise de conscience de la part du législateur ? Seul l’avenir pourra nous répondre.