Propos introductifs

Le 1er octobre 2017 s'est tenu en Catalogne un référendum portant sur l'indépendance de cette région autonome d'Espagne - bien que cette autonomie fut amoindrie par le gouvernement espagnol.

Alors que la tenue de ce référendum fut interdite par la Cour constitutionnelle espagnole, celui-ci est tout de même intervenu, et, le 10 octobre suivant, le Président de la région catalane, Carles Puigdemont, a déclaré l'indépendance de la Catalogne, mais celle-ci fut immédiatement suspendue.

Le 27 octobre, c'est le Parlement catalan qui a voté la proclamation de l'indépendance de la région. Immédiatement, le gouvernement espagnol a décidé de suspendre les institutions catalanes en plus d'avoir convoqué des élections régionales anticipées. Ceci a été rendu possible par l'utilisation de l'article 155 de la Constitution espagnole qui prévoit, dans les grandes lignes, que lorsqu'une « Communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution ou les autres lois lui imposent ou agit de façon à porter gravement atteinte à l'intérêt général de l'Espagne », il est possible pour le gouvernement central de « prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ».

Par ailleurs, Carles Puigdemont ne s'étant pas présenté à Madrid devant les autorités judiciaires, et ayant quitté le territoire espagnol pour la Belgique, celui-ci fait dorénavant l'objet d'un mandat d'arrêt européen. Il s'est rendu devant les autorités fédérales belges le 5 novembre.

La reconnaissance de l'État en droit international

Immédiatement après la proclamation de la Catalogne, l'Allemagne d'Angela Merkel a fait savoir qu'elle ne reconnaissait pas ce nouvel État catalan. En quoi consiste donc la reconnaissance en droit international public ?

Il convient de savoir qu'il n'y a point besoin d'une quelconque reconnaissance des autres États pour que celui-ci existe effectivement, objectivement. Il s'agit donc d'une reconnaissance déclarative que l'on oppose, en droit international public, à la reconnaissance constitutive, selon que l'État préexiste ou bien qu'il s'agit d'une déclaration qui a pour effet de conférer le statut d'État à ce dernier.

Cependant, la reconnaissance produit des effets et elle produit notamment des importantes politiques et pratiques, sur le plan consulaire et sur le plan diplomatique. Un État entretiendra, par exemple, des relations diplomatiques ou d'autres types de relations avec un État qu'il « reconnaît » en tant que tel.

La souveraineté territoriale, étudiée sous le prisme des différences qui existent entre les peuples coloniaux et les mouvances indépendantistes, sécessionnistes

En droit international public, le territoire est protégé par deux principes : le principe de l'inviolabilité et le principe de l'indivisibilité. En quoi consistent-ils donc ? Dans le cadre du principe d'inviolabilité du territoire, le recours à la force est impossible, à tout le moins il est fortement encadré comme pour le cas où il existe une menace contre la paix et la sécurité internationales.

Dans le cadre du principe de l'indivisibilité du territoire, le territoire d'un État est « un et indivisible » et se pose donc la question de la modification des frontières de cet État.

Il existe en outre en droit international un principe très important : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Immédiatement, il convient de différencier les situations respectives des peuples coloniaux et celles des mouvances indépendantistes. En effet, au regard de la situation des peuples coloniaux, l'indépendance de ces derniers ne peut aucunement porter atteinte à l'intégrité territoriale de l'État colonial. Or ce n'est pas le cas pour la situation des peuples non coloniaux et donc ceux ayant des volontés indépendantistes, sécessionnistes dans la mesure où ceux-ci sont intégrés dans des Etats dont le territoire est « un et indivisible ». De ce fait, il y a véritablement une atteinte à l'intégrité territoriale de l'État concerné.

En fait, du point de vue du droit international, ce droit ne peut servir en tant que fondement d'un droit à l'indépendance pour ces mouvements sécessionnistes.

Pour qu'effectivement l'indépendance de ces mouvances ait lieu, il est nécessaire qu'elle passe par des mécanismes au sein de l'État concerné et en faveur de ces peuples. Il s'agit donc de mécanismes d'accord entre les différentes autorités centrales et indépendantistes de façon à ce que ces derniers soient effectivement reconnus en tant que groupe distinct.

Cependant, il faut nuancer ces propos. En effet, si ce droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne peut servir de fondement utile pour les mouvements indépendantistes en raison de ce principe d'indivisibilité du territoire, il n'en reste pas moins que lorsque le peuple est victime d'une oppression conséquente, ce droit pourra donc être utilisé à l'appui d'une indépendance de ces peuples : il s'agira dans ce cas de la sécession-remède. D'ailleurs, à titre indicatif, s'il est indéniable qu'en droit international la sécession n'est pas interdite, elle n'est pas non plus favorisée.


Bien évidemment, au regard de la situation actuelle en Catalogne, il est impossible de dire avec précision quelles en seront les conséquences, sachant dans tous les cas que le droit s'inclinera face au fait étatique.


Sources : L'Express ; Charles De Visscher, Problème d'interprétation judiciaire en droit international public, Pedone, Paris, 1963, p.191 ; C.I.J., avis consultatif, 22 juillet 2010, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo ; Louis-Antoine Aledo, Le droit international public, St-Just-La-Pendue, éditions Dalloz, 2005, pp.23-29-31


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