D'une "mort calme et sans souffrances" (Dictionnaire de Médecine Flammarion), il s'agira davantage aujourd'hui d'abréger les souffrances d'un patient atteint d'une maladie incurable en lui donnant la mort. Notons toutefois qu'une distinction s'impose lorsqu'il s'agit d'euthanasie. D'abord, il existe l'euthanasie active pour laquelle un tiers va donner la mort. Puis, l'euthanasie passive pour laquelle il s'agira de mettre fin aux traitements et c'est cet arrêt qui va abréger la vie du malade, s'il n'est pas médicalement possible de le sauver. Il serait alors question de refuser de s'acharner de façon thérapeutique pour un patient pour qui aucune chance n'existe quant à sa guérison.
Quelques pays européens ont légalisé l'euthanasie à l'image du Luxembourg ou de la Belgique. Dès lors qu'une euthanasie est pratiquée et qu'elle est médiatisée, les débats sont relancés entre pro-vie et pro-euthanasie. Tel fut d'ailleurs le cas dernièrement lorsqu'un mineur de nationalité belge décida de mettre fin à ses jours, car la maladie dont il était atteint était incurable.
L'Union européenne ne souhaite pas, pour le moment, adopter une position politique relative à cette question juridique et médicale pourtant si importante. D'autant plus que le principe de primauté du droit européen sur le droit interne imposerait de la part des autorités nationales qu'elles emboitent le pas... Par son silence, elle laisse aux États membres la possibilité de recourir à la législation qu'ils veulent adopter ou non. Tel est également le cas de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui, par un arrêt rendu le 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni. Alors, les hautes instances européennes décident que la fin de vie doit être encadrée par les États... Il convient donc de rechercher des réponses dans les groupes parlementaires, les rapports, les propositions ou projets de loi...
Certes, il existe des pays qui autorisent l'euthanasie comme pour le Luxembourg depuis mars 2009 si et, seulement si, la situation médicale est sans issue, mais, à l'inverse de la Belgique, l'euthanasie des mineurs est y proscrite. Toutefois, il est des pays, à l'image de la France, pour lesquels l'euthanasie est interdite, mais dans lesquels il existe une aide à la mort.
Si l'euthanasie active est proscrite dans la plupart des États européens, l'euthanasie passive n'est pour sa part pas illégale. Cette dernière hypothèse consiste donc en un arrêt des soins thérapeutiques apportés au patient avec son accord ou avec l'accord de sa famille. N'ayant plus rien à faire pour sauver le patient, il y aurait un terme à l'acharnement thérapeutique. Parfois législative, parfois prétorienne, la pratique relative à l'euthanasie passive voit de nombreuses applications différentes sur le continent européen.
La France, pour sa part, a décidé que l'euthanasie est illégale. Le Code pénal dans ses dispositions distingue lui aussi l'euthanasie active de l'euthanasie passive en ce que la première provoque directement la mort du patient et est alors assimilé directement à un homicide. Tandis que pour la seconde, il s'agira de non-assistance à personne en danger. Notons cependant que le terme euthanasie n'est pas indiqué tel quel dans ce Code.
En ce qui concerne le Code de déontologie médicale, il est interdit au médecin de "provoquer délibérément la mort" ; il n'en n'"a pas le droit" selon son article 38 alinéa 2. Alors, des violations de la part des médecins pourraient entrainer pour eux des sanctions disciplinaires et des sanctions pénales. La loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite Loi Leonetti, met en place un laisser mourir du patient, "des droits du malade à mourir". Comment cela fonctionne-t-il ? Des médicaments pour limiter la douleur vont lui être administrés, mais ceux-ci ont pour effet secondaire, parfois, d'abréger sa vie. L'euthanasie passive est autorisée, mais pour qu'elle soit valable, il faut qu'elle remplisse des conditions d'application strictes : deux médecins minimum doivent convenir qu'il s'agit de la bonne décision, mais aussi que les proches du malade aient été concertés. D'ailleurs, il faut souligner le fait que cette loi apporte une nouvelle notion en droit français, celle de "testament de vie" en ce que chaque majeur est dans la possibilité de rédiger "des directives anticipées" dans la mesure où il sera incapable dans le futur d'exprimer la volonté qui est la sienne. Cette loi ou plutôt les dispositions qu'elle renferme n'iraient pas aussi loin que certains le voudraient...
