La Cour de justice de la République : qu'est-ce que c'est ?

À titre liminaire, il convient de noter qu'il est nécessaire de placer les ministres sous une certaine protection contre de possibles manoeuvres de déstabilisation. C'est en ce sens que furent créés les articles 68-1 et 68-2 de la Constitution qui organisent en vérité une responsabilité pénale spécifique les concernant. Ces articles découlent de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993.

Ce qui est intéressant à relever réside dans le fait que tous les actes de la vie privée des ministres et par conséquent accomplis en dehors de l'exercice de leur fonction ne relèvent pas de la Cour de justice de la République : ainsi, pour ces actes, les ministres demeurent des justiciables ordinaires, dont les actes potentiellement répréhensibles relèvent de la justice ordinaire. En d'autres termes, seuls les crimes ou les délits commis dans le cadre de l'exercice des fonctions des ministres peuvent être connus de cette juridiction. Ces actes doivent, plus précisément, présenter un lien direct avec la conduite des affaires de l'État relevant de leurs attributions, de leurs fonctions.

Malgré une validation de la part du Conseil constitutionnel eu égard à ce privilège juridictionnel (cf. Cons. const., 22/01/1999, n°98-408 DC), et qui retient que les ministres ne peuvent être traduits que devant la Cour de justice de la République ou la Cour pénale internationale, concernant les actes accomplis dans l'exercice de leur fonction, cette juridiction fut régulièrement remise en cause.

Une juridiction remise en cause ?

À la suite de ce placement sous le statut de témoin assisté de l'ancien Premier ministre, un certain nombre de membres de la classe politique française se sont émus et ont émis des critiques à l'égard de ce qu'ils nomment une judiciarisation de la vie politique. En effet, membres de la majorité et membres de l'opposition semblent très critiques à l'encontre de la Cour de justice de la République. Ainsi, un conseiller de la majorité a pu déclarer en ces termes que la France est « le seul pays au monde où [les ministres sont mis] en cause judiciairement sur le Covid » avant d'ajouter que l'ancien Premier ministre avait fait « tout ce qu'il a pu face à cette crise inédite ! »

Possiblement, le symbole d'une justice à deux vitesses pour certains, l'ancien Chef de l'État, François Hollande, avait souhaité la suppression de la Cour de justice de la République. Ce dernier avait en effet souhaité que les ministres soient soumis à la justice ordinaire quel que soit l'acte commis par les ministres, et ce, au nom du principe d'égalité des citoyens. Cette promesse électorale fut vite oubliée de la part de l'ancien Président de la République.

Emmanuel Macron avait lui aussi désiré sa suppression en 2019, mais depuis cette date, aucune réforme concernant cette juridiction ne semble être sur le point d'éclore.

Toujours en fonction, la Cour de justice de la République a décidé de placer l'ancien Premier ministre sous le statut de témoin assisté. À quoi renvoie cette notion ?

 

Le statut de témoin assisté : qu'est-ce que c'est ?

Édouard Philippe fut entendu par la Commission d'instruction de la Cour, le 18 octobre dernier, à l'occasion d'une audition sur la gestion gouvernementale de la pandémie liée à la propagation de la Covid-19. Il fut entendu au regard des infractions de mise en danger de la vie d'autrui, mais aussi d'abstention volontaire de combattre un sinistre. Ce dernier conteste les faits qui lui sont reprochés. Les magistrats ont décidé de le placer sous le statut de témoin assisté. Le témoin assisté est, comme sa dénomination le précise, un témoin relevant d'une nature particulière, à l'occasion d'une affaire pénale.

Il s'agit plus exactement d'une catégorie singulière, placée entre le simple témoin et le mis en examen : dit autrement, il s'agit d'un individu qui est mis en cause lors d'une procédure judiciaire même si la commission d'une ou plusieurs infractions n'est pas directement reprochée à cet individu. En d'autres termes, il existe des indices qui laissent présager que l'individu concerné est de loin ou de près impliqué dans la commission d'une infraction, mais les preuves ne sont pas suffisantes pour le mettre en examen.

Ce fut un soulagement pour les proches d'Édouard Philippe qui échappe, pour l'heure, à la mise en examen. Si dans les jours à venir celui-ci n'est pas mis en examen, il ne sera pas entendu par la formation de jugement de la Cour de justice de la République. Au niveau procédural, seule cette formation est compétente afin de poursuivre et juger en effet les membres de l'équipe gouvernementale pour les infractions commises dans le cadre de l'exercice de leur fonction.

Ce placement fut rendu possible par de très nombreuses plaintes déposées notamment contre l'ancien Premier ministre (et contre d'autres ministres de son gouvernement qui prit fin à l'été 2020, dont Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, qui fut mise en examen, et Olivier Véran, ancien ministre de la Santé, devant être entendu prochainement par la Cour de justice de la République).

En réalité, les milliers de plaintes déposées à la Cour depuis le début de la pandémie furent filtrées par une commission des requêtes. Son rôle principal réside dans le triage des recours qui sont adressés par les justiciables français et qui s'estiment en effet lésés par la commission d'une infraction délictuelle ou criminelle, commise par un membre de l'équipe gouvernementale dans l'exercice de ses missions.

 

Sources : Vie publique, Le Parisien, Ooreka, Ministère de l'Intérieur