L’article L.2141-2 du Code de la santé publique prévoit les nouvelles règles relatives à l’accès à l’assistance médicale à la procréation. Les hommes seuls ou vivants avec un autre homme en sont exclus. Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité émanant du Conseil d’Etat, a considéré que ces dispositions législatives sont conformes à la Constitution. Pourquoi en a-t-il décidé ainsi ? Décryptage.

La procédure et la question prioritaire de constitutionnalité posée au Conseil constitutionnel

Les juges de l’aile Montpensier du Palais-Royal furent saisis d’une question par le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (connu sous le sigle, GIAPS) eu égard à la conformité des dispositions de l’article L.2141-2 du Code de la santé publique par rapport aux droits et aux libertés que la Constitution garantit. Plus exactement, cette question prioritaire de constitutionnalité fut transmise par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel, le 16 mai dernier, concernant les dispositions susmentionnées et telles qu’elles résultent de leur rédaction de la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (cf. en ce sens, CE, 1e-4e chambres réunies, 12/05/22, n°459000). 

Que prévoient ces dispositions législatives ? Elles contiennent les règles suivantes : l’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples composés d’une femme et d’un homme, de deux femmes, mais aussi au bénéfice des femmes non mariées. De ce fait, sont écartés de l’accès à cette assistance les hommes seuls ou les couples composés de deux hommes. Plus précisément encore, ces dispositions législatives privent les personnes, nées femmes et inscrites en tant que telles à l’état civil, mais qui ont par la suite obtenu la modification de la mention relative à leur sexe sur leur état civil, et qui ont conservé leurs capacités gestationnelles.  

Ces dispositions ont été vivement critiquées. Selon les arguments apportés par l’association requérante, le GIAPS, les dispositions législatives contenues au sein de l’article L.2141-2 du Code de la santé publique créent une différence de traitement injustifiée dans la mesure où l’ouverture à l’assistance médicale à la procréation ne s’applique pas aux hommes seuls ou en vivant en couple avec un autre homme, même si ces derniers sont en effet en mesure de mener une grossesse. Plus précisément encore, cette différence de traitement injustifiée, pour l’association requérante, est effectuée alors que ces personnes disposent des mêmes capacités gestationnelles, et en vertu de la mention de leur sexe effectivement inscrite sur leur état civil. Pour cette association, ces règles sont à la fois contraires au principe d’égalité devant la loi mais aussi contraires au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. 

La décision du Conseil constitutionnel 

Dans cette décision n°2022-1003 QPC du 8 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a contrôlé les dispositions législatives, objet de la question prioritaire de constitutionnalité. Ce dernier a en effet jugé que les dispositions contenues au sein de l’article susmentionné, et qui excluent les hommes seuls ou vivants avec un autre homme, sont effectivement conformes aux droits et aux libertés contenus dans la Constitution et que celle-ci protège. 

De manière classique, dans cette décision QPC, le Conseil constitutionnel a explicitement rappelé que le législateur français est en mesure d’adopter des dispositions nouvelles dans l’arsenal législatif français dès lors qu’il statut dans son domaine de compétence. Il rappelle ainsi que le législateur français est en mesure d’apprécier l’opportunité de telles dispositions nouvelles mais ne doit pas, dans l’exercice même de ce pouvoir que la Constitution lui attribue, « [priver] de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. » Le Conseil constitutionnel rappelle également que les dispositions constitutionnelles de l’article 61-1 ne lui permettent pas d’exercer un pouvoir général d’appréciation et de décision comme celui effectivement attribué aux parlementaires français. Ces dispositions de l’article 61-1 de la Constitution lui confèrent toutefois une compétence afin qu’il statue sur la conformité des dispositions de nature législative qui lui sont soumises dans le cadre d’un examen particulier et par rapport aux droits et aux libertés contenus et garantis par le texte constitutionnel suprême lui-même. 

Comme précisé ci-dessus, l’association requérante considérait que les dispositions législatives en cause sont contraires à deux principes : le principe d’égalité devant la loi, et, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Qu’en a décidé le Conseil constitutionnel ? 

- Principe d’égalité devant la loi :

S’il est indéniable que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen prévoit que la loi « doit être la même pour tous », selon le Conseil constitutionnel, cet article qui pose ce principe n’interdit pas au législateur français de régler de manière différente des situations qui sont elles aussi différentes. Il n’interdit pas non plus au législateur de déroger à cette égalité si cela est justifié par des raisons d’intérêt général. Néanmoins il faut que dans ces deux cas particuliers « la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. » (cf. §6 de la décision)

- Principe d’égalité entre les hommes et les femmes :

Sous ce rapport, le Conseil constitutionnel a noté que les dispositions critiquées par l’association requérante et qui ont été adoptées par les parlementaires ont permis un égal accès des femmes à l’assistance médicale à la procréation. Cet accès n’est en fait plus conditionné à un quelconque statut matrimonial ou bien encore à leur orientation sexuelle. Comme rappelé par les juges du Conseil constitutionnel, en décidant ainsi, les parlementaires ont pleinement exercé leur compétence en estimant que « la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l’état civil, pouvait justifier une différence de traitement » (cf. §8 de la décision), cette différence étant par ailleurs directement liée à l’objet de la loi, et donc, eu égard à l’accès à l’assistance médicale à la procréation.

Par conséquent, les dispositions contestées par l’association requérante sont conformes à la Constitution et aux droits et aux libertés que celle-ci garantit.

Références

https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2022-1003-qpc-du-8-juillet-2022-communique-de-presse

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/20221003QPC.htm#:~:text=LE%20CONSEIL%20CONSTITUTIONNEL%20A%20%C3%89T%C3%89,une%20question%20prioritaire%20de%20constitutionnalit%C3%A9.

https://www.lexbase.fr/revue-juridique/86441286-edition-du-12-07-2022#article-482175

https://blog.landot-avocats.net/2022/07/11/une-semaine-dactualite-sanitaire-et-sociale-edition-du-11-07-2022/