Après quelques semaines d’attente le Conseil d’Etat a rendu sa décision concernant sa situation personnelle, et a finalement décidé de valider son expulsion. Pourquoi a-t-il décidé ainsi ? Décryptage.

Une ordonnance initiale suspendant l’expulsion de l’Imam

Le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, par son ordonnance prise le 5 août dernier (n° 2216413), a décidé de suspendre l’expulsion vers le Maroc d’un Imam, Mr Iquioussen. Mécontent de cette décision, Gérald Darmanin, l’actuel ministre de l’intérieur, a décidé de saisir le juge des référés du Conseil d’Etat d’un appel. Ce dernier statuant au contentieux, et dans une décision rendue le 30 août (n° 466554), a jugé la décision de son expulsion justifiée, notamment au regard des propos antisémites que celui-ci a pu tenir depuis maintenant plusieurs années à l’occasion de conférences « largement diffusées » mais aussi concernant les propos tenus eu égard à « l’infériorité de la femme et [de] sa soumission à l’homme ». Pour le juge des référés du Conseil d’Etat, l’ensemble de ces propos répétés sont constitutifs d’« actes de provocation [non seulement] explicite [mais aussi] délibérée à la discrimination ou à la haine » (cf. §9 de la décision). Ces derniers constituent par conséquent le fondement juridique de cette décision d’expulsion. Le Conseil d’Etat poursuit en considérant que la décision en cause ne revêt pas le caractère d’une atteinte grave et manifestement illégale à la situation privée et familiale de Mr. Iquioussen. De fait, l’ordonnance en cause est annulée par le juge des référés, et la demande de suspension de l’expulsion, portée par Mr. Iquioussen, est ainsi rejetée.

Plus précisément, quel a été le cheminement intellectuel et juridique emprunté par le Conseil d’Etat dans cette décision ?

Le cheminement juridique ayant abouti à cette décision

C’est par une décision d’expulsion du territoire national en direction du Maroc, le 29 juillet dernier, que l’actuel ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a également décidé de retirer le titre de séjour de Mr. Iquioussen. Néanmoins cette décision fut suspendue dans son exécution par une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris. Mécontent de cette décision, le ministre de l’intérieur a de ce fait décidé d’interjeter appel de l’ordonnance concernée auprès du juge des référés du Conseil d’Etat. Ce dernier a rendu sa décision le 30 août 2022. Il est tout d’abord intéressant de relever que le juge des référés du Conseil d’Etat s’est tout d’abord rangé aux côtés du juge des référés du Tribunal administratif de Paris en considérant qu’un certain nombre de motifs, effectivement retenus par Gérald Darmanin afin de justifier la décision d’expulsion de l’Imam, ne pouvaient, « en l’état de l’instruction [qui lui était présenté] », justifier légalement une telle décision d’expulsion du territoire national (cf. §7 de la décision). Plus exactement, ces propos avaient trait non seulement à la véracité des attentats terroristes mais aussi à son rejet clair et net des lois de la République qui ne peuvent, selon lui, primer sur la loi islamique. En outre, le juge des référés du Conseil d’Etat a poursuivi son raisonnement en relevant, tout comme l’avait en effet effectué le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, « un discours systématique » au regard de la supposée et même théorisée infériorité de la femme par rapport à l’homme et ce, à l’occasion de conférences et vidéos, publiées pour les dernières l’année passée, non seulement largement diffusées mais toujours disponibles en ligne (cf. §8 de la décision). Or le Conseil d’Etat s’est ensuite placé en désaccord avec les motifs retenus par le juge des référés du Tribunal administratif dans la mesure où, contrairement à ce dernier, il retient que l’instruction a permis d’établir que le sieur Iquioussen a pu tenir des propos antisémites depuis plusieurs années maintenant et face à une large audience sur les réseaux sociaux. Il est également relevé dans notre décision que celui-ci n’a pas, malgré le fait qu’il ait présenté des excuses en 2004 sous ce rapport, réfuté de manière « explicite des propos antisémites précédemment tenus » (cf. §8 susmentionné). Il est même mentionné le fait que de tels propos furent également prononcés après la présentation de ses excuses ; les vidéos dans lesquelles celui-ci relaie lesdits propos sont par ailleurs restés présentes sur internet jusqu’à récemment sans même qu’il n’ait finalement recherché à en arrêter la diffusion auprès de son public. Enfin, en premier lieu, le Conseil d’Etat a pu retenir que l’ensemble de ces comportements relevés sont constitutifs d’actes de provocation explicite mais également de provocation délibérée à la discrimination ou à la haine : par voie de conséquence et en vertu des dispositions contenues au sein de l’article L. 631-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ceux-ci constituent la justification de son expulsion du territoire national (cf. §9 de la décision). Dans un second lieu, le juge des référés du Conseil d’Etat s’est intéressé à la question de la situation familiale du sieur Iquioussen. Ainsi, il a pu retenir que ses enfants sont maintenant majeurs et de nationalité française et ne dépendent plus financièrement de ce dernier. Il a également pu relever que son épouse, de nationalité marocaine et présente sur le territoire national de manière régulière, est en mesure de voyager en direction de son pays natal et peut rejoindre son époux si elle le décide. 
Par conséquent, la décision susmentionnée ne porte pas « une atteinte grave et manifestement illégale » à la vie privée et familiale de cet individu (cf. §13 de la décision). Pour clore, et du fait de l’ensemble des éléments ci-dessus mentionnés, le juge des référés du Conseil d’Etat, dans sa décision du 30 août 2022, a décidé d’annuler l’ordonnance prise par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, et a en parallèle rejeté le demande de suspension de l’expulsion du sieur Iquioussen. Ce dernier est, à l’heure où est publié cet article, introuvable et activement recherché par les forces de l’ordre.

Références

Conseil d’Etat, 30/08/22, Ministre de l’Intérieur c/ M. B., n° 466554

https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-juge-des-referes-du-conseil-d-etat-ne-suspend-pas-l-expulsion-de-m.-hassan-iquioussen

https://www.lepoint.fr/justice/le-conseil-d-etat-valide-l-expulsion-de-l-imam-iquioussen-30-08-2022-2487815_2386.php

https://www.leparisien.fr/faits-divers/le-conseil-detat-donne-son-feu-vert-a-lexpulsion-de-limam-iquioussen-annonce-darmanin-30-08-2022-FMWOJ4Y6JZG6TCLCZNJ6SKMUGY.php