Il a fallu véritablement attendre le début de l'année 2011 pour voir les choses évoluer ou, à tout le moins, sembler évoluer. Un projet de loi relatif à la légalisation de l'euthanasie fut rejeté en janvier 2011. Il avait pour dessein de demander la possibilité d'"une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur". Pourquoi un tel rejet ? Pour le gouvernement, l'autorisation de procéder à l'euthanasie allait contre les fondements juridiques français...
C'est aussi pourquoi le candidat François Hollande à la présidence de la République, avait proposé, lors de sa campagne en 2012, un débat, mais aussi un projet de loi afin d'améliorer les dispositions de la Loi Leonetti et les compléter pour en pallier les difficultés pratiques. Il avait alors promis une légalisation concernant l'euthanasie.
La traduction de cette promesse électorale, cette grande réforme sociétale voulue par le candidat puis président de la République, réside dans la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite Loi Claeys-Leonetti, qui se veut meilleure en termes d'accompagnement des personnes en fin de vie en ce qu'elle devrait leur permettre de mourir de façon digne, et ce, via une sédation profonde et continue jusqu'à ce que la mort du patient s'en suive.
Il existe donc de nombreuses dispositions législatives qui traitent de l'épineuse question de l'euthanasie et de sa légalisation, de ses synonymes ou non, de ses manifestations, de ses possibilités, des questions qui en découlent en droit français. Plus précisément, il apparait opportun de se demander comment la fin de vie, puisqu'il s'agit véritablement de cela aujourd'hui dans les débats animés et passionnés qu'elle suscite, est-elle envisagée en France ?
Des dispositions législatives relatives à la fin de vie existent bel et bien aujourd'hui dans l'Hexagone dont les dernières feraient véritablement évoluer la façon de penser la fin de vie du malade incurable.
- Des dispositions suscitant des interrogations
- L'euthanasie : un débat qui nécessite de prendre position
- La nécessité d'exprimer par écrit ses directives anticipées
- Des nouveautés législatives encourageantes pour les pro-euthanasie
- Une sédation profonde et continue du patient
- Exclusion réaffirmée de l'acharnement thérapeutique
Des dispositions suscitant des interrogations
Le débat qui entoure l'euthanasie ne cesse de déchaîner les passions, aussi bien du côté des pro-vie que des pro-euthanasie. Quoi qu'il en soit, des dispositions existent au grand dam de certains, pour le soulagement d'autres. L'une d'entre elles nécessite de poser par écrit la volonté du malade pour le jour où il ne pourra plus l'exprimer.
- L'euthanasie : un débat qui nécessite de prendre position
Il faut déjà noter qu'il existe dans les hôpitaux français une pratique dite sédative. Le problème survient dès lors qu'elle n'est pas générale et homogène comme le soulignent les deux auteurs de la nouvelle loi.
Des critiques de toute part se font entendre à chaque fois que le débat ressurgit sur la scène médiatique et juridique. Aussi et surtout, les dernières dispositions n'ont pas su y mettre un terme. Deux groupes de parlementaires se sont notamment opposés lors des débats qui ont lieu avant l'adoption de la loi Claeys-Leonetti, le 27 janvier 2016. Il y avait effectivement à droite des parlementaires ainsi que des associations catholiques qui aurait aimé que la loi Leonetti de 2005 ne soit pas modifiée. À gauche maintenant, des parlementaires défenseurs de l'euthanasie, de son utilité dans la société qui considèrent que ladite loi n'allait pas aussi loin qu'elle aurait dû, d'où la nécessité d'adopter le nouveau texte...
