Ces derniers ont en effet accueilli favorablement le fait que leur pays participe au renforcement de cette agence. Toutefois ce vote favorable, nouvelle preuve de l’efficience du système de démocratie directe en vigueur de l’autre côté des Alpes, nous invite également à nous intéresser aux enjeux entourant ce renforcement de l’aide à Frontex. Qu’en est-il ? Décryptage.


Frontex : qu’est-ce que c’est ?

L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après Frontex) a pour première mission d’assister les Etats membres de l’Union européenne mais aussi de l’espace Schengen dans le cadre de la sécurisation de leurs frontières extérieures et en ce sens elle gère, entre autres, les flux migratoires. Créée en 2004, elle intervient en effet en assistant ces Etats même s’ils demeurent responsables de ce contrôle. C’est en 2015, conséquemment à la crise des migrants, que le Parlement européen vote en faveur d’un renforcement concret de cette agence, et, en 2019 fut actée la nécessité d’en augmenter le nombre de personnels qui y œuvrent.
Une réforme de cette agence est en effet en cours. En quoi consiste-t-elle ? Celle-ci prévoit de doter cette agence d’un corps européen permanent de dix mille agents (composés de garde-côtes mais aussi de garde-frontières) d’ici 2027, contre 1500 agents à ce jour. Frontex a été sous le feu des projecteurs à de nombreuses reprises maintenant et vivement critiquée puisque cette dernière est accusée par des organisations non gouvernementales de refoulements illégaux de migrants.
Cette réforme implique une augmentation du nombre de personnels mais également une augmentation de la participation financière de chacun des Etats membres. Plus spécifiquement et concernant la Suisse, il est prévu une augmentation du nombre de personnels helvétiques attribués à l’agence passant ainsi de 6 postes actuellement à près de 40, mais également une augmentation de la contribution financière annuelle du pays à hauteur de 58 millions d’euros.
C’est dans ce contexte qu’un comité, comprenant des organisations non gouvernementales d’aide aux migrants, notamment Migrant Solidarity Network, et divers partis de gauche, a décidé de mettre en mouvement un référendum afin de contrer le projet du Parlement et du gouvernement suisses. Notons à ce sujet que les critiques que ce comité apporte contre l’agence européenne visée résident principalement dans la violation des droits humains, et, l’envoi illégal des migrants aux frontières de l’Union européenne par des techniques dites de refoulement.
Concernant l’objet du référendum, le gouvernement suisse avait alerté sur le fait qu’en cas de refus de la part de la population électorale, celui-ci acterait la fin de la coopération entre la Suisse et les Etats appartenant à l’espace Schengen.


Un rapprochement de l’Union européenne acté par les citoyens suisses ?

Les résultats du référendum organisé le 15 mai 2022 ont démontré une volonté de la part des citoyens suisses de se rapprocher de l’Union européenne ou du moins d’affermir les rapports entretenus. En effet, les Suisses ont approuvé à près de 71,5% le financement de la réforme de l’agence européenne des frontières, Frontex. A cet égard, des représentants de la Commission européenne ont pu applaudir d’une certaine manière ce vote en considérant que celui-ci « réaffirme l’importance que les Suisses accordent [à] Frontex [ainsi qu’aux] avantages de la libre circulation et de la gestion des frontières. »
Il apparait cependant utile de souligner ici, malgré cette joie lisible parmi les représentants de la Commission européenne, que ce vote ne signifie en rien un changement d’avis de la part de la population suisse au regard de l’Union européenne. En effet pour Marie-France Roth Pasquier, députée au Conseil national suisse et pro-européenne, ce vote favorable s’explique plutôt par le fait qu’« une majorité de citoyens [suisses] soutiennent [la] sécurité » en jeu et qui dépend de Frontex.
Maintenant se pose la question de savoir quelles auraient été les conséquences si le résultat final de ce référendum avait été l’inverse ? Autrement dit, quelles auraient les conséquences pratiques pour la Suisse et ses citoyens ?


Les enjeux d’un vote défavorable au renforcement de Frontex

Dans l’hypothèse où le « non » l’avait emporté parmi la population électorale suisse, ce résultat aurait entrainé une véritable fragilisation, une déstabilisation des liens existant déjà entre la Confédération suisse et l’organisation internationale. Sous ce rapport, notons que ces derniers sont déjà relativement épineux et difficiles à la suite d’une décision des autorités suisses, il y a maintenant un an, d’arrêter des discussions qui étaient organisées afin de trouver un accord de nature institutionnelle entre cet Etat et l’Union européenne.
En outre, le « non » aurait pu entrainer une sortie pure et simple de l’espace Schengen comme l’avait rappelé et déploré le gouvernement suisse afin d’en avertir ses citoyens au regard des conséquences d’une telle décision pour leur pays mais aussi pour eux-mêmes. D’ailleurs à cet égard Karin Keller-Sutter, l’actuelle ministre de la Justice suisse, avait souligné que la coopération existante « est nécessaire, et elle est bénéfique pour la Suisse ». Il est ici immédiatement opportun de rappeler que même si la Confédération suisse ne fait pas partie de l’Union européenne, qu’elle n’en est pas un Etat membre et qu’a priori les choses devraient continuer à demeurer ainsi dans un futur certain, celle-ci participe toutefois à des travaux conjoints avec l’organisation internationale eu égard aux problématiques liées à l’immigration, l’asile et la sécurité, la Suisse faisant en effet partie intégrante de l’espace Schengen. Cet Etat participe par ailleurs, pour rappel, à Frontex depuis plus de dix ans maintenant.
Toute la problématique inhérente à la question posée lors de ce référendum a résidé, en quelque sorte, dans l’augmentation des moyens financiers attribués à l’agence européenne concernée et les conséquences financières qui en résultent nécessairement pour les contribuables suisses.  
Si un vote défavorable avait été décidé, le gouvernement suisse avait mis en garde sur les conséquences quotidiennes qu’il aurait engendrées. Ainsi, la population suisse aurait souffert de sévères restrictions de voyage, et, ce vote « [aurait entrainé] une augmentation des coûts dans toute l’économie » engendrant ainsi des pertes financières estimées à plusieurs milliards de francs suisses.


Références
https://www.rts.ch/info/suisse/13082755-un-solide-oui-aux-trois-objets-soumis-au-vote-dimanche-selon-la-premiere-estimation-ssr-le-suivi-en-direct.html
https://information.tv5monde.com/info/suisse-les-enjeux-du-vote-en-faveur-du-renforcement-de-l-aide-frontex-456462
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/15/frontex-netflix-dons-d-organe-les-electeurs-suisses-appeles-a-trancher-plusieurs-questions-par-referendums_6126224_3210.html
https://www.touteleurope.eu/institutions/qu-est-ce-que-l-agence-europeenne-de-garde-frontieres-et-de-garde-cotes-frontex/