Souvenez-vous cette note avait fait la une de la presse en ce qu’elle interdit le port de certaines tenues dans les écoles, les collèges ainsi que les lycées publics. Qu’en est-il plus précisément ? Décryptage.
Propos introductifs sur cette décision
Souvenez-vous, cette note prohibait le port de certaines tenues, notamment l’abaya et le qamis, et avait donné lieu à deux ordonnances du Conseil d’Etat, les 7 et 23 septembre 2023 (cf. CE, référé-liberté, 07/09/2023, n° 487891, et, CE, référé-suspension, 25/09/2023, n° 487896 et 487975).
Dans ces ordonnances, il fut non seulement jugé que la note ne portait pas atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, mais également qu’aucun doute sérieux sur la légalité de l’interdiction en cause n’existait en vérité. Dans notre décision ici commentée, le Conseil d’Etat est intervenu pour confirmer cette interdiction.
- L'évolution du port de signes religieux dans l'espace public
- Fin au contrat d'association avec le lycée privé musulman Averroès de Lille
En outre, il apparait intéressant de revenir en quelques mots sur le principe de laïcité dans l’enseignement public. Au sens de l’article L. 111-1 du Code de l’éducation, la laïcité est un principe fondamental du droit de l’éducation. D’abord appliquée aux programmes et aux enseignants (cf. par exemple CE, 10/05/1912, Abbé Bouteyre), toute la question de l’application de la laïcité aux élèves s’est ensuite posée, à compter des années 1980, plus spécifiquement au sein de l’école et concernant le port de signes ou bien de tenues de nature religieuse et de leurs comportements.
En effet, à défaut de texte existant concernant le port du voile au collège, le Conseil d’Etat avait été saisi d’un avis à ce sujet : dans celui-ci, rendu le 27 novembre 1989, il avait notamment été retenu que le port de signes religieux n’était pas incompatible avec le principe de laïcité en ce qu’il relève de la liberté d’expression (cf. avis n° 346893). Le Conseil d’Etat eut à connaitre de nouveaux cas d’espèce et rendit des décisions afin de savoir si le port de certains signes de cette nature devait ou non être considéré comme ostentatoire ou encore revendicatif (cf., par exemple, CE, 02/11/1992, n° 130394).
Sur le fondement de ces avis, des circulaires des ministres de l’éducation nationale qui se sont succédés furent prises ; cependant du fait d’une absence de règles équivoques, et à la demande nombreux acteurs du secteur, la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 fut adoptée. Cette loi permit l’introduction de l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation nationale qui prohiba finalement « le port de signes ou tenues (…) [qui manifestent] ostensiblement une appartenance religieuse. » Il convient de noter que c’est le caractère ostentatoire que ces dispositions visent : ainsi, le port de signes considérés comme discrets et non ostensibles, demeure possible pour les élèves.
Il convient de noter que la différenciation entre l’ostensible et l’ostentatoire n’est pas aisée. Les parlementaires ont néanmoins souhaité interdire les signes visibles, c’est-à-dire les signes qui sont délibérément brandis afin d’insister sur sa propre appartenance religieuse, ou, au moins à rechercher l’imposer à autrui.
Qu’en est-il de l’abaya ou bien du qamis ?
De nouvelles tenues ont fait leur apparition dans les collèges ou les lycées publiques français : l’abaya et le qamis. Toutefois la question a donc été de savoir si celles-ci constituent ou non des signes religieux ostentatoires ?
A la lecture de la note de service du 31 août 2023, il ressort qu’en application des dispositions de l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation, le port de telles tenues, manifestant de manière ostentatoire l’appartenance à une religion, « ne peut y être toléré » et que si l’élève refuse de renoncer à le porter, suite à un dialogue avec ce dernier, il est obligatoire qu’une procédure disciplinaire soit mise en œuvre.
Dans l’ordonnance du 24 septembre dernier, ici reportée, le Conseil d’Etat s’est intéressé à l’interdiction du port de ces tenues, et celui-ci retint que leur port, au sein du milieu scolaire, revêt la nature d’un signe de manifestation ostensible d’une appartenance religieuse. Toujours selon lui, si les élèves sont libres de choisir les vêtements qu’ils portent, conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et qu’une telle interdiction constitue une restriction de cette liberté pour être vue comme étant une ingérence dans l’exercice de leur droit au respect de leur vie privée, il n’en reste pas moins que cette interdiction poursuit un but légitime, à savoir la protection des droits et des libertés fondamentales d’autrui, outre la protection du principe constitutionnellement garanti de laïcité.
Le Conseil d’Etat relève également que les dispositions attaquées ne prohibent pas l’ensemble des signes religieux dans les établissements précités : seulement ceux ostensiblement manifestés. Il ressort en outre de la note attaquée qu’une procédure de dialogue doit être mise en place en première intention : ce n’est qu’en cas de refus de l’élève en cause de ne plus porter une telle tenue qu’une procédure disciplinaire doit être mise en mouvement et ce, de manière obligatoire. Une mesure d’exclusion sera alors décidée à son encontre. Ces informations sont également reprises au sein de l’article R. 421-10 du Code de l’éducation, dispositions modifiées par le décret n° 2023-782 du 19 août 2023 relatif au respect des principes de la République ; la note précise, sous ce rapport, que les incidents ayant eu lieu concernant le port de l’abaya et du qamis « [entrent] pleinement dans cette catégorie et[doivent] être sanctionné[s] disciplinairement. »
De la sorte, l’expression des convictions religieuses par les élèves au sein des établissements publics susmentionnés est strictement encadrée, l’école au sens large du terme devant permettre à chaque élève le respect de la laïcité.