Revenons en quelques mots sur cette affaire

Le 10 février 2023, Pierre Palmade, alors au volant de son véhicule, et sous l’emprise de la drogue, est impliqué dans un accident de la circulation. Le résultat est tragique : une femme enceinte de six mois perd son enfant. Plus exactement, ce dernier fut jugé pour blessures involontaires sous l’emprise de stupéfiants. Pourquoi a-t-il été jugé pour un tel chef ? En vérité, la justice a décidé de ne pas retenir la qualification d’homicide involontaire précisément parce que le fœtus, mort in utero, ne pouvait valablement être considéré par la loi française comme étant un individu. 



Les interrogations posées par cette qualification juridique

Si les faits de l’espèce ont été rappelés par la presse à l’occasion de l’ouverture du procès du comédien, la qualification juridique finalement retenue par la justice n’a pas manqué, également, de faire grand bruit. En effet, outre les trois personnes blessées par Pierre Palmade, l’accident a causé la mort d’un fœtus de six mois. En premier lieu, l’avocat des parties civiles s’est ému du renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, non pas pour homicide involontaire, mais pour blessures involontaires.

Selon lui, suite à une interview à la radio, quelques jours avant l’ouverture de ce procès, le fœtus « allait naitre, vivant et viable ». Et ce dernier d’ajouter et de déplorer qu’il existe « un lien de causalité direct » entre l’accident en question et la mort du fœtus, et finalement qu’aucune conséquence de nature juridique n’est tirée de ce constat. 

Une qualification qui se comprend néanmoins d’un point de vue juridique

S’il est vrai que les questions posées par ce choix peuvent se comprendre, il n’en demeure pas moins que le droit a été entièrement respecté dans le cadre de cette affaire par le juge d’instruction. 

En effet, il suffira de se reporter à la règle selon laquelle un homicide involontaire ne peut être commis qu’à l’encontre d’une personne vivante, plus exactement « la mort d’autrui » au sens de l’article 221-6 du Code pénal. En conséquence de quoi, il nous faut bien retenir que la victime d’une telle infraction doit être vivante lorsque celle-ci est en effet commise. 

Dans notre cas d’espèce, la question centrale a bien été celle de savoir si l’on pouvait qualifier le fœtus d’« autrui » conformément aux dispositions légales susmentionnées. La réponse apportée à cette question est cependant différente selon les cas. La jurisprudence considère en effet qu’une réponse unique ne saurait être apportée et que tout dépend finalement de l’instant où le fœtus est décédé. Il conviendra alors de s’intéresser à deux cas de figurer qu’il nous faut différencier.

Quid du décès d’un fœtus in utero ? Au sens de l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 29 juin 2001 (cf. n° de pourvoi :  99-85.973), il est nécessaire que la victime soit née vivante et ce, de manière indépendante du corps de la mère. Dans cette décision, plus exactement, il fut retenu par les juges de la Cour de cassation que le fœtus, qui est un enfant à naitre, ne saurait être considéré comme la victime d’un homicide involontaire.


Dans ce cas d’espèce, il s’agissait d’un individu qui conduisait un véhicule sous l’emprise de l’alcool. Son véhicule heurta le véhicule conduit par une femme, alors enceinte de six mois, et qui, suite à cet accident de la circulation, perdit sur le coup le fœtus. Le choix pris par les juges de la Cour de cassation se comprend aisément à l’aune des dispositions légales contenues au sein du Code pénal, et ces derniers interprétèrent de manière stricte son contenu : il ne peut être considéré comme une personne humaine et vivante un fœtus mort in utero. Cela implique donc que les juges rejetèrent la qualification d’homicide involontaire dans ce cas d’espèce, donc pour le cas d’un fœtus mort in utero

Cette décision de l’Assemblée plénière fut à plusieurs reprises contrecarrée par des décisions rendues par des tribunaux correctionnels, aussi dans les cas d’accidents de la circulation, mais connurent tous une censure de la part de la Cour de cassation. 

En fait, il faut bien garder à l’esprit qu’un fœtus mort-né ne saurait bénéficier d’une existence autonome et qu’en cette qualité, ou plutôt absence de qualité, il peut valablement et juridiquement être la victime d’un homicide involontaire. Plus précisément, seules les violences involontaires dont la femme enceinte est victime pourront juridiquement être poursuivies. 

A l’égard de l’affaire impliquant le comédien français, le fœtus n’aurait pas respiré. Ce constat est d’une importance capitale car dans l’arrêt susmentionné rendu par l’Assemblée plénière, il convient que le cœur de l’enfant bat à la naissance mais aussi qu’il respire. Si tel n’est pas le cas, il ne peut y avoir de telle qualification d’homicide à son égard. Même si l’enfant à naitre a fait l’objet d’une réanimation par les équipes médicales, suite à la césarienne, celui-ci était bien mort in utero. N’étant alors pas considéré comme la victime d’une infraction pénale, la qualification d’homicide involontaire n’aurait pu être décidée valablement.

Cependant, pour le cas où le fœtus avait effectivement respiré, après son extraction, la qualification juridique retenue peut être toute autre. La qualification d’homicide involontaire peut être retenue à l’encontre de l’auteur des faits : c’est ce qu’avait décidé la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans sa décision du 2 décembre 2023 (n° 03-82.344). Ici, il convient de noter que même pour le cas où l’enfant est né vivant, peu importe sa durée de vie, celui-ci sera au sens de la loi considéré comme « autrui » et partant, la qualification d’homicide involontaire sera retenue. 

Références

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/21/au-proces-de-pierre-palmade-condamne-a-cinq-ans-de-prison-dont-deux-ferme-le-recit-de-trente-cinq-ans-d-addictions-et-une-famille-brisee_6405996_3224.html

https://www.actu-juridique.fr/penal/proces-de-pierre-palmade-lenfer-de-la-drogue-face-au-cauchemar-des-victimes/#:~:text=Imprimer-,Proc%C3%A8s%20de%20Pierre%20Palmade%20%3A%20%C2%AB%20L%27enfer%20%C2%BB%20de%20la,face%20au%20%C2%AB%20cauchemar%20%C2%BB%20des%20victimes&text=Pierre%20Palmade%20a%20%C3%A9t%C3%A9%20condamn%C3%A9,Seine%2Det%2DMarne).

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007071215/

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007070233/