Quels étaient les faits de l’espèce ?

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 4 septembre 2024 (cf. n° de pourvoi : 22-22.860), il était question d’un salarié qui avait été licencié en date du 3 septembre 2018. Ce n’est qu’en date du 14 février 2020 que ce dernier décidé de saisir le Conseil des prud’hommes, afin que soit finalement reconnue la nullité du licenciement dont il fit l’objet. Il soutient, entre autres, qu’il a subi un harcèlement moral, et partant celui-ci souhaite que son licenciement soit considéré comme nul, et demande aussi à ce que son employeur lui verse des sommes de diverses natures relativement à l’exécution puis à la rupture de son contrat de travail.

A cela, la Cour d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article L.1471-1 du Code du travail décide que les demandes ainsi formulées ne sont pas recevables dans la mesure où, à compter de la notification de la rupture dudit contrat, les actions se prescrivent par douze mois. En d’autres termes, le salarié évincé était en mesure de contester son licenciement jusqu’au 20 novembre 2019 ; la prescription étant acquise au moment où les juges prudhommaux furent saisis, il ne pouvait valablement formuler ces demandes. 

Mécontent de cette décision, le salarié forma un pourvoi en cassation dans la mesure où, selon lui, le licenciement dont il fit l’objet a pour fondement une situation de harcèlement moral et par conséquent, le délai de prescription est bien de cinq ans et non douze mois. Ces griefs emportèrent la conviction de la Cour de cassation. 

L’action sur la rupture du contrat de travail se prescrit-elle par cinq ans lorsque celle-ci est fondée sur une situation de harcèlement moral ?

Dans notre cas d’espèce, l’action en nullité du licenciement trouve son origine dans une situation de « harcèlement moral allégué » et partant, celle-ci est soumise à la prescription prévue au sein de l’article 2224 du Code civil, et des articles L.1471-1 et L.1152-1 du Code du travail pour la Chambre sociale de la Cour de cassation. Autrement dit, cette action se prescrit par cinq ans et non pas douze mois. 


En l’espèce, l’action du salarié en nullité du licenciement « était fondée sur le harcèlement moral allégué », ce dont il résultait qu’elle était soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil : vu les articles L1471-1, L1152-1 du Code du travail et 2224 du Code civil : à compter de la rupture du contrat de travail du salarié, le délai de prescription est porté à cinq ans pour le cas où il s’agit d’un harcèlement moral (cf. art. L.1471-1 du Code du travail). Ici, l’action formée par le salarié se fondait sur les dispositions de l’article L.1152-1 du Code du travail, prohibant toute forme de harcèlement moral au travail : cette demande était donc recevable dans ledit délai, le salarié bénéficiant d’un délai rallongé porté finalement à cinq ans. 

Cette décision constitue l’occasion pour la Cour de cassation de clarifier la manière dont fonctionne la prescription relative à des actions portant sur l’exécution mais aussi sur la rupture d’une relation contractuelle de travail. Elle s’est surtout penchée sur le travail dissimulé et la demande d’indemnité qui en résulte, ainsi que la demande de nullité du licenciement dont a fait l’objet le salarié évincé lorsqu’il évoque des circonstances de harcèlement moral. Dans ces deux cas, les juges de la Haute juridiction ont considéré que ces deux demandes sont recevables : si la prescription est bien relevée, il n’en reste pas moins que conformément aux dispositions des articles L. 1471-1 et L. 1152-1 du Code du travail, le délai de douze mois ne saurait être applicable aux actions relatives au harcèlement moral. Au surplus, il est relevé que toute action fondée sur une discrimination se prescrit également par un délai de cinq ans. 

Ensuite, eu égard au point de départ de la prescription, et conformément aux dispositions contenues au sein de l’article 2224 du Code civil précité, « les actions personnelles (…) se prescrivent par cinq ans », et ce délai pour agir débute le « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits » qui lui permettent d’exercer les actions concernées. 

Concernant précisément les demandes inhérentes au travail dissimulé, au sens de l’article L. 8223-1 Code du travail, le délai pour agir est, par principe fixé, à six mois lorsqu’une rupture du contrat de travail intervient. Or dans notre cas d’espèce, l’indemnité demandée est directement rattachée à la rupture de la relation de travail : les dispositions de l’article L. 1471-1 susmentionné s’appliquent, et donc le délai de douze mois. A cela, il est souligné le fait que le harcèlement en cause ici est intervenu à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, et qu’un licenciement qui intervient en méconnaissance des règles comprises au sein des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du Code du travail est nul.

L’arrêt ici jugé et rapporté par la Chambre sociale de la Cour de cassation est tout à fait intéressant en ce qu’il permet d’enrichir un peu plus les règles juridiques en matière de harcèlement au sein de la jurisprudence. Dès l’instant où un salarié a subi des agissements de harcèlement, et que ces agissements interviennent en lien avec un licenciement, ce dernier est en mesure de faire connaitre ces faits en question dans un délai de cinq ans. Cette prescription de cinq ans a pour date de démarrage le jour où ce dernier aurait eu à subir le tout dernier agissement en question.

Références

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050192525?isSuggest=true

https://bctg-avocats.com/newsletter-droit-social-octobre-2024/

https://www.legisocial.fr/actualites-sociales/6986-action-nullite-licenciement-fonde-harcelement-moral-prescrit-5-ans-12-mois.html

https://www.editions-tissot.fr/actualite/sante-securite/nullite-du-licenciement-pour-harcelement-moral-le-salarie-peut-agir-en-justice-dans-un-delai-de-5-ans