Quel était l’objet de ces deux questions prioritaires de constitutionnalité
Les deux questions prioritaires de constitutionnalité, l’une transmise par le Conseil d’Etat, l’autre par la Cour de cassation, conformément aux dispositions contenues au sein de l’article 61-1 de la Constitution, intéressaient deux nouvelles dispositions insérées dans les articles 56-1 et 56-1-2 du Code de procédure pénale, telles qu’elles sont issues de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Les parties demanderesses contestaient plus spécifiquement la conformité de ces dispositions au regard des droits et des libertés garantis par le texte suprême. Ces deux questions ne sont cependant pas inédites ; en effet, d’autres questions du même ordre avaient déjà été posées aux sages du Conseil constitutionnel sans toutefois aboutir à la reconnaissance d’une non-conformité, comme tel est bien le cas dans le cadre de notre étude.Les articles 56-1 et 56-1-2 du Code de procédure pénale au cœur de ces deux QPC
Il convient en premier lieu de noter que ces dispositions critiquées sont issues d’un article de la loi susmentionnée et qui prévoit que le respect du secret professionnel de la défense et du conseil (le secret professionnel de l’avocat) se voit garanti dans le cadre de la procédure pénale dans les conditions qui sont explicitement prévues par le Code de procédure pénale. L’article en question modifie également les dispositions contenues au sein des articles 56-1 et 56-1-2 dudit code.Ces deux dispositions, entrées en vigueur le 1er mars 2022, prévoient, pour le premier, l’ensemble des conditions dans lesquelles il est possible de procéder à une perquisition dans un cabinet d’avocat ou bien une perquisition à son domicile privé, de même que l’ensemble des modalités précisant la saisie des documents ou objets qui s’y trouvent par les acteurs compétents. En effet il revient au magistrat dit « perquisitionneur » de s’assurer que les investigations qui sont effectuées à l’occasion de la procédure ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et à ce qu’aucun élément inhérent à l’exercice du droit de la défense, document alors couvert par le secret professionnel, ne soit saisi ni placé sous scellé. Il est finalement indiqué dans ces dispositions que la présence du bâtonnier est exigée dans la mesure où la possibilité de contester la régularité de la procédure lui revient expressément devant le juge des libertés et de la détention.
Le second article prévoit, quant à lui, que le secret professionnel de l’avocat ne peut être opposable aux mesures d’enquête mais aussi aux mesures d’instruction dès l’instant où celles-ci sont inhérentes à certaines infractions (listées dans ces mêmes dispositions). Une exception est par conséquent instaurée par cet article.
Les griefs portés contre ces dispositions
Dans la première QPC, les requérants demandaient au Conseil constitutionnel de reconnaitre explicitement la valeur constitutionnelle du secret professionnel du conseil. En outre, ces derniers critiquaient le fait que le texte permet en effet de saisir un document alors que ce dernier est couvert par le secret professionnel pour le cas particulier où celui-ci n’intéresse pas directement l’exercice des droits de la défense ; ils critiquaient par ailleurs la règle selon laquelle ce secret ne pourrait pas être utilement opposé lors de la saisie de certains documents, peu importe qu’ils relèvent ou pas de cet exercice.Dans la seconde QPC, les requérants reprochaient aux dispositions de l’article 56-1 susmentionné d’attribuer au seul juge des libertés et de la détention la compétence pour connaitre d’une contestation relative à la saisie d’un document ou d’un objet à l’occasion d’une perquisition. Pour ces derniers, cette règle ne respecte pas le principe d’impartialité des juridictions car la perquisition se doit, pour être valide procéduralement, d’être autorisée par le juge des libertés et de la détention si celle-ci intervient sur demande de l’administration fiscale (ce fut le cas en l’espèce).
Qu’a donc décidé le Conseil constitutionnel ?
Dans leurs deux décisions du 27 janvier dernier, les juges du Conseil constitutionnel ont jugé qu’il n’était pas opportun d’accorder une valeur constitutionnelle au profit du secret professionnel de l’avocat. Ils fondent juridiquement leur décision par le constat suivant : il n’existe pas de disposition de nature constitutionnelle qui prévoit ce droit au secret des échanges et des correspondances des avocats.De plus, pour eux, les dispositions de l’article 56-1 du Code de procédure pénale permettent de procéder à une conciliation primordiale et « équilibrée » entre deux règles : l’objectif de valeur constitutionnel de recherche des auteurs d’infractions d’une part, le droit au respect de la vie privée et le droit au respect des correspondances, visant alors le bloc de constitutionnalité.
Ils considèrent par ailleurs que les dispositions contenues à l’article 56-1-2 du même code sont en conformité avec la norme suprême. En effet, ils rappellent qu’au nombre des documents en effet couverts par ce secret professionnel figurent certains documents qui peuvent être l’objet principal d’une saisie. Cela explicité, ils soulignent le fait que ces derniers doivent avoir été utilisés à l’effet de commettre ou bien encore de faciliter la commission d’une infraction (les infractions en cause sont listées par ces mêmes dispositions). Le bâtonnier bénéficie aussi, sous ce rapport, d’un rôle conséquent en ce qu’il est autorisé à s’opposer à la saisie des documents, conformément au contenu du Code de procédure pénale.
Enfin, le Conseil constitutionnel retient l’absence de toute violation, de toute méconnaissance au principe d’impartialité. Il souligne cependant une réserve à ce sujet. Effectivement, poursuit-il, conformément aux dispositions de l’article 56-1 précité, il relève du juge des libertés et de la détention de statuer sur tout type de contestation conséquente à une perquisition par la délivrance d’une ordonnance devant être motivée. Cependant le Conseil constitutionnel ajoute que ce juge, qui est intervenu dans un premier temps à l’effet d’autoriser une perquisition, ne saurait valablement être celui qui serait amené à se prononcer sur une contestation des saisies effectuées lors d’une perquisition.
Références
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20221030QPC.htmhttps://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20221031QPC.htm#:~:text=%C2%AB%20La%20d%C3%A9cision%20du%20juge%20des,la%20chambre%20de%20l%27instruction.
https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/85487-qpc-visite-et-saisie-en-matiere-fiscale-au-cabinet-ou-au-domicile-d-un-avocat-3.html
https://www.juritravail.com/Actualite/le-conseil-constitutionnel-a-tranche-sur-le-secret-professionnel-des-avocats/Id/376355