Celle-ci fait suite à un rapport du Sénat qui l’accuse de ne pas avoir payé d’impôts en France et alors qu’il a participé à de nombreuses missions lors du quinquennat d’Emmanuel Macron. Qu’en est-il plus spécifiquement ?
Ouverture d’une enquête pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale »
C’est le 6 avril 2022 que le Parquet national financier a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire à l’égard du cabinet de conseil américain McKinsey et ses filiales opérationnelles en France. Celle-ci porte sur un « blanchiment aggravé de fraude fiscale » et fait suite à un rapport rédigé et publié par le Sénat, le 17 mars dernier, qui avait mis au jour le fait que le cabinet McKinsey n’avait en fait pas payé d’impôts sur les sociétés en France entre les années 2011 et 2020, malgré un chiffre d’affaires colossal de 329 millions d’euros pour l’année 2020.
Le cabinet de conseil a, en vérité, pu profiter d’un mécanisme permettant une optimisation fiscale « de prix de transfert », mécanisme auquel ont recours de nombreuses entreprises multinationales. Cette affaire a suscité de vives émois dans la classe politique française, notamment à l’approche du premier tour de l’élection présidentielle et alors que le cabinet de conseil concerné avait procédé à de nombreuses missions pour le Gouvernement français pendant les cinq ans d’exercice du candidat à sa réélection, Emmanuel Macron.
Cette enquête préliminaire a pu être déclenchée, selon Jean-François Bohnert, le procureur de la République financier, après que le Parquet national financier a été en mesure d’effectuer des recoupements et certaines vérifications eu égard aux révélations inscrites dans le rapport sénatorial, après des contrôles effectuées sur pièces et sur place à Bercy, au Ministère de l’Economie et des Finances. Elle fut remise aux mains du service d’enquêtes judiciaires des finances.
Une vive polémique dans la classe politique française
Avant que cette polémique n’éclate dans la presse française, il avait déjà été démontré que McKinsey France était installé au Delaware, aux Etats-Unis, véritable paradis fiscal américain pour les entreprises qui permet, outre l’absence de toute imposition à leur égard, une opacité financière remarquable.
Ce scandale a également écorné l’administration fiscale qui a été accusée d’inaction. Pour contrer ces accusations, Bercy a annoncé qu’un contrôle fiscal à l’encontre de ce cabinet de conseil avait été actionné dès novembre dernier, précisément alors que l’enquête sénatoriale débutait. Bruno Le Maire, le Ministre de l’Economie et des Finances, a même annoncé que le cabinet de conseil « paiera tous les impôts qu’il doit à la France ». Le Chef de l’Etat avait pour sa part considéré que les pratiques fiscales menées par McKinsey, bien que pouvant apparaitre choquantes, n’auraient pas d’aspect illégal. Contraindre des entreprises comme McKinsey ne se ferait pas « car ce ne sont pas les règles », avait-il même déclaré le mercredi 23 mars dernier sur M6 lors d’une interview. Qu’entendait-il par là ? En fait, obliger de telles sociétés à s’acquitter de l’impôt est difficile et s’insère dans ce qu’il a considéré comme « une bataille internationale », cette bataille devant in fine résulter sur le paiement d’un impôt minimal pour ces sociétés (c’est ce que prévoit le projet de taxation internationale qui trouverait à s’appliquer sur les grandes entreprises).
Qu’en dit le principal intéressé ? McKinsey n’a pas contesté les éléments d’informations publiés par le Sénat mais a tout de même réagi en précisant qu’il « [respecte] les règles fiscales françaises ». Pour se dédouaner, le cabinet a même poursuivi en énonçant qu’il avait payé des centaines de millions d’euros de charges sociales jusqu’à présent, procédant de la sorte à une malheureuse amalgame entre paiements des impôts sur les sociétés, et paiements des cotisations sociales. Enfin, le cabinet de conseil a fait savoir qu’il se tenait prêt à collaborer sans réserve avec les autorités si celles-ci effectuaient de plus amples demandes comme à « chaque fois [qu’il en] a fait l’objet (…), y compris sur les questions techniques de fiscalité », comme tel avait déjà été le cas lors des précédents contrôles effectués par l’administration fiscale française.
Vives critiques de l’opposition sur des liens de proximités forts
Alors que la campagne présidentielle était déjà en train de battre son plein, cette affaire qui a éclaté au grand a été l’occasion pour les opposants au Chef de l’Etat, candidat à sa réélection, de le critiquer vivement. Ce fut notamment le cas concernant les forts liens de proximité entre ce cabinet, certains de ses dirigeants et le gouvernement et plus précisément Emmanuel Macron.
Plus encore que ces liens de proximité, c’est véritable tout l’intérêt fiscal et pécuniaire que représente cette affaire qui a déclenché la furie des opposants au Chef de l’Etat. Le rapport du Sénat a estimé que le montant des missions commandées auprès de ces cabinets était de l’ordre d’un milliard d’euros rien que pour 2021. Le rapport s’inquiète également que ces cabinets ne prévalent éventuellement sur les fonctionnaires de l’Etat.
Au surplus, il peut être noté que le Gouvernement a fait appel à McKinsey concernant plusieurs sujets sensibles tout au long de la présidence d’Emmanuel Macron. On peut retenir notamment tout ce qui a entouré la campagne de vaccination contre la Covid-19, ou encore la réforme des retraites tant décriée.
Néanmoins il n’existe pour l’heure aucune enquête qui aurait pour mission principale de mettre au jour le rôle tenu par ce cabinet et par d’autres cabinets auxquels l’exécutif a fait appel, dans les décisions prises autour de ces sujets.
Pour parer ces critiques, le Gouvernement a d’abord garanti qu’aucune des réformes effectuées n’ont été décidées par aucun des cabinets de conseil missionnés, avant de préciser que dorénavant, outre une réduction des dépenses de conseil estimée à 15%, il sera publié chaque année une liste précise desdites prestations mandatées.
Références
https://www.bfmtv.com/police-justice/tout-comprendre-sur-quoi-porte-l-enquete-preliminaire-concernant-l-affaire-mc-kinsey_AN-202204060685.html
https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/04/06/affaire-mckinsey-le-parquet-national-financier-a-ouvert-une-enquete-preliminaire-pour-blanchiment-aggrave-de-fraude-fiscale_6120839_823448.html
https://www.20minutes.fr/politique/3266479-20220406-affaire-mckinsey-enquete-ouverte-depuis-31-mars-blanchiment-aggrave-fraude-fiscale-pnf
https://www.huffingtonpost.fr/entry/mckinsey-et-des-cabinets-de-conseil-prives-vises-par-une-enquete-du-pnf_fr_624d5f16e4b0587dee709283