Le texte initial établissant l'état d'urgence date du 3 avril 1955 (n°55-385) ; il fut modifié par la loi du 21 juillet 2016 (n°2016-987). Initialement adopté dans le cadre de la guerre d'Algérie, l'état d'urgence constitue dans les faits une alternative à une autre situation d'exception prévue en droit français : l'état de siège, qui permet de gérer les crises graves.
En quoi consiste l'état d'urgence ?
Cette situation d'exception dispose d'une vocation temporaire et peut être appliquée partiellement du point de vue strictement géographique.
La question qui se pose tout d'abord est celle de savoir dans quelles mesures cette situation peut-elle être déclarée ? Deux hypothèses existent pour que l'état d'urgence trouve à s'appliquer : d'abord, en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ; ensuite, en cas d'évènements présentant au regard de leur nature et gravité le caractère de calamités publiques.
Les calamités publiques constituent une notion renvoyant à de grands risques involontaires, renvoyant à une autre notion : celle de sécurité civile. Cette situation exceptionnelle peut être mise en application de façon à favoriser les moyens de sécurité civile, notamment lorsqu'une catastrophe intervient en effet et peut tout à fait s'ajouter à celle-ci des atteintes graves à l'ordre public. D'où la nécessité de mettre en oeuvre l'état d'urgence.
En outre, à l'égard des atteintes portées à l'ordre public, il permet de prévenir des périls imminents qui dépassent les problématiques inhérentes au rétablissement de l'ordre. L'état d'urgence fut mis en application dans le cadre particulier de la lutte contre le terrorisme ; il doit cependant être instauré pour une période de douze jours avant d'être, éventuellement, prorogé.
Il faut savoir que la mise en oeuvre de l'état d'urgence étend de nombreux pouvoirs au profit du préfet de département, mais pas que.
Des dispositions étendant de nombreux pouvoirs
Ces pouvoirs sont étendus par rapport à ceux existant lorsque l'état d'urgence n'est pas mis en application. En effet, selon les dispositions contenues au sein de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 (n°55-385), modifiées par la décision n°2017-684 QPC du 11 janvier 2018, le préfet de département est autorisé à interdire la circulation des personnes ou bien des véhicules dans des lieux particuliers et à des heures prévues par arrêté, voire encore interdire le séjour de toutes personnes pouvant entraver l'action des pouvoirs publics, dans toute ou partie du département pour lequel il est compétent. Il s'agit, ici, d'une réelle logique préventive donnant alors à la police administrative l'ensemble des moyens permettant de prévenir tout risque qui affecterait la sécurité de la nation.
Il est également possible en vertu des dispositions de l'article 6 de cette même loi, article modifié par la loi n°2016-1767 du 19 décembre 2016 et par décision du 16 mars 2017, au Ministre de l'Intérieur d'assigner à résidence des individus qui ne sont pourtant pas soumis à une procédure judiciaire pour le cas particulier où leur activité pourrait être dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics. Il s'agit bien d'un pouvoir d'exception en ce que lorsque l'état d'urgence n'est pas appliqué, une telle décision est prise par le juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, lorsqu'une personne est mise en examen voire est condamnée à une peine inférieure à deux ans d'emprisonnement, et ce, dans une optique alternative à son emprisonnement.
L'article 8 de ladite loi, modifié par la loi n°2016-987 du 21 juillet 2016, prévoit la fermeture des lieux publics ou des lieux de culte si sont tenus "des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes".
Quid des perquisitions administratives ? Lors de l'application de l'état d'urgence, il est majoritairement question des perquisitions administratives lors des reportages télévisés. Celles-ci sont en réalité prévues par les dispositions de l'article 11 de la loi de 1955, modifiées par la loi n°2017-258 du 28 février 2017.
Celles-ci peuvent être effectuées en tout lieu, de jour comme de nuit, sauf eu égard aux lieux qui sont affectés d'un mandaté parlementaire ; avocats ; magistrats ; journalistes. Toutefois, il faut noter que ces perquisitions administratives ne sont fondées que pour le cas où il existe des raisons sérieuses concernant le fait qu'un individu fréquentant ces lieux constitue une menace pour la sécurité publique.
Dans le cadre de ces perquisitions, la question de l'accès aux données numériques fut posée. Le Conseil constitutionnel fut en effet saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité au regard des dispositions de cet article 11 et surtout de l'accès à des données informatiques.
Il faut savoir que lors d'une perquisition, pour le cas où un enquêteur penserait avoir trouvé des éléments qui permettraient de démontrer une menace, le juge administratif doit avoir été prévenu et avoir donné son accord pour que ces éléments soient exploités par la suite et ce, de façon à ce que la saisie ait effectivement lieu de manière régulière. En effet, trois hypothèses existent après une perquisition : d'abord, soit celle-ci ne donne rien ; ensuite, il se peut que des éléments soient trouvés et qu'ils soient en lien avec une menace et dans ce cas les informations effectivement recueillies serviront ; finalement, il se peut que des éléments, après exploitation, permettent de penser qu'une infraction fut ou sera commise. Dans un pareil cas, il y a ce que l'on appelle une judiciarisation : l'autorité administrative compétente va prévenir le Procureur de la République de l'ensemble des éléments dont elle dispose concernant la possibilité de prouver qu'une infraction fut commise ou est en préparation. Les éléments d'information seront ensuite transmises aux juridictions pénales et deviendront des pièces à conviction. Dans le cas contraire, il faut noter que les données saisies lors de ces perquisitions administratives seront détruites et le support perquisitionné sera remis à son propriétaire. On le voit ici, mais aussi dans les autres cas, le juge administratif devient le juge de droit commun de l'état d'urgence.