Un pouvoir d'amendement du Parlement européen toutefois limité

S'il est vrai que le Parlement européen dispose d'un pouvoir d'amendement, celui-ci est cependant limité. Ainsi les amendements ne peuvent utilement modifier les éléments essentiels d'une initiative dont ils ont à connaître.

De même et sans toutefois entrer dans le détail, il est intéressant de relever que dans toute société démocratique, l'initiative législative est couramment exercée de concert par les pouvoirs exécutif et législatif. En droit européen, le Parlement européen agit bien de la sorte avec le Conseil dans le cadre du vote de la législation européenne. Néanmoins, il ne dispose que du pouvoir d'amendement et du pouvoir de rejet d'un texte. Cela dit, il est aisé de comprendre qu'une législation européenne sera surtout empreinte de l'orientation souhaitée par la Commission européenne, instigatrice du texte. Ce constat permet à certains d'affirmer que la Commission détient le monopole de l'initiative législative.

Un pouvoir d'initiative au seul bénéfice de la Commission européenne ?

Si le préambule du Traité sur l'Union européenne (ci-après TUE) apparaît clair lorsqu'il dispose que l'intégration européenne doit permettre que les décisions qui y sont prises doivent "[l'être] dans le plus grand respect du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens", il est intéressant de noter que cette intégration a permis au fil du temps d'augmenter les pouvoirs propres aux eurodéputés. Comme cela est souhaité, doter le Parlement européen d'un tel pouvoir d'initiative législative qui serait de fait général, direct et de principe, permettrait in fine de confirmer davantage ce processus.

Il est cependant utile de remarquer que trop souvent il est question d'un monopole de la Commission européenne dans l'initiative législative en droit européen. Cela laisse sous-entendre que le Parlement européen en serait absolument démuni. À ce sujet, il conviendra de préciser que la Commission européenne bénéficie d'un tel pouvoir de principe tandis que, de son côté, le Parlement européen est en mesure d'influencer cette législation effectivement voulue par l'exécutif européen. Par conséquent, les eurodéputés sont tout de même détenteurs d'un rôle important dans le cadre de la création des propositions de textes de nature législative en droit européen.

Une proposition directe de législation européenne au profit du Parlement européen ?

La lecture du Traité sur l'Union européenne permet de comprendre le rôle que peut tenir le Parlement européen dans la proposition directe d'une législation européenne. En ce sens l'article 17, §2, de ce traité prévoit que les actes législatifs en droit européen ne sont adoptés "que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement."

Or il arrive en effet que les traités européens en disposent autrement, laissant ainsi l'initiative échoir à d'autres organes que la Commission européenne. Il pourra s'agir de la législation en matière électorale qui revient au Parlement européen. En outre, il lui revient d'entamer la procédure de révision des traités européens ou bien d'actionner la procédure prévue à l'article 7 TUE inhérente au non-respect par un État membre de l'Union européenne de ses valeurs fondatrices - tel fut le cas de la Hongrie en 2018. Toutefois, la procédure qui s'ensuit doit être nécessairement validée par les États membres - ce qui ne fut pas le cas pour la Hongrie.

Enfin, il est utile de relever que les eurodéputés disposent d'un rôle important à l'égard de la procédure d'initiative indirecte. À quoi renvoie-t-elle ?

Un rôle important dans la procédure d'initiative indirecte

À l'occasion de son tout premier règlement intérieur, ce qui deviendra le Parlement européen par la suite, a considéré qu'il pourra disposer du droit d'adopter des résolutions qui seront finalement adressées à l'organe exécutif européen. Les résolutions sont en réalité des textes votés par cette assemblée afin de porter à la connaissance de tous son opinion sur une problématique donnée. Ici, les eurodéputés peuvent adopter des résolutions malgré l'absence de disposition conventionnelle explicite à cet égard. Ce pouvoir, issu d'une pratique progressive et constante des eurodéputés, fut entériné par la Cour de justice des communautés européennes en 1983.

Un tel droit d'initiative législative indirecte fut reconnu au Parlement européen après que le Traité instituant la Communauté européenne fut amendé en ce sens. Ce droit est aujourd'hui inscrit à l'article 225 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En pratique, cela signifie que lorsque la Commission européenne refuse de donner suite à une revendication portée par les eurodéputés, elle doit en préciser les raisons. Dans le cas contraire, si elle souhaite légiférer dans le sens voulu par le Parlement européen, elle dispose d'un délai d'un an pour former une proposition, ou bien elle est contrainte de l'inscrire dans son programme de travail pour l'année d'après. Dès lors, le Parlement européen dispose d'une certaine manière d'un pouvoir d'initiative législative dès lors qu'il rédige une proposition d'acte législatif à destination de la Commission européenne.

Outre cette procédure prévue sur le plan conventionnel, un accord passé entre la Commission et le Parlement le 20 novembre 2010 prévoit qu'elle est tenue d'informer, sous forme écrite, l'ensemble des mesures qu'elle souhaite prendre (ou non) subséquemment à une résolution formulée par le Parlement, et ce, dans un délai fixé à trois mois après sa réception. Entre 2019 et 2021, 102 rapports d'initiative furent suivis d'action par la Commission sur les 178 portés à sa connaissance.

Cette lacune démocratique, somme toute en voie de résorption, pourrait être comblée par une attribution accrue des pouvoirs finalement attribués aux citoyens européens. Il faudra cependant s'en remettre aux volontés de chacun des États membres de l'Union européenne à l'occasion de prochaine révision des traités.

 

Sources : Actu juridique, Les surligneurs, Parlement européen