Comme nous l’avions déjà évoqué dans un précédent article, la décision du Conseil constitutionnel rendue le vendredi 14 avril 2023 était très attendue.
En fin de compte, même si politiquement la solution trouvée par le Gouvernement se comprend puisqu’il s’agissait de faire adopter la réforme, le résultat juridique contraint à poser le constat suivant : la forme que revêt cette nouvelle loi réside dans une loi de financement de la Sécurité Sociale en dépit de l’absence de toute prévision de nature financière inhérents aux comptes particuliers de la Sécurité Sociale…
Aussi, cette réforme validée n’a qu’une vision à court terme dans la mesure où le report progressif de l’âge légal pour prétendre à une retraite pleine, et donc concomitamment l’augmentation de la durée de cotisation pour les travailleurs français, auront des conséquences financières bien au-delà de l’objectif clairement affiché par le Gouvernement, c’est-à-dire satisfaire un équilibre financier d’ici 2032. A la vérité, le fait d’avoir acté le report de l’âge légal ne constitue pas la réponse unique à des problématiques aussi diverses et variées dans la pratique mais aussi et surtout au financement de ce système (parmi ces problématiques nous pouvons relever entre autres : comment garantir que cet allongement ne se fera pas au détriment de la situation des femmes qui connaissent, pour une grande majorité, des interruptions de carrière ? Aussi, comment s’assurer que cet allongement ne résultera pas sur des pensions de retraites moindres ?).
Le fait d’avoir emprunté la voie d’un tel projet de loi est déplorable en ce que la réforme des retraites appelle à répondre à d’autres questions que le « simple financement » comme des questions d’emploi, de pénibilité ou bien des questions de nature sociale ; en tout état de cause, ce type projet de loi ne permet pas de s’y intéresser. A la vérité, les dispositions qui s’y intéressaient quelque peu, même si elles n’y avaient pas leur place, ont toutes été invalidées par la décision du Conseil constitutionnel. Ce texte, adopté sans vote suite à l’usage de l’outil prévu à l’article 49, al. 3, du texte constitutionnel suprême, ne semble pas à la hauteur des enjeux qu’il représente pourtant. Une chose est sûre, le Chef de l’Etat n’entend pas retirer ce texte qu’il a d’ailleurs promulgué dans les heures qui suivirent la publication de cette décision. Du côté de l’opinion publique, deux camps se divisent : les résignés, et ceux qui souhaitent poursuivre le combat…
Références
Cons. const., 14 avril 2024, n° 2023/849 DC https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-849-dc-du-14-avril-2023-communique-de-presse
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047445077?isSuggest=true
https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/direct-reforme-des-retraites-la-decision-du-conseil-constitutionnel-attendue-en-fin-de-journee_5770394.html
La forme adoptée pour faire passer cette réforme des retraites
Dans les paragraphes 3 à 12 de cette décision tant attendue, et si décriée et critiquée depuis, le Conseil constitutionnel a présenté l’ensemble de ses arguments pour considérer le choix effectué par le législateur d’user d’une loi de financement de la Sécurité Sociale. Selon lui, le fait d’user d’une telle loi ne constitue pas une entorse aux règles constitutionnelles puisque le texte qu’il a été amené à examiner comprend toutes les dispositions requises. Il ajoute cependant que même si la procédure d’adoption de cette loi a entièrement respecté les règles issues de la Constitution, il n’en demeure pas moins que celle-ci résulte sur un ensemble de procédures utilisées qui « [revêt] un caractère inhabituel » (cf. §70 de la décision). Selon les Sages, en fin de compte, cette combinaison procédurale inhabituelle n’a pas eu effet et pour résultat de rendre le cheminement législatif de cette réforme contraire au texte constitutionnel. De ce fait la procédure législative, qui a entouré ce texte fortement critiqué par une grande partie de la population mais surtout par bon nombre d’observateurs aguerris, est conforme aux exigences posées par la Constitution. En d’autres termes, il s’agit de considérer le fait que le législateur n’aurait fait qu’user des procédures et règles de nature constitutionnelle à sa disposition, voilà tout.Quid du fond de cette réforme ?
