- Une fonction de ministre délégué chargé du budget
- Les révélations de Mediapart
- Les réactions de l'intéressé et le soutien de l'exécutif
- De la validation de l'enregistrement à la démission
- L'aveu de Jérôme Cahuzac
- Les conséquences politiques
- De quoi Jérôme Cahuzac est-il accusé ?
- Le délit de blanchiment de fraude fiscale
- Mais alors pourquoi la justice a-t-elle ouvert une enquête pour blanchiment de fraude fiscale et non pas de fraude fiscale ?
- Quelles sanctions Jérôme Cahuzac encourt-il ?
Jérôme Cahuzac, au moment du déclenchement de l'affaire en décembre 2012, était ministre délégué chargé du budget, c'est-à-dire qu'il était membre du gouvernement dont Jean-Marc Ayrault était le premier ministre et Pierre Moscovici, alors ministre de l'Économie, était son supérieur hiérarchique.
À ce moment là, Jérôme Cahuzac était en charge de la fonction budgétaire et comptable de l'État. Dès lors, il semble logique qu'un membre du gouvernement français, d'autant plus quand il est en charge du budget et a fortiori de lutter contre la fraude fiscale, respecte les règles et principes qu'il est en charge de défendre.
En décembre 2012, le site Mediapart publie un article intitulé « Le compte suisse du ministre du budget » dans lequel il accuse Jérôme Cahuzac d'avoir possédé « pendant de longues années et jusqu'en 2010 » un compte au sein de la banque suisse UBS, à Genève, qu'il n'a jamais déclaré au fisc. Ce compte aurait par la suite été vidé et l'argent qu'il contenait placé dans une banque singapourienne.
Le ministre dément immédiatement les informations du site qu'il qualifie de « diffamatoires ». Il promet de porter plainte et accuse le site de ne pas avoir produit le moindre document prouvant ses dires. Jérôme Cahuzac va ainsi camper sur son déni et clamer à plusieurs reprises son innocence, y compris devant les députés à l'Assemblée nationale. Le ministre reçoit ainsi le soutien de l'Élysée, du Premier ministre de l'époque Jean-Marc Ayrault et des ministres du gouvernement, tout l'exécutif fait bloc derrière Jérôme Cahuzac et le soutien pendant cette période où ce dernier nie avoir possédé un compte à l'étranger.
La justice parvient à établir scientifiquement que la voix de l'enregistrement que Mediapart a produit à titre de preuves à l'appui de ses révélations est sans doute celle de monsieur Cahuzac, une version affirmée par plusieurs témoins qui ont écouté l'enregistrement.
Le jour de l'ouverture d'une information judiciaire, le 19 mars 2013, le président de la République François Hollande annonce le départ de son ministre du gouvernement. Bien qu'ayant démissionné, Jérôme Cahuzac continue d'affirmer son innocence.
Il reconnaît finalement les faits le 2 avril 2013 devant les juges d'instruction. Il est alors mis en examen pour blanchiment d'argent provenant de fraude fiscale. Il a alors indiqué aux juges qu'il avait bien possédé un compte en Suisse, transféré à Singapour, et dans lequel se trouvent environ 600 000 euros.
Les aveux de Jérôme Cahuzac lui attirent de très nombreuses critiques, notamment du président François Hollande, qui parle d'« impardonnable faute morale », et de Jean-Marc Ayrault, qui l'appelle à « ne plus exercer de responsabilités politiques », alors qu'il pourrait automatiquement retrouver son mandat de député un mois après son départ du gouvernement. L'accusé finira également par renoncer à son mandat de député. En effet, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone a reçu le 18 avril sa lettre de démission de son mandat de député. Le 17 mai, Pierre Moscovici indique que Jérome Cahuzac a choisi de garder ses indemnités de ministre, ce qui est légal, mais contraire à ce que lui a demandé le Premier ministre. Se pose alors un problème moral qui n'a, semble-t-il, pas dérangé Jérôme Cahuzac. Il serait donc, à cet égard, utile de légiférer sur cette question pour qu'à l'avenir une telle chose ne se reproduise plus. En effet, il est extrêmement discutable qu'un homme politique qui a menti et bafoué tant les valeurs de la République, les Français que les valeurs morales incombant aux hommes politiques, et encore plus celles inhérentes à la fonction de ministre délégué chargé du budget, puisse bénéficier des indemnités de ministre alors qu'il est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale.
