La possibilité d'organiser un référendum sur une telle matière
Nous devons débuter notre développement en précisant que les juges constitutionnels français ont eu l'occasion d'indiquer qu'un référendum sur l'immigration pouvait être mis en œuvre en France. Ils précisèrent cependant que ce référendum, s'il peut avoir lieu, doit intéresser des questions inhérentes à des prestations d'ordre social. Le Conseil constitutionnel n'a cependant pas jugé qu'il n'était pas possible de mettre en œuvre un référendum qui porterait sur d'autres thématiques inhérentes à l'immigration.
Ces premières constations font écho à la déclaration formulée par l'actuel ministre de la justice, Gérald Darmanin, alors interrogé par la chaîne LCI, le 12 janvier dernier. Il avait en effet, avec force et affirmation, considéré qu'il n'était pas possible de faire un tel référendum, aujourd'hui en France, au regard de l'immigration. Pour appuyer ses propos, celui-ci retient l'absence de toute mention de cette thématique au sein des dispositions de l'article 11 du texte constitutionnel suprême. À cela, néanmoins, nous devons souligner immédiatement le fait que la déclaration ainsi effectuée ne prend pas en considération les positions adoptées par les juges constitutionnels depuis peu.
L'article 11 de la Constitution et la possibilité de faire un référendum sur l'immigration
Il est maintenant utile de nous intéresser au contenu des dispositions insérées au sein de l'article 11 du texte constitutionnel suprême. En effet, ces mêmes dispositions contiennent une liste de thématiques pouvant utilement servir de base à l'organisation d'un référendum. Parmi ces thématiques, l'on retrouve ainsi différentes réformes inhérentes à « l'organisation des pouvoirs publics » ou bien encore des « réformes relatives à la politique économique, sociale (...) et aux services publics qui y concourent ». Il pourrait aussi valablement s'agir de « la ratification d'un traité [international qui] aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. » En bref, c'est indéniable, ce sont autant de thématiques parmi lesquels l'immigration ne figure en rien. Cependant il convient tout de suite de noter le fait que les membres du Conseil constitutionnel ont ouvert la porte à la possibilité de faire de cette thématique un domaine qui pourrait entrer dans le champ d'application de ces dispositions de l'article 11 de la Constitution.
L'article 11 de la Constitution et la thématique relative à l'immigration
Il nous est ici nécessaire de remonter au printemps dernier, en mars 2024, et rappeler que Les Républicains avaient procédé au dépôt d'une proposition de référendum d'initiative partagée concernant, précisément, des questions concernant l'immigration. Le Conseil constitutionnel avait, pour sa part été saisi de cette proposition de référendum. Par leur décision rendue le 11 avril 2024, (cf. Cons. const., 11/04/2024, n° 2024-6 RIP), les membres du Conseil constitutionnel l'avaient rejetées concernant spécifiquement des questions de fond. Toutefois, concernant la forme même d'un tel référendum, ces derniers avaient pu déclarer dans leur décision que la mise en œuvre d'un tel référendum, visant à ce que soit réformé l'accès aux prestations sociales des étrangers, entre bel et bien dans les dispositions de l'article 11 du texte constitutionnel, notamment en ce que la proposition relèverait de « la politique sociale de la nation ». De fait, ce référendum aurait pu être organisé du fait de sa thématique principale.
Nous devons immédiatement préciser que, conformément au sens et à la portée d'une telle décision, l'organisation de ce référendum est possible sur la question liée précisément aux prestations sociales dont des personnes étrangères seraient les bénéficiaires. A en suivre le raisonnement et la décision rendue par le Conseil constitutionnel, l'organisation d'un référendum sur l'immigration est tout à fait envisageable ; toutefois celui-ci devrait porter uniquement sur des dispositions inhérentes aux prestations sociales.
Qui plus est, retenons que les membres du Conseil constitutionnel ne se sont pas intéressés à d'autres mesures, à l'image du remplacement souhaité de l'AME (à savoir : l'aide médicale d'Etat) par ce qui aurait pris la forme d'une « aide médicale d'urgence ») ou bien encore exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice des réductions de tarifs des transports.
Ces mesures bien qu'elles ne soient pas incorporées au sein du champ d'application du référendum, cela ne signifie pas pour autant que celles-ci en sont exclues pour de bon. Les propos ainsi tenus par le ministre de la justice, lors de cette entretenue accordée à LCI en début de mois, doivent être critiqués à cet égard notamment lorsqu'il a déclaré avec ferveur qu'un référendum sur l'immigration n'était tout simplement pas possible en France compte tenu des règles constitutionnelles applicables.
Ce dernier est toutefois autorisé à proposer aussi bien au Président de la République qu'au Premier ministre l'organisation d'un référendum concernant la possibilité de réformer l'accès aux prestations sociales. Il pourrait en parallèle proposer d'y intégrer d'autres mesures inhérentes à l'implication, à charge pour lui de soumettre une telle proposition aux membres du Conseil constitutionnel pour validation préalable. Dans tous les cas, sous ce rapport, il nous faut finalement bien garder à l’esprit que même si la thématique de l’immigration pourrait faire l’objet d’un référendum, organisé à cet égard, il conviendra de même que les mesures ainsi proposées soient conformes au texte constitutionnel suprême, et donc que le fond de la réforme envisagée soit donc en conformité avec ce que prévoit la Constitution. L’on sait déjà que la suppression de l’asile ne serait aucunement envisageable.
Pour clore, contrairement aux affirmations de Gérald Darmanin, l’organisation d’un référendum sur l’immigration est tout à fait envisageable.
Références
https://www.tf1info.fr/player/76745ce9-e62b-4851-96e6-885fa5025577/
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241004
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2324_proposition-loi#
https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2024-6-rip-du-11-avril-2024-communique-de-presse