Quels sont les faits et la procédure ? 

Dans le cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Cour de cassation, il s’agissait d’une salariée, engagée par une société en conseil immobilier, en qualité d’assistante de direction. Celle-ci bénéficia d’un congé de maternité puis d’un congé parental avant de présenter sa démission. Celle-ci demanda le versement de sommes de différentes natures. 


Tout d’abord, elle demanda le versement de dommages et intérêts pour absence de visite médicale dans la mesure où, pour que soit assuré à tout travailleur « son droit fondamental à la santé et à la sécurité », il revient à l’employeur, entre autres, de « lui faire bénéficier (…) d’un examen de reprise après un congé de maternité ». Cette méconnaissance par l’employeur de son obligation de suivi médical des salariés doit entrainer la réparation du préjudice ainsi causé. Ensuite, elle effectua des demandes de rappel de salaire au titre du treizième mois conformément aux dispositions contenues au sein de l’article 38 de la convention collective nationale de l’immobilier. Enfin, celle-ci considère que son employeur a méconnu son obligation en matière de sécurité et de santé au travail en lui demandant de fournir un travail alors qu’elle était en congé de maternité. 


Déboutée de ses demandes par la Cour d’appel, et mécontente de la décision rendue, elle décida de se pourvoir en cassation. Nous nous intéresserons spécifiquement à la question de l’absence de visite médicale ainsi qu’à la violation de l’obligation de sécurité et de santé au travail


Qu’ont décidé les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation ?

Concernant l’absence de visite médicale, la Cour de cassation a retenu qu’il existe des mesures visant à surveiller la santé de tout travailleur eu égard aux risques liés à leur fonctions (sécurité et santé). Ainsi, les salariés peuvent demander à bénéficier d’une surveillance régulière de leur santé. Toutefois il appartient exclusivement aux salariés concernés d’apporter la preuve qu’ils ont subi un préjudice résultant du non-respect par l’employeur des prescriptions effectivement applicables en la matière. En l’espèce, la Cour d’appel avait pu relever que la salariée ne justifiait d’aucun préjudice même si elle a reconnu que l’employeur avait méconnu son obligation la concernant. 

En outre, concernant la violation de l’obligation de sécurité et de santé au travail, il ressort du cas d’espèce que la salariée est en mesure de bénéficier d’un congé de maternité : la Cour de cassation rappelle cette règle sur le fondement des dispositions de l’article L. 1225-15, al. 1er, et de l’article L. 1225-29 du Code du travail, rappelant par la même occasion les différents délais existants à ce sujet. Elle relève que la Cour d’appel, en rejetant la demande de la salariée, a jugé que celle-ci n’avait pas justifié d’un quelconque préjudice tout en soulignant le fait que l’employeur avait méconnu son obligation de suspendre toute prestation de travail durant ce congé. Or pour la Chambre sociale, le simple fait de constater que cette obligation a été méconnue par l’employeur résulte nécessairement sur l’ouverture d’un droit à réparation


Comment comprendre cette décision ?

Il n’est pas possible d’employer une salariée pendant une période totale allant de 8 semaines avant et après l’accouchement et dans les six semaines qui le suivent. 

Dans notre cas d’espèce, il a été retenu par les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation que les juges du second degré, bien qu’ayant constaté la méconnaissance par l’employeur de son obligation de suspendre toute prestation de travail à l’occasion du congé de maternité de la salariée, ont néanmoins conclu que la salariée n’avait pas justifié d’un quelconque préjudice

Pour la Cour de cassation, le raisonnement ainsi tenu ne saurait être valable dans la mesure où le simple fait de constater un tel manquement permet l’ouverture d’un droit à réparation au bénéfice de la salariée concernée. Il est impossible pour un employeur de demander à une salariée une quelconque prestation de travail si celle-ci bénéficie d’un congé de maternité. 

Conformément à la théorie du préjudice nécessaire*, en pareille hypothèse, tout employeur s’expose à une condamnation systématique pour manquement à cette obligation. 

Quid enfin de l’absence de visite médicale mise en avant par la salariée et dont elle fait grief devant les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation ? Dans notre cas d’espèce, et à la lecture de cette décision du 4 septembre 2024, il n’a pas lieu d’appliquer la théorie du préjudice nécessaire, considérant en effet qu’il revient nécessairement à la salariée d’apporter la preuve qu’elle a subi un préjudice afin de pouvoir en obtenir réparation.

*En quoi consiste la théorie du préjudice nécessaire ? Le préjudice est considéré comme étant nécessaire dès lors qu’une juridiction juge que la victime n’a pas à apporter la preuve de l’étendue du préjudice dont elle se plaint afin d’en obtenir la réparation. En d’autres termes, le préjudice en question découle de la faute commise par l’employeur concerné sans qu’il ne soit nécessaire, sans qu’il ne soit attendu du salarié qu’il démontre avoir utilement subi un préjudice qui résulte de manière directe de cette faute. Le préjudice sera présumé, et l’employeur ne sera pas en mesure de le contester si le manquement est établi : la réparation de ce préjudice est actée de facto.