Au regard de la mesure la plus emblématique contenue au sein de cette réforme, à savoir : le recul de l’âge légal pour pouvoir prétendre à la retraite, ce choix final porté par le Gouvernement n’ignore aucune exigence de nature constitutionnelle (pas même le Préambule de la Constitution qui, en son alinéa 11, prévoit le droit à une protection au bénéfice des travailleurs âgés). Pour le Conseil constitutionnel, le législateur français dispose d’une liberté totale eu égard au choix « [des] modalités concrètes qui lui paraissent appropriées » (cf. §91 de la décision). Autrement dit, il peut réformer l’ensemble des dispositifs en vigueur et ce, en respect des règles constitutionnelles qui lui sont supérieures, ce dernier disposant de l’opportunité en la matière.D’autres dispositions toutefois écartées
D’autres dispositions ne connurent toutefois pas le même sort. Ainsi, il ressort de cette décision que six dispositions furent écartées en ce qu’elles revêtent la nature de cavaliers sociaux, notion dont nous avions fait écho lors d’un précédent article. Ils furent écartés dans la mesure où ces derniers n’ont aucune incidence directe au regard du budget de la Sécurité Sociale. L’on peut comprendre ce choix par les Sages du fait de leur jurisprudence constante en la matière, ces derniers refusant de substituer leur appréciation à l’égard de choix étant avant toute chose de nature politique.Un choix politique et juridique critiquable
En vérité, ce choix effectué par le Gouvernement de recourir au régime juridique des lois de financement de la Sécurité sociale, tel que défini par les dispositions de l’article 47-1 du texte constitutionnel, doit être relevé. D’abord, il s’agit de la toute première fois que ce régime est utilisé en pareil cas. Ensuite, le calendrier entourant la procédure d’adoption peut être modulable de telle façon qu’il est restreint dans le temps. Enfin, information importante, ce régime permet l’utilisation des dispositions de l’article 49, al. 3, de la Constitution afin que les dispositions de ces projets de loi soient adoptées en cas de difficulté.En fin de compte, même si politiquement la solution trouvée par le Gouvernement se comprend puisqu’il s’agissait de faire adopter la réforme, le résultat juridique contraint à poser le constat suivant : la forme que revêt cette nouvelle loi réside dans une loi de financement de la Sécurité Sociale en dépit de l’absence de toute prévision de nature financière inhérents aux comptes particuliers de la Sécurité Sociale…
Aussi, cette réforme validée n’a qu’une vision à court terme dans la mesure où le report progressif de l’âge légal pour prétendre à une retraite pleine, et donc concomitamment l’augmentation de la durée de cotisation pour les travailleurs français, auront des conséquences financières bien au-delà de l’objectif clairement affiché par le Gouvernement, c’est-à-dire satisfaire un équilibre financier d’ici 2032. A la vérité, le fait d’avoir acté le report de l’âge légal ne constitue pas la réponse unique à des problématiques aussi diverses et variées dans la pratique mais aussi et surtout au financement de ce système (parmi ces problématiques nous pouvons relever entre autres : comment garantir que cet allongement ne se fera pas au détriment de la situation des femmes qui connaissent, pour une grande majorité, des interruptions de carrière ? Aussi, comment s’assurer que cet allongement ne résultera pas sur des pensions de retraites moindres ?).
Le fait d’avoir emprunté la voie d’un tel projet de loi est déplorable en ce que la réforme des retraites appelle à répondre à d’autres questions que le « simple financement » comme des questions d’emploi, de pénibilité ou bien des questions de nature sociale ; en tout état de cause, ce type projet de loi ne permet pas de s’y intéresser. A la vérité, les dispositions qui s’y intéressaient quelque peu, même si elles n’y avaient pas leur place, ont toutes été invalidées par la décision du Conseil constitutionnel. Ce texte, adopté sans vote suite à l’usage de l’outil prévu à l’article 49, al. 3, du texte constitutionnel suprême, ne semble pas à la hauteur des enjeux qu’il représente pourtant. Une chose est sûre, le Chef de l’Etat n’entend pas retirer ce texte qu’il a d’ailleurs promulgué dans les heures qui suivirent la publication de cette décision. Du côté de l’opinion publique, deux camps se divisent : les résignés, et ceux qui souhaitent poursuivre le combat…
Références
Cons. const., 14 avril 2024, n° 2023/849 DC https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-849-dc-du-14-avril-2023-communique-de-presse
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047445077?isSuggest=true
https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/direct-reforme-des-retraites-la-decision-du-conseil-constitutionnel-attendue-en-fin-de-journee_5770394.html