Cette alliance fut créée en vue des législatives à venir afin de pouvoir remporter un maximum de sièges à l’Assemblée nationale et possiblement créer une cohabitation avec le Chef de l’Etat. Même si à l’heure où est publié cet article le programme définitif n’est pas encore connu avec certitude, il n’en demeure pas moins que la NUPES désire vivement mettre en œuvre une désobéissance à certaines règles issues du droit de l’Union européenne. En quoi consisterait cette désobéissance ?

Une volonté de rupture avec le droit européen

A l’occasion des différentes négociations organisées en vue de la création de la NUPES a été évoquée la volonté de désobéir à certaines dispositions du droit de l’Union européenne, telles qu’issues des traités. Cette volonté de désobéissance, de véritable rupture avec le droit européen s’explique, pour ses défenseurs, par la nécessité de recourir au droit interne afin de pouvoir mener des politiques sociales mais aussi écologiques beaucoup plus audacieuses.
Néanmoins cette partie du programme pourrait avoir de fâcheuses incidences pour la France dans la mesure où, en droit, la hiérarchie des normes telle que théorisée par Hans Kelsen, prévoit que certaines règles jugées hiérarchiquement supérieures s’imposent à d’autres règles. En droit européen, la règle est claire : le droit de l’Union européenne prime sur les droits internes des Etats membres.


Un programme contraire au droit de l’Union européenne ?

La France Insoumise, qui a permis de rassembler d’autres partis de gauche, avait fait de la désobéissance européenne une des conditions sine qua non de l’appartenance à cette nouvelle alliance. Elle avait par ailleurs rassuré en précisant que la méconnaissance de certaines règles européennes par la France n’entrainerait aucun blocage de la part de Bruxelles, tout en préservant les intérêts nationaux.
Toutefois force est de constater que la France ne serait pas le seul Etat membre à agir en infraction des règles issues des traités. Si la France décidait de ne pas le respecter, elle risquerait des sanctions d’ordre financier. Par ailleurs, la situation n’est pas inédite puisque chaque année plusieurs des 27 Etats membres enfreignent des règles européennes (pour la seule année 2020, 903 infractions au droit européen furent comptabilisées par la Commission européenne ; ce chiffre, bien qu’en baisse, n’est pas totalement révélateur puisque certaines infractions sont plus sérieuses que d’autres – certaines sont purement d’ordre administratif tandis que d’autres remettent en cause la vie démocratique et ses valeurs).  


Infractions au droit européen et ripostes de Bruxelles

Dès lors qu’un Etat membre enfreint le droit de l’Union européenne, celui-ci doit répondre de tels actes. Dans un souci de discussion ouverte avec l’Etat membre concerné, la Commission européenne, qui pour rappel représente et promeut l’intérêt général de l’Union européenne, enclenche un échange prenant la forme d’une riposte dont le degré de sériosité varie en fonction de la réponse apportée par ce même Etat. Ainsi tout d’abord, la Commission européenne rédige et envoie une lettre de mise en demeure au sein de laquelle celle-ci demande des informations concernant les infractions au droit européen constatées. La Commission laisse alors quelques semaines ou quelques mois à l’Etat membre destinataire pour lui répondre de manière approfondie. Pour le cas où la réponse apportée par l’Etat membre en cause n’apparait pas suffisante, la Commission européenne lui demandera de se conformer, formellement, au droit européen. Elle exigera également d’être tenue informée de toutes les mesures prises en vue de cet objectif, et, lui laisse pour ce faire quelques mois. Finalement, si l’Etat membre concerné ne collabore pas avec la Commission européenne, dans ce cas, celle-ci saisira la Cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière est en mesure de condamner l’Etat membre à différents types de sanctions pouvant être mises en œuvre jusqu’à ce que celui-ci décide finalement de se conformer au droit des traités européens.  
On voit donc bien que l’Union européenne dispose de certaines procédures afin d’assurer le respect de son droit et afin d’assurer que chaque Etat membre respecte bien ses engagements. Toutefois l’Union européenne ne dispose pas de la force nécessaire pour contraindre un Etat souverain à collaborer dans de tels cas. Sa seule ressource résiderait finalement dans le pouvoir de lui imposer, via la justice européenne, des sanctions d’ordre financier.
Sous ce rapport, il apparait intéressant de retenir que pour le cas où un gouvernement français décidait de s’affranchir des règles européennes et des engagements pris par la France vis-à-vis de l’Union européenne, la justice française aurait elle aussi son mot à dire. Et pour cause : la justice administrative nationale est en mesure de modifier, voire d’annuler décrets, ordonnances ou arrêtés pris par les autorités compétentes (gouvernement ou ministères français) dès lors que celle-ci est effectivement saisie. Nous voyons ici à nouveau une limite à ces règles : il faut que le juge administratif soit saisi par les justiciables français pour procéder à de telles modifications ou annulations. Néanmoins le juge administratif français pourrait toujours décider, lors de sa décision, de rappeler la hiérarchie des normes : le droit de l’Union européenne prime sur le droit national.


Une marge de manœuvre conséquente pour la France vis-à-vis de l’Union européenne ?

Bien évidemment, les sanctions européennes ou nationales en cas de violation des règles issues des traités européens sont possibles. Toutefois il faut ici noter que celles-ci ne sont pas systématiquement décidées et mises en œuvre. En effet chaque Etat membre, chaque gouvernement, est en mesure de justifier son comportement et ce pourquoi il a enfreint le droit européen, aussi bien sur le plan juridique que, plus étonnamment peut-être, sur le plan diplomatique.
Lorsque la NUPES souhaite remettre en cause des mesures afin de protéger l’environnement, par exemple, elle pourrait tout à fait justifier cela, si elle parvient au gouvernement, en mettant en avant un motif d’intérêt général. Dans ce cas particulier, ce dernier pourrait peut-être rendre la Commission européenne plus compréhensive concernant l’accord de dérogations au régime de libre-échange instauré par le droit européen.
Ce qui est très important à retenir réside dans le comportement du gouvernement concerné. En d’autres termes, il vaut mieux faire prévaloir un dialogue entre celui-ci et la Commission européenne qu’une pure rupture, qu’une désobéissance idéologique. Ce dialogue pourrait permettre de s’affranchir de poursuites devant la justice européenne.


Références
https://www.lexpress.fr/actualite/politique/melenchon-et-la-desobeissance-europeenne-cette-volonte-est-une-politique-a-courte-vue_2173023.html
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/05/10/qu-impliquerait-la-desobeissance-aux-regles-europeennes-promue-par-la-nupes_6125509_4355770.html
https://tnova.fr/democratie/politique-institutions/la-desobeissance-europeenne-objet-non-identifie-de-la-nouvelle-union-populaire-ecologique-et-sociale/