La possibilité de requérir à la communication de certaines informations

C'est le 23 septembre dernier que les juges de la Cour de cassation ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité au regard de la conformité des articles 77-1-1 et 77-1-2 du Code de procédure pénale par rapport aux droits et aux libertés qui sont garantis par la Constitution.

Que prévoient respectivement ces articles ? (cf. paragraphes 2, 3, 4)

Le premier article cité dispose qu'à l'occasion d'une enquête préliminaire, le procureur de la République (ou un officier, ou un agent de police judiciaire si celui-ci les y autorise) est en mesure de requérir de toute personne (publique ou privée) étant « susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris [des informations] issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives » de les lui communiquer. Ici, seul un motif légitime peut autoriser ces personnes à opposer l'obligation au secret professionnel.

Le second article prévoit, pour sa part, qu'un officier ou un agent de police judiciaire a la possibilité, s'il y est effectivement autorisé par le procureur de la République, de requérir des mêmes personnes mentionnées à l'article précédent « la mise à disposition d'informations non protégées par un secret prévu par la loi [et] contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. »

Quels sont les griefs apportés par le requérant contre ces dispositions ?

Dans le cas d'espèce, le requérant conteste le fait que, selon lui, les dispositions susmentionnées autorisent le procureur de la République à procéder à la réquisition de ces informations, comprenant les données de connexion, sans que sa décision ne soit en fin de compte préalablement contrôlée par une juridiction indépendante.

Selon lui, ces articles méconnaissent non seulement le droit de l'Union européenne, mais aussi le droit au respect de la vie privée, les droits de la défense et enfin le droit à un recours juridictionnel effectif. Il considère en outre que le législateur a méconnu sa compétence dans des conditions qui affectent les droits sus-précisés (cf. paragraphes 4, 5).

Le cheminement de pensée du Conseil constitutionnel

Tout d'abord, le Conseil constitutionnel rappelle, dans le paragraphe 6 de sa décision, les dispositions contenues au sein de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et retient que la liberté expressément reconnue par celles-ci comprend le droit au respect de la vie privée. Par ailleurs, les sages rappellent qu'en application des dispositions constitutionnelles de l'article 34, le législateur doit concilier l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction et ce droit au respect de la vie privée (cf. paragraphe 7).

Sous ce prisme, donc, le Conseil constitutionnel constate que les dispositions du Code de procédure pénale précitées, et dont il est fait grief par le requérant, permettent aussi bien au procureur de la République qu'aux officiers et agents de police judiciaire habilités, de se faire communiquer de données de connexion d'une part, d'y avoir accès d'autre part (cf. paragraphes 8, 9, 10).

Ainsi dans un premier temps, le Conseil constitutionnel retient que ces données de connexion, par leur nature, mais également par « les traitements dont elles peuvent faire l'objet », peuvent fournir des informations « particulièrement attentatoires à la vie privée » des personnes concernées (cf. paragraphe 11).

Dans un deuxième temps, dans le paragraphe 12 de la décision, les sages attirent l'attention sur le fait que lesdites dispositions législatives permettent la réquisition de données dans le cadre particulier d'une enquête préliminaire, et qui peut avoir trait à toute infraction pénale, non justifiée par l'urgence et finalement non limitée dans le temps.

En dernier lieu, le Conseil constitutionnel souligne l'absence d'une garantie supplémentaire que celle issue des dispositions de l'article 39-3 du Code de procédure pénale qui prévoit qu'il revient au procureur de République de contrôler les actions entreprises par les enquêteurs dans le cadre des investigations des infractions pénales (cf. paragraphe 13).

Par voie de conséquence, les sages du Conseil constitutionnel ont jugé que le législateur français n'a pas prévu de garanties permettant une conciliation « équilibrée » entre droit au respect de la vie privée et la recherche des auteurs d'infractions. D'où leur décision de retenir l'inconstitutionnalité de ces deux articles précités et contestés par le requérant. Il juge enfin que l'abrogation de ces dispositions est différée au 31 décembre 2022 (cf. paragraphes 14 à 17).