Contexte textuel

L'article 49 de la Constitution est constitué de 4 alinéas qui peuvent être distribués en deux rubriques :

- La mise en jeu de la responsabilité du gouvernement à l'initiative du gouvernement lui-même.
- La mise en jeu de la responsabilité du gouvernement à l'initiative des parlementaires.

C'est dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement à l'initiative du gouvernement lui-même que l'article 49-3 s'exerce. En effet, il énonce que « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ». Ainsi, à la lecture de cet article on peut se demander si ce mécanisme est suffisamment encadré par la Constitution et compatible avec l'idée de démocratie.

La mise en oeuvre de l'article 49-3

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, l'article 49-3 est relatif à l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte. En effet, le gouvernement dépose un texte juridique en même temps qu'il pose une question de confiance au Parlement, texte à l'adoption duquel il lie son propre maintien. Ainsi, si la majorité du Parlement exprime son soutien au gouvernement alors ce dernier se maintient et le texte est considéré comme automatiquement adopté. En revanche, si l'assemblée vote la défiance, le gouvernement est censuré et le texte est automatiquement rejeté.

Le gouvernement met donc en jeu son maintien, et ce, le plus souvent, pour voir adopter un texte qui est controversé et dont le gouvernement n'est pas certain de réunir la majorité au Parlement pour le faire adopter. En effet, ce mécanisme permet d'éluder le vote du Parlement. Au lieu de voter le texte de loi, les parlementaires doivent adopter une motion de censure, motion de censure qui est le seul moyen pour voir ce texte rejeté. À défaut, le texte est adopté.

Dans l'actualité juridique récente, nous avons pu voir un des exemples les plus criants d'application de ce fameux article 49 alinéa 3. En effet, la loi El Khomri modifiant le droit du travail étant tellement controversée, tant dans l'opinion publique qu'auprès des députés, que le gouvernement a décidé de recourir à l'article 49-3 de la Constitution pour voir ce texte adopté. Il est d'ailleurs fort probable que sans le recours à ce fameux article, la désormais célèbre Loi travail n'aurait pas été adoptée. Comme nous le verrons par la suite, les motions de censure n'aboutissant quasiment jamais (pour ne pas dire jamais), le gouvernement sait qu'il ne risque rien et que la loi sera adoptée.

Ce mécanisme est-il suffisamment encadré par la Constitution et compatible avec l'idée de démocratie ?

L'une des compétences principales du Parlement est celle de contrôle de l'action du gouvernement, compétence qui, en France, est reconnue au Parlement à l'article 49 de la Constitution et qui lui permet d'engager la responsabilité du gouvernement.

Cependant, au sein de cet article 49 se trouve ce fameux alinéa 3 ; cet article se révèle être l'arme la plus brutale à la disposition du gouvernement pour rationaliser le parlementarisme puisqu'en effet, grâce à cet outil, le gouvernement peut décider d'engager sa responsabilité sur un texte de loi qu'il souhaitera voir adopter. Le Parlement a donc un choix : soit le texte est voté, soit le gouvernement est censuré. Le non-vote du texte entraînant la censure du gouvernement, cela force le Parlement à prendre ses responsabilités.

Pour simplifier, le gouvernement indique au Parlement que le texte sera considéré comme adopté sauf si ce dernier vote une motion de censure contre lui, et ce, dans les 24 heures. L'on peut aisément dire que cette procédure est l'arme suprême du parlementarisme rationalisé, puisque cela permet de faire passer un texte sans vote.

En outre, les conditions de recevabilité d'une motion de censure sont extrêmement strictes. En effet, il faut qu'au moins 1/10 des députés signent cette motion de censure. Par ailleurs, une fois que la discussion est engagée sur cette motion, il devient impossible de la retirer et de faire marche arrière, il faut absolument aller au bout de la procédure.

Concernant le vote de cette motion, seuls les députés favorables à celle-ci participent au scrutin et il faut la majorité absolue de ces derniers. Tous les députés qui s'abstiennent lors du vote sont considérés comme soutenant le gouvernement. Une restriction supplémentaire est apportée à la capacité des parlementaires puisqu'un député ne peut pas signer plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et pas plus d'une au cours d'une session extraordinaire. Les conditions sont telles qu'il n'y a eu qu'une seule motion de censure qui a été votée sous la Vème République. C'était le 5 octobre 1962 contre le gouvernement Pompidou.

Dès lors, l'on est en droit de s'interroger sur le caractère véritablement démocratique de cette procédure. L'adoption d'un texte par le gouvernement sans vote du Parlement n'est pas la caractéristique primaire d'un régime démocratique. En effet, à l'inverse du Parlement, le gouvernement, lui, n'est pas directement élu par les citoyens français.

Il faut néanmoins prendre en compte les raisons ayant conduit à l'adoption d'un tel mécanisme et les évolutions qu'il a pu connaître.
Cette mesure avait été prévue pour éviter au gouvernement d'être évincé des débats sur un texte dont l'adoption l'intéressait particulièrement. Par l'utilisation de l'article 49-3, le texte est considéré comme approuvé sauf s'il y a une motion de censure adoptée à la majorité absolue des membres qui composent l'assemblée.

En outre, historiquement, cette procédure n'a été que très peu utilisée dans les débuts de la Vème République, mais de plus en plus par la suite. En effet, l'article 49 alinéa 3 servant principalement dans deux circonstances :

- pour discipliner la majorité du gouvernement à l'assemblée. C'est souvent ce que font tous les gouvernements qui ont une majorité étroite à l'assemblée.
- ce mécanisme est également utile pour mettre fin à l'obstruction de l'opposition. En effet, l'opposition craignant l'élection (et par extension l'éventualité de ne pas se faire réélire) cela explique que, dans les faits, l'opposition ne vote pas fréquemment de motion de censure.

Néanmoins, si aux débuts de la Vème République, le mécanisme de l'article 49-3 n'était que très peu utilisé il a, par la suite, fait l'objet de nombreux abus puisque le gouvernement savait qu'il n'avait que très peu de chance d'être renversé et c'est pourquoi, depuis la révision constitutionnelle de 2008 et à la suite d'un débat parlementaire intense dont l'objectif a été d'apporter des garanties plus fortes dans l'utilisation de cet article, le déclenchement de l'article 49-3 est limité à 3 possibilités.

En effet, on a voulu limiter l'utilisation de cet article dont l'objectif était de court-circuiter l'Assemblée nationale. C'est donc pourquoi, aujourd'hui, cet article ne peut plus être utilisé par le gouvernement que « sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale » et « pour un autre projet ou une proposition de loi par session ».


Pour conclure, il faut retenir qu'il y a une restriction dans l'usage depuis 2008 puisque l'utilisation de ce mécanisme est limitée à certains projets. Cette restriction permet d'encadrer l'utilisation de cet article et d'en éviter les abus même si, à chaque fois qu'il est et sera utilisé, la question de son utilisation dans le cadre d'un régime démocratique sera posée, question qui sera légitime car l'utilisation de cet article n'aboutit jamais à la démission du gouvernement du fait du succès d'une motion de censure.


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