En outre, et comme annoncé par Harlem Désir le 3 avril, Premier secrétaire du Parti socialiste, Jérome Cahuzac est exclu sur décision du bureau national du Parti socialiste le 9 avril 2013.
C'est donc la fin du parcours politique pour l'ex-ministre et un coup dur pour la gauche et le gouvernement qui avaient choisi de suivre M. Cahuzac dans ses dénégations.
Jérôme Cahuzac est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale.
Il convient maintenant de s'attarder sur l'infraction de blanchiment de fraude fiscale et d'expliquer ce que recouvre cette infraction et les conséquences juridiques de cette qualification.
Le délit de blanchiment de fraude fiscale se caractérise en deux temps : la fraude fiscale puis le blanchiment.
- Lorsqu'une personne choisit délibérément de ne pas déclarer une partie de ses revenus au fisc, il s'agit d'une fraude fiscale.
- L'article 324-1 du Code pénal énonce que « le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ».
Le blanchiment de fraude fiscale consiste donc à réinjecter l'argent de ses revenus non déclarés dans le circuit économique tout en évitant de payer des impôts dessus. À cet égard, Jérôme Cahuzac aurait placé son argent non déclaré en Suisse, puis à Singapour, dans le but de s'acheter un appartement, appartement qu'il dit avoir financé grâce à un prêt bancaire de ses parents. Ces faits, s'ils sont avérés, rentreraient donc bien dans la qualification de blanchiment de fraude fiscale.
Mediapart accusait Jérôme Cahuzac d'avoir soustrait son argent au fisc français, il semblait donc plus logique que l'enquête ouverte contre lui soit une enquête pour fraude fiscale et non pas de blanchiment de fraude fiscale.
Mais le choix du parquet de Paris est en réalité une manoeuvre habile. En effet, en France, c'est la commission des infractions fiscales, placée sous la tutelle du ministère du Budget qui engage des poursuites lors de soupçons de fraudes fiscales. Jérôme Cahuzac étant ministre du budget, il existe un conflit d'intérêts. Le motif de blanchiment de fraude fiscale permet, lui, de contourner cela et de donner toute liberté à la justice d'enquêter. Il y a également un autre avantage : le délai de prescription. En effet, le délai de prescription pour un blanchiment de fraude fiscale est de trois ans et ne commence à courir qu'à partir de la révélation des faits si ceux-ci ont été dissimulés. Une disposition qui n'existe pas dans le cas d'une fraude fiscale et qui pourrait suffire à couvrir Jérôme Cahuzac puisque la prescription aurait très certainement été atteinte au moment de l'ouverture de l'enquête. En effet selon Mediapart, Jérôme Cahuzac aurait clos son compte bancaire en 2010.
Si les faits avancés par Mediapart sont démontrés à l'issue de l'enquête, Jérôme Cahuzac risque une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 5 ans et 375 000 euros d'amende, des peines qui sont prévues par le Code pénal à l'article 324-1. Des circonstances aggravantes peuvent être retenues si le blanchiment est commis « de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ». Dans ce cas de figure, le contrevenant risque jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende (article 324-2 du Code pénal). Dans l'affaire Cahuzac, selon un témoin auditionné pendant l'enquête préliminaire de police, les sommes versées sur son compte à l'étranger pourraient provenir de laboratoires pharmaceutiques pour lesquels il travaillait en tant que consultant dans les années 1990 après un passage au ministère de la Santé. Selon l'avocat de l'ex-ministre, la majeure partie de ces sommes proviennent de son activité précédente de chirurgien esthétique.
Sources : Le Monde, Libération, Médiapart
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