C’est dans ce cadre que la réunification familiale s’est imposée comme un principe nécessaire à protéger et à garantir, et qui fait aujourd’hui l’objet de complexité, en particulier dans le cadre des tensions en Afghanistan. Autrement dit, le droit à la réunification correspond à la possibilité pour une personne qui a été rapatriée en France du fait de la situation d’urgence dans son pays d’origine, d’y faire venir son conjoint ainsi que ses enfants mineurs afin de reconstituer leur lien familial. Si le droit d’asile et le droit de mener une vie de famille sont en principe garantis sur le sol français, la mise en pratique de ces droits juridiques est plus complexe, ce qui est notamment démontré actuellement au cours de la crise afghane, qui montre les failles de ces mécanismes.
Il convient d’abord d’étudier le droit d’asile et de réunification, avant de s’intéresser à la mise en pratique de ceux-ci, puis de leur application au cas d’espèce de l’Afghanistan.
I. Le droit d’asile, une liberté juridique essentielle
A. Le droit de la protection pour les réfugiés
Au fil de la pratique juridique, le droit d’asile est devenu un droit d’une importance cruciale, associé à une procédure spécifique qui offre diverses garanties aux sujets de droit international concernés. L’exercice du droit d’asile est ainsi réglementé, et se retrouve à diverses étapes, concernant non seulement la personne qui est rapatriée sur un autre territoire que le sien à l’origine, mais peut également s’étendre à sa famille restée dans le pays d’origine ; il s’agit alors de la politique de réunification familiale. Cette procédure concerne certaines catégories de personnes, à savoir les réfugiés ou les personnes sous protection subsidiaire en France, et encore les apatrides. Les autres personnes étant en asile en France sans bénéficier de ces statuts devront alors faire appel à une autre voie ; celle du droit au regroupement familial, quelque peu différent du premier. La procédure du droit d’asile, débouchant parfois sur celle de la réunification familiale, débute en principe par une demande de visa de longue durée réalisée par les personnes en question dans le pays de leur résidence, auprès de l’ambassade notamment, pour pouvoir être rattachées au pays d’exil. Pour répondre à cette exigence associée au droit de la réunification familiale, il faut que la famille de la personne se trouve hors du territoire français lorsque la protection est accordée à celle-ci, pour pouvoir exercer leur droit.
B. La pratique du droit à la réunification
Le droit de la réunification n’existe dans les textes que depuis 2015, mais existait auparavant sous la forme du rapprochement familial, procédure jugée moins aboutie au niveau juridique. Cette réglementation a posé de nouvelles conditions pour l’exercice du droit à la réunification familiale, telles que le fait que les liens familiaux soient constitués avant la demande d’asile, pour éviter les mariages ou autres unions réalisées uniquement en vue de bénéficier de cette protection à l’étranger. De plus, il faut que les membres de la famille soient déclarés à l’Ofpra. Le droit permet aux individus de faire venir leur conjoint, ainsi que leurs enfants mineurs en France, mais peut également s’exercer pour une personne mineure non mariée et réfugiée ou protégée sur le territoire français. Dans ce cas, la réunification concernera ses père et mère, ainsi que ses frères et soeurs mineurs non mariés. Outre les conditions et la pratique très réglementée du droit à la réunification familiale, il est possible pour les autorités en France de refuser la procédure, et d’exclure ce droit si une menace pèse sur l’ordre public du fait de la présence en France de ces individus. Ce droit n’est donc pas absolu et peut être remis en question, dans certains cas extrêmes.
II. Le cas de l’Afghanistan
A. Le caractère urgent de la réunification
Actuellement, la crise en cours en Afghanistan permet de témoigner de la procédure de la réunification familiale, montrant notamment ses failles face à l’urgence de la situation. En effet, la loi du 29 juillet 2015 relative au Code de l’entrée et du séjour des demandeurs d’asile est fortement sollicitée dans ce cadre. La crise en cours est due à la prise du pouvoir, ou plutôt à sa reconquête, par les Talibans, qui ont pris d’assaut certaines villes afghanes depuis le 15 août dernier, après de longues périodes de tensions loin d’être terminées. La majorité des visas demandés par les populations locales vis-à-vis de la France visent alors à la réunification, pour que les membres restant sur place puissent rejoindre leur famille en France, et l’administration assure prioriser sur ce plan les dossiers liés à la crise afghane. Ce droit est en revanche rendu d’autant plus complexe à exercer, du fait de la tension extrême de la situation, notamment par le blocage de l’accès aux aéroports par les Talibans dans certains lieux. De nombreuses personnes sont alors bloquées dans le pays, et y risquent leurs vies, de nombreuses exactions étant commises sur les familles du fait de la procédure de rapatriement que certaines ont mis en oeuvre. De nombreuses organisations oeuvrent alors activement pour demander l’intervention urgente de la France dans ce cadre.
B. D’importantes lacunes juridiques
La pratique de la réunification familiale, malgré les avancées récentes, reste un exercice laborieux, répondant à certaines problématiques telles que la difficulté d’établir un lien de filiation pour certaines familles. Le régime posé en 2015 permet une délimitation plus claire et des garanties procédurales plus certaines, mais le système est encore perçu comme lacunaire. De plus, de nombreux problèmes logistiques sont soulevés, comme la fermeture depuis 2017 du service des visas de l’ambassade de France à Kaboul. Le président E. Macron a annoncé le rapatriement de l’ensemble des ressortissants français, ainsi que des Afghans ayant travaillé pour la France, mais cela semble toujours insuffisant dans le cadre du regroupement des familles sur un territoire libre. En plus de l’absence de dispositifs concrets apparents, de nombreuses questions restent en suspens. Quatre Afghans ont récemment fait une demande auprès du Conseil d’Etat pour faire évacuer leurs familles bloquées dans leur pays d’origine, à laquelle le Conseil a répondu que les règles de réunification n’avaient pas à être adaptées malgré l’état d’urgence et que la prise en charge serait effectuée par les militaires français, ainsi que par un plan d’évacuation concret. Enfin, le Conseil ne s’estime pas compétent pour ordonner les rapatriements, ce qui laisse planer un doute quant à la garantie par la France du droit de la réunification familiale.
Sources : Service public, Ofpra, Blog de la Clinique juridique, Exilae