Pour faire simple, la nouvelle loi n'est pas si décisive dans ses dispositions pour le droit à mourir pour les pro-euthanasie et ne constitue pas non plus le statut quo tant souhaité par les pro-vie. Personne n'est donc totalement satisfait...
Le nouveau texte prévoit la possibilité d'une sédation profonde et continue impliquant l'arrêt total des traitements, et certains y voient une incitation à la pratique euthanasique. De même pour les parlementaires, la sédation ne cause nullement la mort. Leur question subsiste : quelle est alors sa finalité ? Si les sédatifs sont surdosés, ils causeront la mort du patient, mais sinon la sédation est véritablement utilisée pour apaiser le patient et l'accompagner dans sa fin de vie. Aurait-il fallu créer un dispositif de contrôle de ces pratiques ? La réponse est sûrement oui, du moins pour en estimer la pratique, sa fréquence et surtout les éventuelles dérives qui en découleraient...
- La nécessité d'exprimer par écrit ses directives anticipées
Comme il a été cité dans l'introduction de ce débat, il existe une possibilité pour tout malade d'exprimer par un écrit, "[ses] directives anticipées" pour le cas précis où il serait incapable d'exprimer sa volonté et donc de demander de procéder à son euthanasie. Cette possibilité et même, cette nécessité, renvoient à ce qui a été appelé le "testament de vie".
Pourquoi les choses changent-elles ? D'abord indicatives, elles sont dorénavant contraignantes. Cette possibilité octroyée à tout un chacun permet de refuser purement et simplement un acharnement thérapeutique, mais pas seulement, en ce que la personne peut aussi exprimer le fait qu'elle veuille que tout soit fait pour la maintenir vivante.
La forme que prennent ces directives anticipées varie, d'une simple feuille blanche à un formulaire proposé, par exemple, par l'Assurance-maladie. La forme est donc libre à moins que l'on préfère avoir recours à un document "plus formel".
Si la forme est libre, il n'en reste pas moins que pour le cas où un individu ne saurait pas écrire, deux témoins devront être présents lors de la rédaction pour attester que les souhaits de la personne sont bien respectés.
D'abord "tout puissant" puisqu'ils avaient le dernier mot, les médecins devront maintenant tenir compte de ces directives. Néanmoins, une question surgit et elle n'est pas des moindres. En effet, sont-ils totalement liés par elles ? Non (!) et notamment en cas d'urgence vitale ou encore s'ils les jugent manifestement inappropriées ou bien non conformes à la situation médicale du patient... À la lecture de ces limites, il faut tout de suite se demander qu'est-ce qu'une demande manifestement inappropriée ? Quelles en sont les hypothèses ? La notion n'existe tout simplement pas au point de vue juridique... (sic).
Certes, les dispositions de la nouvelle loi relative à la fin de vie et à l'accompagnement du patient suscitent des interrogations chez les partisans de tout bord : qu'ils soient pro-vie ou pro-euthanasie. Toutefois, cette loi s'inscrit dans une évolution législative et apporte au patient, puisqu'il est le protagoniste initial dans le processus, des possibilités nouvelles. C'est la pratique et le recul qui en seront faits qui permettront de répondre à des interrogations en suspens...
Des nouveautés législatives encourageantes pour les pro-euthanasie
Le droit ne reste pas figé dans le temps, il évolue et chemine au côté du changement de la société, mais aussi et surtout de ses aspirations. Tel est le cas du sujet relatif à la fin de vie. Alors, des dispositions législatives sont apparues dernièrement dans le droit français : une sédation profonde et continue du patient, malade incurable. L'exclusion de l'acharnement thérapeutique est d'ailleurs pour sa part réaffirmée.
