Quelle était la question prioritaire posée au Conseil constitutionnel ?

Dans notre cas d'espèce, la QPC posée au Conseil constitutionnel intéressait les dispositions de l'article 710 du Code de procédure pénale (dont la rédaction découle de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire) et les dispositions de l'article 723-16 dudit code (dont la rédaction découle de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire). Plus spécifiquement et en d'autres termes, les dispositions de l'article 710 du Code de procédure pénale ouvrent le droit à un recours au regard des incidents contentieux inhérent à l'exécution des peines.

De manière plus exacte, le requérant considérait que l'interprétation desdites dispositions, telle qu'effectuée par la Cour de cassation, n'imposait pas de délai à la juridiction saisie afin de statuer sur sa contestation (pour rappel, la Cour de cassation considère que ces dispositions autorisent un individu condamné à une courte peine d'emprisonnement à contester la décision prise par le ministère public de mettre à exécution la peine dont il fait l'objet). Pour le requérant, l'absence d'un tel délai résulterait sur le fait que sa peine soit entièrement exécutée avant que la juridiction ne puisse se prononcer en effet. De ce fait, selon lui, cette situation découlerait sur une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.

Toutefois, dans cette décision du 18 novembre 2022, le Conseil constitutionnel a décidé de rejeter les arguments avancés par le requérant. Pourquoi a-t-il décidé ainsi ?

Une décision de conformité des dispositions contestées

Dans leur décision, les juges du Conseil constitutionnel ont expressément mentionné qu'il découle de la jurisprudence de la Cour de cassation que toute personne effectivement condamnée est en mesure de former un recours à l'encontre d'une décision du ministère public par la voie particulière de l'incident contentieux inhérent à l'exécution de la peine prévue par les dispositions en cause et qui sont contenues au sein de l'article 710 du Code de procédure pénale. Il est en outre rappelé que les dispositions en cause ne prévoient aucun délai que la juridiction saisie doit respecter pour rendre sa décision.

Tout d'abord, il est mentionné que la juridiction effectivement saisie ne peut statuer que sur la décision de mettre en exécution la peine d'emprisonnement prononcée de manière définitive par un tribunal correctionnel. Précision faite que la juridiction intervient pour statuer sur cette décision en urgence. Il est par ailleurs indiqué par le Conseil constitutionnel que pour le cas particulier où il n'existe aucun délai déterminé par la loi, alors il incombe à toute juridiction de veiller à statuer dans un délai raisonnable (cf. §11 de la décision).

Ensuite, les juges du Conseil constitutionnel rappellent explicitement que toute personne condamnée et dont la peine dont elle fait l'objet est effectivement mise à exécution est en mesure de saisir, à tout moment, le juge de l'application des peines de façon à ce que ce dernier intervienne pour effectuer un aménagement de la peine de la personne concernée. Le Conseil constitutionnel spécifie également le fait que le juge de l'application des peines est autorisé à se saisir d'office afin qu'il se détermine au regard de l'opportunité d'accorder la mesure susmentionnée, notamment si celui-ci est immédiatement tenu informé de la mise à exécution de la peine de l'individu condamné par le ministère public (cf. §12 de la décision).

D'où il suit que les dispositions critiquées par la partie requérante sont conformes à la Constitution. Toutefois, cette décision prête le flanc à la critique.

Les critiques pouvant être apportées contre cette décision

Il est intéressant de relever la notion de délai raisonnable telle que rappelée par le Conseil constitutionnel. Il convient de noter sous ce rapport qu'il n'existe pas, en droit français, de définition exacte de cette notion. Ensuite, il peut être souligné le fait qu'en pratique les juridictions françaises ne peuvent pas toujours répondre à cette exigence (cf. les manifestations contre la justice au rabais).

Il est également utile de se pencher sur l'office du juge de l'application des peines, tel que précisé par les juges du Conseil constitutionnel dans cette décision. En effet, il convient de rappeler que la procédure qui permet l'aménagement des peines est une voie d'individualisation de l'exécution ; cette procédure peut aussi revêtir la nature d'une voie de décarcéralisation, étant immédiatement précisée que seules quelques circonstances la permettent, mais elle ne saurait valablement revêtir la forme d'un recours contre la décision de mettre à exécution forcée la peine concernée. En vérité, il faut retenir ici que pour que le juge statue dans un délai raisonnable, il devrait statuer en dehors du débat contradictoire - cette possibilité peut être mise en oeuvre, mais uniquement avec l'accord du ministère public. Comment donc imaginer que le ministère public y fasse droit, et donc soit favorable à la mise en application d'une procédure d'aménagement de peine, alors même que celui-ci a actionné la prérogative découlant de l'article 723-16 du Code de procédure pénale (second article objet de cette QPC) ?

Notons en fin de compte que la décision de mise à exécution forcée de la peine, prise par le ministère public, peut faire l'objet d'une contestation au sens de l'article 710 susmentionné. Toutefois, ce recours demeure d'un point de vue procédural somme toute inopérant dans la pratique. Il serait alors nécessaire que les parlementaires français décident de se saisir de la question pour parfaire les règles en la matière.