Dans cette décision rendue le 29 décembre 2022 (décision n° 2022-847 DC), le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de la loi de finances pour 2023. Après avoir écarté certains griefs portés à l’encontre de la procédure d’adoption de cette loi, ce dernier a décidé de la censure de sept cavaliers budgétaires. Décryptage.
Qu’est-ce qu’un cavalier budgétaire ?
Parler de « cavalier » en droit revient à s’intéresser à toutes les dispositions effectivement incluses dans un projet ou bien dans une proposition de loi, et qui n’ont pas leur place dans le texte concerné, au regard des règles de nature constitutionnelle ou organique et qui déterminent l’ensemble de la procédure législative.
Plus spécifiquement le cavalier budgétaire constitue une disposition insérée au sein d’une loi de finances. Sa présence est d’ailleurs strictement prohibée non seulement par les dispositions de l’article 34 de la Constitution, mais également par le premier article de la loi organique relative aux lois de finances.
Les griefs apportés à l’encontre de la procédure législative
En l’espèce, le Conseil constitutionnel avait été saisi par deux recours provenant de groupes parlementaires, conformément aux règles constitutionnelles en la matière. Les griefs apportés devant le Conseil constitutionnel résidaient, sous ce rapport, dans l’énième utilisation du mécanisme inclus au sein de l’article 49, al. 3, de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a dû se pencher sur la question des griefs apportés contre l’utilisation de cet article non pas sur le vote de l’intégralité du projet de loi porté par le Gouvernement mais bien sur certaines parties de ce dernier, aussi bien en première qu’en nouvelle lectures, face aux députés.
Dans sa décision rendue le 29 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a répondu aux sollicitations des députés en reprenant des termes similaires à ceux qu’il avait utilisés lors de sa décision rendue quelques jours auparavant, le 22 décembre. En effet, après avoir procédé au rappel des règles présentes au sein de l’article 49, al. 3, de la Constitution, celui-ci a bien rappelé que selon une jurisprudence constante de sa part, le fait pour tout Premier ministre d’user de ces dispositions n’est soumis à aucune autre condition que celles se trouvant dans cet alinéa.
Le juge constitutionnel a également cité les dispositions de l’article 42 de la loi organique relative aux lois de finances, du 1er août 2001. Cet article prévoit, dans les grandes lignes, que la discussion de la seconde partie de la loi de finances de l’année, qui intéresse expressément les dépenses, est subordonnée à l’adoption de la première partie de ladite loi, elle-même expressément inhérente aux ressources ainsi qu’aux données générales de l’équilibre budgétaire.
D’où il s’ensuit pour les juges constitutionnels que le fait que la Première ministre ait engagé la responsabilité du Gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 49, al. 3, de la Constitution, d’abord sur le vote de la première partie de la loi de finances, puis sur le vote de la seconde partie de ladite loi, ne méconnait ni les dispositions précitées, ni celles incluses dans l’article 42 susmentionné.
Quid du grief tiré de la sincérité de la loi de finances ?
Chacun des recours ainsi formés contestait également la sincérité de la loi de finances pour 2023.
Pour connaitre de ce grief, le Conseil constitutionnel a explicitement rappelé les dispositions de l’article 32 de la loi organique du 1er aout 2001. Ce faisant, les juges constitutionnels ont pu considérer qu’il découle de ces dispositions que la sincérité de la loi de finances s’entend d’une absence d’intention de fausser les grandes lignes que cette loi précise.
Sous ce rapport, le Conseil constitutionnel a décidé d’y répondre en deux temps. Tout d’abord, il retient que le projet de loi de finances pour 2023 a été élaboré sur la base de prévisions de croissance du produit intérieur brut français estimé à 1% ; une augmentation des prix à la consommation de 4,2% ; et enfin une progression de la masse salariale privée de l’ordre de 5%. Il retient, de surcroit, que le Haut conseil des finances publiques considère que la prévision de croissance pour l’année à venir est « un peu élevée », même si les prévisions inhérentes à l’augmentation des prix à la consommation ainsi qu’à la masse salariale privée sont pour leur part « plausibles ». De la sorte, le Conseil constitutionnel en conclut, pour cette première partie, que compte tenu des éléments qui lui ont été soumis, outre l’avis du Haut conseil des finances publiques, des prévisions de croissance du PIB français par diverses institutions, rien ne permet d’indiquer que les hypothèses économiques, sur le fondement desquelles la loi en question se base, sont en effet entachées d’une intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre de ladite loi.
Ensuite, le Conseil constitutionnel retient que le Gouvernement pourra, au cours de l’année à venir, soumettre aux parlementaires français l’ensemble des ajustements nécessaires afin de pallier toute évolution des charges ainsi que des ressources qui pourraient modifier, in fine, ces grandes lignes. Ces ajustements, poursuivent les juges du Conseil constitutionnel, seront insérés dans un projet de loi de finances rectificative, projet de loi soumis au vote des parlementaires.
D’où il s’ensuit la conclusion du Conseil constitutionnel de ne pas retenir les critiques qui ont été formulées au regard de l’insincérité de la loi de finances pour 2023.
Les cavaliers budgétaires insérés dans cette loi
Le Conseil constitutionnel a, en l’espèce, également procédé à l’examen de certaines dispositions considérées comme des cavaliers budgétaires, et donc des dispositions hors de propos dans une loi de finances.
Véritable motif de procédure à l’origine de nombre de censures dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ici par exemple, ce dernier a décidé d’expurger le texte de l’article 98 de la loi en cause et qui habilitait expressément le Gouvernement à pouvoir prendre, par voie d’ordonnance, l’ensemble des mesures relevant du domaine de l’article 34 de la Constitution, et donc du domaine de la loi, afin que soit modifié l’article 60 du Code des douanes. Cette mesure aurait permis de spécifier, sur l’intégralité du territoire douanier, le cadre inhérent à la conduite de certaines opérations. Ces dispositions bien qu’abrogées par les juges constitutionnels depuis la décision n°2022-1010 QPC du 22 septembre dernier, demeurent applicables jusqu’au 1er septembre 2023.
Références
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022847DC.htm
https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2022-847-dc-du-29-decembre-2022-communique-de-presse
https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/pdf/Conseil/cavaliers.pdf
https://www.vie-publique.fr/loi/286445-loi-de-finances-2023-plf-budget-2023