Le droit d’amendement : qu’est-ce que c’est ?
Ce sont l’article 44 de la Constitution mais aussi la loi organique et enfin les règlements des deux assemblées qui prévoient les conditions d’exercice de ce droit par le Gouvernement et les parlementaires, chaque amendement étant analysé successivement, débattu puis voté. Le droit d'amendement permet de modifier le texte examiné ou bien supprimer certaines dispositions. Ce droit est garanti constitutionnellement aux parlementaires et revêt une prérogative caractéristique de l’exercice de la fonction législative. Toutefois le constat est sans appel : il existe au Parlement un usage abusif de ce droit et celui-ci impacte négativement la procédure législative sur le plan temporel, mais aussi sur la cohérence et la compréhensibilité de certaines lois votées.
Toujours garanti, ce droit a néanmoins été réformé par les règlements intérieurs des assemblées et ce, sous le contrôle accru du Conseil constitutionnel, dont la mission est de le garantir tout en visant à en limiter les abus. Ainsi, en première lecture, il a décidé de sanctionner les amendements dépourvus de lien avec les dispositions qui figurent dans le texte initial (ce sont les « cavaliers législatifs »). Concernant les adjonctions ou modifications apportées suite à la première lecture, celles-ci « doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion », sauf exceptions tenant notamment aux amendements visant à garantir le respect de la Constitution ou encore corriger une erreur matérielle (cf. Cons. const., 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme, n°2005-532 DC, §26).
Néanmoins le droit d’amendement a continué d’être instrumentalisé notamment par l’opposition parlementaire dans le but d’obstruer, de ralentir, voire d’immobiliser la procédure législative. Pouvait s’ensuivre une véritable paralysie par plusieurs dizaines de milliers d’amendements devant tous être analysés et votés. Preuve en est, en 2006, près de 138,000 amendements furent déposés rien qu’à l’Assemblée nationale concernant le seul projet de loi relatif au secteur de l’énergie… Pour lutter contre cet exercice dévoyé de ce droit, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a permis de l’encadrer encore plus strictement avec, par exemple, l’élaboration d’une nouvelle irrecevabilité prévue à l’article 45 de la Constitution concernant les « cavaliers législatifs ».
Comment se déroule la séance ?
La discussion du texte en séance démarre avec la présentation générale du rapport de la commission qui a été saisie au fond. Suite à cette présentation peut survenir un incident de procédure. Par exemple, à l’Assemblée nationale, une motion de rejet préalable peut être déposée si le texte proposé apparait contraire à la Constitution par exemple. Si celle-ci est entérinée, le texte est rejeté. L’individu proposant cette motion dispose de 30 minutes pour la défendre, et, le Gouvernement et le rapporteur de la commission concernée peuvent intervenir également. Elle est ensuite soumise au vote de l’Assemblée.
En absence de tels incidents, ou si ces motions sont rejetées, alors intervient la discussion générale. A cette occasion, les parlementaires peuvent exprimer leurs sentiments sur le texte concerné. Or ici un nouvel incident de procédure peut intervenir : le renvoi en commission, lorsqu’est invoqué le fait que les parlementaires n’ont pas été suffisamment informés concernant le texte en discussion. Si cette motion est adoptée, le débat est ajourné jusqu’à ce que la commission présente un nouveau rapport.
Si un tel incident n’intervient pas, la discussion des articles est ouverte. Ici l’irrecevabilité de certains de ces articles ou amendements peut être soulevée (cf. article 40 de la Constitution sur l’irrecevabilité financière, ou article 41 sur l’irrecevabilité juridique). Chaque article est discuté successivement et par ordre chronologique, et amendement après amendement. La discussion des amendements peut faire intervenir leur auteur, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, un orateur contre celui-ci, ou encore le Gouvernement.
Néanmoins il faut noter qu’il existe 5 hypothèses pouvant se rencontrer ici et qui influencent le déroulement de cette discussion des articles et des amendements :
1/ Un article ou amendement peut être réservé et donc ils ne sont pas discutés dans l’ordre classique et sont reportés à la fin de la discussion. Cela est le cas lorsque l’adoption de l’article ou l’amendement est liée à l’adoption d’un autre article ou amendement dont la discussion intervient ultérieurement.
2/ Un article ou amendement peut être discuté par priorité, sur demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, ou sur décision du Président de l’assemblée concernée.
3/ Le Gouvernement peut demander à l’assemblée de se prononcer sur tout ou partie du texte par un seul vote, le tout en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par ce dernier. C’est le vote bloqué (cf. article 44, al. 3, de la Constitution).
4/ Le Premier ministre est en mesure d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le texte concerné (cf. article 49, al. 3, de la Constitution) mais cet usage est encadré et ne peut être effectué utilement qu’eu égard aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, et sur un seul autre texte, par session.
5/ Enfin, la Conférence des présidents est en mesure de fixer une durée maximale relativement à l’examen de l’ensemble du texte concerné, en prévoyant néanmoins un temps minimum attribué à chaque groupe. Cela est mis en place afin de respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire (cf. Cons. const., 25 juin 2009, Règlement de l’Assemblée nationale, n°2009-581 DC, §25) même si chaque groupe dispose d’un temps différent.
Lorsque la discussion et le vote des articles et amendements sont achevés, intervient le vote concernant l’ensemble du texte mis en discussion. Le texte peut être adopté ou rejeté par la première chambre qui en a été saisie, puis celui-ci est transmis à l’autre assemblée : c’est la navette parlementaire, dont il a été question dans un précédent article.
Références
Pauline Türk, Les Institutions de la Ve République, éd. Gualino, Paris, pp.138-149
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2006/2005532DC.htm
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2009/2009581DC.htm
https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-legislatives/la-procedure-legislative#:~:text=L'examen%20en%20premi%C3%A8re%20lecture%20d'un%20texte%20d%C3%A9pos%C3%A9%20devant,transmis%20%C3%A0%20l'autre%20assembl%C3%A9e.