La saisine du Conseil constitutionnel
C'est le Premier ministre qui a décidé de saisir le Conseil constitutionnel conformément aux dispositions de l'article 46, al. 5, et de l'article 61, al. 1er, de la Constitution. Le Conseil constitutionnel s'est donc penché sur la conformité de la loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire et a rendu sa décision la concernant le 17 décembre dernier.
Il a décidé d'émettre trois réserves d'interprétation, mais surtout ce qui nous intéresse dans le cadre de notre développement réside dans le fait qu'il a décidé de censurer les dispositions relatives aux conditions et aux modalités des enregistrements sonores ou audiovisuels devant la Cour de justice de la République, comprises au sein de l'article 4 de ladite loi.
Petit rappel sur la Cour de justice de la République
La Cour de justice de la République, mise en place à la suite de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, a pour mission principale de juger les ministres qui jouissent d'un régime de responsabilité pénale tout à fait particulier. Cette responsabilité pénale propre aux ministres intéresse non seulement les crimes, mais aussi les délits qui seraient commis par ces derniers, dans l'exercice de leur fonction. Ces règles sont fixées par les dispositions des articles 68-1 et 68-2 de la Constitution.
Conditions et modalités des enregistrements non suffisamment précisées par le législateur
Les sages du Conseil constitutionnel ont décidé de censurer les dispositions législatives de l'article 4 de la loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire. Pourquoi a-t-il décidé ainsi ?
Comme le mentionne le Conseil constitutionnel dans sa décision (cf. paragraphe 28), cet article 4 de la loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire vient compléter les dispositions de l'article 26 de la loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République. Plus précisément, cet article 4 intervient pour autoriser l'enregistrement puis la diffusion des audiences se tenant devant cette Cour de justice de la République.
Cet article 4 prévoyait en effet que l'enregistrement des audiences devant la Cour de justice de la République, que celui-ci soit sonore ou audiovisuel, « est de droit ». Or dans ces dispositions, rien n'indiquait précisément quelles étaient les règles que le législateur organique avait déterminées en matière de conditions et de modalités desdits enregistrements.
Dans cette décision, paragraphe 30, le Conseil constitutionnel rappelle expressément les dispositions de l'article 34 de la Constitution. Ces dispositions prévoient en effet qu'il revient à la loi de fixer l'ensemble des règles au regard des garanties fondamentales effectivement accordées aux citoyens français pour l'exercice de leurs libertés fondamentales, ainsi que les règles relatives à la procédure pénale.
Après avoir ainsi rappelé ce principe, le Conseil constitutionnel a précisé le fait qu'il appartient exclusivement au même législateur d'user totalement de sa compétence, conférée par la Constitution, et, « en particulier son article 34 », de fixer les règles en la matière. Le Conseil constitutionnel conclut, à cet égard, qu'il ne peut utilement revenir à des autorités administratives ou à des autorités judiciaires le soin de fixer de telles règles dans la mesure où la norme suprême n'a confié cette détermination qu'à la loi et à elle seule.
Les sages du Conseil constitutionnel ont poursuivi leur raisonnement en considérant qu'il est tout à fait possible pour le législateur organique de prévoir l'autorisation de l'enregistrement des audiences se tenant devant la Cour de justice de la République en vue de leur diffusion, et « au regard de l'intérêt public qu'elles présentent. » (cf. paragraphe 30) Toutefois, et de manière immédiate, ces derniers soulignent l'importance pour ce même législateur organique d'adopter des dispositions qui permettent la garantie du droit au respect de la vie privée d'une part, de la présomption d'innocence d'autre part. Ces droits sont par ailleurs protégés par les dispositions des articles 2 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En outre, les sages du Conseil constitutionnel ont retenu que le législateur organique, en décidant que cet enregistrement des audiences près la Cour de justice de la République « est de droit » a tout d'abord méconnu l'étendue de sa compétence attribuée par la Constitution. De même, ils ont jugé que les conditions ainsi que les modalités propres à cet enregistrement n'ont pas été déterminées de manière suffisamment précise. Par voie de conséquence, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur organique, en méconnaissant sa compétence, a également soustrait de garanties légales l'ensemble des exigences qui résultent des dispositions des articles 2 et 9 précédemment cités (cf. paragraphe 32).
C'est après avoir raisonné de la sorte que le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux dispositions constitutionnelles les règles fixées par cet article 4 de la loi organique (article 1er de la décision), et a finalement conclu que l'ensemble des autres dispositions sont bien conformes au texte constitutionnel suprême.
Sources :
- Pauline Turk, Les Institutions de la Ve République, éd. Gualino, Paris, 2013, p.73
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