Dans les faits, treize personnes furent contrôlées et ont estimé l'avoir été à cause de leur origine ou de leur apparence physique dans la mesure où ces personnes sont d'origine africaine ou nord-africaine. Estimant avoir subi un préjudice moral, ils ont décidé d'attaquer l'Agent judiciaire de l'État.

Il faut déjà savoir qu'avant que la Cour de cassation ne condamne l'État, celui-ci avait déjà été condamné en appel à verser des dommages et intérêts d'un montant de 1500 ? dans cinq dossiers (sur les treize) par la Cour d'appel de Paris le 24 mars 2015. Mais mécontent de la décision ainsi rendue, un pourvoi en cassation au côté des personnes contrôlées qui ne s'étaient pas vu verser de dommages et intérêts.

La Haute cour décida de condamner l'État. Cependant en quoi consiste donc cette condamnation ?

Pour le Défenseur des droits, il s'agit là d'"une avancée majeure pour la garantie des droits des citoyens".

La condamnation de l'État en la matière

De quoi la Haute juridiction de l'ordre judiciaire dispose-t-elle dans ces arrêts ? Elle énonce clairement qu'"un contrôle d'identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s'agit d'une faute lourde qui engage la responsabilité de l'État". Les règles sont donc posées : fonder un contrôle d'identité sur l'apparence physique (associée à une origine réelle ou supposée) est discriminatoire et est constitutif d'une faute lourde. Les mots sont tombés : l'État est condamné par la Cour de cassation.

La preuve de la discrimination

Toutefois, il va sans dire que la Haute juridiction a aussi posé les règles en matière de preuve. Comment donc prouver la discrimination ? Elle s'exerce en trois temps distincts :

Il revient donc au demandeur à l'instance d'apporter au juge "des éléments qui laissent présumer l'existence d'une discrimination". L'administration doit ensuite prendre le pas et démontrer l'absence de discrimination ou encore une différence de traitement qui aurait été justifiée par des éléments objectifs.

Finalement, le juge exerce le contrôle qui est le sien et rend sa décision.

La charge de la preuve serait par voie de conséquence aménagée puisqu'il revient à l'État d'apporter la preuve que les contrôles en cause ne sont aucunement discriminatoires : la question de la charge de la preuve de la discrimination est donc purement et simplement renversée !

Des décisions de la Cour d'appel de Paris confirmées par les juges de la Haute cour

La première Chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur les arrêts rendus par la juridiction inférieure et énonce qu'elle a correctement appliqué ladite méthode en ce que : l'État n'ayant pas démontré que la différence de traitement n'était pas justifiée, il a été condamné. À l'inverse, l'État n'a pas été condamné si cette différence de traitement était justifiée "par des éléments objectifs". Dans son communiqué, la Cour de cassation énonce que la personne qui fut contrôlée correspondait en réalité au signalement qui avait été fait d'un suspect recherché. Point lieu à condamnation donc. Enfin, si dans la mesure où l'individu contrôlé n'a pas pu apporter les éléments de fait, point besoin de condamner l'État.

"Un tournant historique"

Devant se prononcer pour la première fois sur une telle question, la Cour de cassation par ces décisions marque "un tournant historique concernant les rapports police-population" souligne le collectif Stop le contrôle au faciès. Pour ce collectif, cette avancée adresse "un message fort [...] à la population qui trouve ainsi une voie de recours à cette discrimination institutionnelle".

Une question en suspens...

Faudrait-il procéder à l'enregistrement de ces contrôles d'identité, enregistrements qui seraient effectués systématiquement ? Seul l'avenir pourra dire si l'on en viendra là ou pas ; François Hollande a d'ailleurs abandonné cette idée (de campagne) selon laquelle après chaque contrôle, un récépissé aurait été remis à l'intéressé par les forces de l'ordre.


Source : Le Monde


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