Le texte définitivement adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution de 1958 contient plusieurs volets dont les impacts en droit sont nombreux et d'importance inégale. Parmi les mesures phares de cette loi, l'on compte la redéfinition du motif économique, la primauté de l'accord d'entreprise, la règle de l'accord majoritaire en matière de négociation d'entreprise et l'alignement de la procédure d'inaptitude d'origine non professionnelle sur la procédure d'origine professionnelle.

Ces nouvelles dispositions de la loi travail sont-elles à déplorer ou faut-il s'en féliciter ? Vont-elles dans le sens d'une protection accrue du salarié dans l'entreprise ou permettent-elles à l'employeur d'avoir une meilleure marge de manoeuvre dans sa gestion du personnel ?



Le renversement de la hiérarchie des normes

Une commission a vocation dans un délai de 2 ans à refondre les dispositions législatives du Code du travail.

Il y a donc une réorganisation de chaque thème en trois parties : les dispositions d'ordre public qui s'imposent à toutes les entreprises, les champs ouverts à la négociation collective, et les dispositions supplétives. Les dispositions supplétives s'appliquent à défaut d'accord conclu et reprennent pour l'essentiel les anciennes dispositions du Code du travail. Pour la plupart de ces dispositions, le texte consacre la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche.

Les dispositions relatives au temps de travail

Le projet de loi permet aux accords d'entreprise de prévoir un taux de majoration des heures supplémentaires différent de celui prévu par la loi ou l'accord de branche dès lors que ce taux est au moins égal à 10 %.

Par ailleurs, un accord d'entreprise, lorsqu'un accord de branche le permet, ou un accord de branche peut prévoir que le décompte de la durée du travail est réalisé sur une période allant jusqu'à 3 ans (contre un actuellement). L'accord de branche ou d'entreprise fixe obligatoirement une limite hebdomadaire au-delà de laquelle les heures effectuées constitueront immédiatement des heures supplémentaires.

Pour les entreprises de moins de 50 salariés, la loi travail prévoit la possibilité de moduler le temps de travail sur 9 semaines (contre 4 actuellement) sans qu'il ne soit nécessaire de conclure un accord d'entreprise ou de branche.

La négociation d'entreprise : l'accord majoritaire devient la règle

L'accord d'entreprise pour être valable doit être conclu avec des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations syndicales représentatives lors des dernières élections professionnelles. Si les organisations syndicales représentatives ayant signé l'accord ne réunissent que 30 % des suffrages exprimés, la validité de l'accord est subordonnée à son approbation par les salariés entrant dans le champ de l'accord, recueillie dans le cadre d'un référendum. L'initiative appartient aux organisations syndicales représentatives signataires du texte.

Une nouvelle appréhension du licenciement pour motif économique

Le licenciement pour motif économique peut être motivé par des difficultés économiques, en raison « d'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou de tout autre élément de nature à justifier ces difficultés ». Ainsi, il sera aisé d'engager une procédure de licenciement pour motif économique dans les petites entreprises, une baisse saisonnière d'activité d'une année sur l'autre sera suffisante pour justifier des licenciements économiques. À l'inverse, ce sera plus difficile pour les entreprises de plus de 300 salariés. L'appréciation des difficultés économiques se fait au niveau du groupe tandis que la matérialité de la suppression de postes se fait au niveau de l'entreprise.

L'audience arrêtée pour la représentativité patronale

La loi travail a repris la formule de pondération issue d'un accord entre le MEDEF, la CGPME et l'UPA : les syndicats d'employeurs représentatifs seront ceux dont les entreprises adhérentes représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises.

L'alignement de la procédure d'inaptitude d'origine non professionnelle sur la procédure d'inaptitude professionnelle

La loi travail modifie la procédure d'inaptitude d'origine non professionnelle, en l'alignant sur celle prévue en cas d'inaptitude d'origine professionnelle. Désormais, lorsqu'un salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, trois nouvelles obligations sont à respecter avant de notifier un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. L'employeur doit prendre en compte l'avis du médecin avant de proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités. Le salarié peut bénéficier d'une formation pour qu'il soit apte à occuper son nouveau poste. Si l'employeur n'a aucune possibilité de reclasser le salarié, il doit l'en informer des motifs de cette impossibilité.

Cet alignement de la procédure d'inaptitude d'origine non professionnelle sur la procédure d'origine professionnelle est regrettable et est susceptible de dérives.

Les dispositions concernant le règlement intérieur

La consécration des agissements sexistes dans le règlement intérieur (article L. 1321-2 du Code du travail). La notion d'agissement sexiste est définie comme « tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Le principe de neutralité est lui aussi consacré dans le règlement intérieur. L'employeur peut restreindre la manifestation des convictions des salariés, mais celles-ci doivent être justifiées (nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise...).

La protection contre les discriminations, le harcèlement moral et sexuel

La preuve du harcèlement moral est facilitée. L'article L. 1154-1 du Code du travail relatif à la charge de la preuve en matière de harcèlement moral et sexuel est modifié. Ainsi, lorsque survient un litige au harcèlement moral (article L. 1152-1 à L.1152-3 du Code du travail) et sexuel (article L. 1153-1 à L. 1153-4 du Code du travail), le candidat doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Source : la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels


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