Quelques propos introductifs : qu’est-ce que le DSA ?
Il apparait utile, pour débuter notre développement, de souligner le fait que le compte personnel d’Elon Musk sur le réseau social, propriétaire de X depuis l’automne 2022, détient près de 193 millions d’abonnés. Face à ce nombre impressionnant mais aussi compte tenu du fait que le milliardaire est tout particulièrement connu pour ses très nombreuses missives provocatrices contre nombre de personnalités et de courants d’idées, mais enfin de son soutien sans faille au candidat à l’élection américaine de 2024, l’Union européenne a souhaité rappeler expressément la nécessité mais surtout l’obligation qui incombe à la plateforme dans la mesure où l’interview est aussi accessible aux internautes, utilisant le réseau social, au sein de l’Union européenne.
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Elon Musk a en effet été prévenu que l’Union européenne sera particulièrement vigilante à l’occasion de l’interview qui a eu lieu en milieu de semaine dernière entre le milliardaire et le candidat à l’élection présidentielle américaine au regard de possibles « violations du DSA » et que l’organisation internationale « [n’hésitera] pas à utiliser tous les outils (…) y compris des mesures temporaires » afin que soient protégés les citoyens européens (message de Thierry Breton, Commissaire européen au numérique, sur X). Ce message a dû être publié dans la mesure où les deux hommes sont connus pour leur propos et une certaine tendance à partager et propagé de fausses informations ou des contenus dangereux. Se faisant il a tenu a rappeler les obligations que sont celles du réseau X quant au DSA et au droit européen.
Se pose donc ici la question de savoir à quoi renvoie le DSA ?
En quelques mots, le règlement européen sur les services numériques, entré en vigueur en février dernier, recherche principalement à responsabiliser les plateformes en ligne contre des messages de haine ou encore de désinformation. Le règlement ambitionne surtout de protéger de manière optimale et efficace les internautes de l’Union européenne mais aussi leurs droits fondamentaux (par exemple, leur liberté d’expression) et celui-ci doit permettre le renforcement du contrôle, de la surveillance des plateformes en ligne, notamment les GAFAM.
Un rappel explicit des règles européennes devant être respectées par les plateformes
Par son courrier, Thierry Breton a souhaité rappeler de manière explicite l’ensemble des obligations qui incombent en effet au réseau social relativement à la toute nouvelle législation européenne en matière de services numériques, et donc par rapport au contenu du DSA. Plus spécifiquement, il a été rappelé que l’impératif de modération doit s’appliquer à l’intégralité des utilisateurs du réseau social, peu importe sa qualité, et donc également par son propriétaire. Face à ce rappel, la réponse du milliardaire ne s’est pas faite attendre : celui-ci a ainsi publié un meme d’une réplique insultante tirée du film Tonnerre sous les tropiques.
Cela étant constaté, il est également intéressant de relever la réponse de Linda Yaccarino, actuelle directrice générale de X Corp., qui s’est indignée sur le réseau social. En effet, cette dernière a considéré que ce rappel à la législation européenne ne constituerait rien moins d’autre qu’une « tentative sans précédent » d’imposer cette législation aux Etats-Unis alors même que cette interview ne concerne que « des activités politiques [américaines] ».
Le réseau social X dans le collimateur de l’Union européenne
Le règlement européen sur les services numériques a mis en place une obligation qui trouve à s’appliquer à l’ensemble des plates-formes en ligne : cette obligation réside spécifiquement dans l’instauration d’un système de signalement des contenus. Face à cette obligation, les plateformes sont contraintes d’agir « promptement » afin de soustraire l’ensemble des contenus illicites ou bien de faire que ces mêmes contenus soient inaccessibles par leurs utilisateurs lorsqu’est porté à leur connaissance un tel signalement.
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X n’est par voie de conséquence pas exempté de cette obligation. Toutefois, une précision importante s’impose à nous : à l’occasion du rachat de Twitter à l’automne 2022 par le milliardaire, celui-ci a désiré mettre en œuvre une politique de réduction de la force salariale de l’entreprise. Cela a donc considérablement impacté les équipes de modération…
Les réseaux sociaux font partie des terrains de jeu privilégiés des adeptes de la désinformation. Ce thème faisant partie des objectifs de mise en œuvre et d’application du règlement européen sur les services numériques, et compte tenu des obligations qui en découlent directement concernant la lutte contre cette propagation, l’Union européenne a, en fin d’année 2023, décidé de mettre en action une enquête à l’encontre du réseau social.
L’organisation internationale, sous le prisme de la Commission, avait par ailleurs considéré que les équipes de modération sont trop peu nombreuses en termes d’effectif pour être opérationnelles, et surtout que le système de signalement de la plateforme, s’il existe en effet, n’est pas ou peu efficace, afin que les contenues illicites puissent être portés à la connaissance de ces équipes. Face à cette ouverture d’enquête, X avait précisé que le réseau social est « engagé à respecter la règlementation » européenne en la matière.
Il est intéressant de noter que Thierry Breton s’était personnellement rendu aux Etats-Unis afin de rencontrer le propriétaire du réseau social et discuter avec lui des règles qui devront immanquablement être respectées par le réseau social au sein des Etats membres de l’Union européenne. Si la rencontre fut cordiale, il n’en reste pas moins que rapidement la relation entre les deux hommes s’est détériorée au gré de dialogues parfois houleux directement par plateformes interposées.
Finalement, Elon Musk a pu déclarer en ligne que l’Union européenne aurait souhaité mettre en place avec lui un « accord secret » ayant l’effet de « censurer des contenus sans le dire ». La réponse du commissaire au numérique ne s’était d’ailleurs pas faite attendre en ce que celui-ci avait déclaré qu’aucun accord secret ne sera conclu avec personne et en tout temps…