- Une sédation profonde et continue du patient
La Loi Claeys-Leonetti veut proposer aux malades incurables de partir dignement via "une sédation profonde et continue" jusqu'à leur mort. Cette possibilité de sédation profonde et continue laisse certains bien songeurs quant aux dérives qui peuvent en découler. Se dirige-t-on vers un tout "euthanasie" dès lors qu'on en fait référence dans ses directives anticipées et que vient le moment si redouté ?
Répondre par l'affirmative serait en réalité trompeur. En fait, les rédacteurs de cette loi se veulent rassurants. Les patients concernés seront précisément ceux "en toute fin de vie" et dont la souffrance qu'ils éprouvent est tout simplement insupportable.
Traitements, soins ? Quésako ? Pour les députés Claeys et Leonetti, qui ont donné leur nom à la loi, hydratation et nutrition ne sont pas des soins, mais ils affirment qu'il s'agit de traitement. Quelle différence ? En quoi est-ce primordial d'en comprendre la distinction ? Simplement parce qu'il est possible d'arrêter les traitements si demande en est faite par le patient... Par conséquent, hydratation et nutrition artificielle pourront être arrêtées si le patient en fait la demande même s'il s'agira toutefois "d'une étude au cas par cas" pour reprendre les termes de Jean Leonetti.
C'est en ce sens que Jean Leonetti, cardiologue de profession, déclare que cette possibilité ressemble à "un droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir". Pourtant, la technique de la sédation a toujours existé. En effet, elle existait déjà avant l'adoption et la promulgation de cette loi, mais était néanmoins non générale et surtout pas homogène. Alors, la question qu'il faut se poser est la suivante : est-ce qu'au fond, la (nouvelle) loi n'aurait rien changé ?
- Exclusion réaffirmée de l'acharnement thérapeutique
Imposées aux médecins, les directives anticipées ne leur seront en aucun cas opposables. En fait, il faut savoir que la possibilité accordée au patient atteint d'une maladie incurable de recourir à cette sédation ne se confond en aucun cas avec l'euthanasie active ou même passive. Loin de là. Lesdites directives sont donc primordiales lorsqu'il s'agit d'exclure l'acharnement thérapeutique. En fait, il faut noter que peu de personnes, en réalité, procèdent à la rédaction de cet écrit qui pourtant se veut important. Une personne de confiance ou encore la famille du malade, si celui-ci n'est plus en mesure d'exprimer de façon claire et éclairée sa volonté pourront être consultées. Celles-ci pourront alors donner leur avis quant aux suites à donner. Faut-il poursuivre les soins ? C'est une bien épineuse question surtout lorsqu'il s'agit de donner un avis dans un moment où le proche n'est plus présent que physiquement...
Réaffirmation de l'exclusion de l'acharnement thérapeutique ? La réponse ne peut se réduire à une simple affirmation ou négation.
Si dans l'hypothèse où une personne a expressément notifié qu'elle ne souhaitait pas d'acharnement thérapeutique celle-ci se trouve dans un cas qualifié d'urgence vitale, elle pourra être réanimée (sic) alors qu'elle ne le voulait pas et l'avait fait expressément savoir...
C'est une situation fort bien contrariante pour le malade, mais aussi pour sa famille. À quoi bon lui demander son avis si ce n'est pas pour le respecter ?
Sources : Toute l'Europe, Le Monde, La Depêche, Huffingtonpost, Gazette santé social, Caducee, L'Internaute
Les articles suivants sur l'actualité juridique peuvent vous intéresser :
Explication de la loi travail ou loi El Khomri
Décryptage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution
CE, ordonnance du 26 août 2016, Ligue des droits de l'homme et autres - association de défense des droits de l'homme collectif contre l'islamophobie en France : une polémique à la française pour une solution parfaitement justifiée en droit
Résumé de l'affaire Tapie - Christine Lagarde
Explication de l'affaire Bygmalion
Décryptage de l'affaire Cahuzac
Les droits fondamentaux ou libertés fondamentales